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Son Excellence… "Blaise Compaoré" : Président du Faso pour 5 minutes

Publié le mercredi 24 février 2010 à 02h48min

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En 2002 et plus particulièrement pendant l’élection présidentielle de 2005, le public burkinabè découvrait avec étonnement et humour, une autre "Son Excellence Monsieur Blaise Compaoré, Président du Faso". Son langage, son accoutrement (gros boubou et bonnet), ses gestes, tout concoure à faire de cet homme un autre Blaise Compaoré. La mayonnaise du sosie a bien pris. Le public s’est bien marré. C’était une première au Burkina d’imiter des personnalités de haut rang. En plus du président Blaise Compaoré, l’opposant Laurent Bado, le premier ministre d’alors Paramanga Ernest Yonli ont vu leurs sosies à la télé. Ils en ont certainement ri ces gens là ! « C’est un élément de la démocratie.

Dans un pays où il ya la démocratie on ne peut pas éviter ces choses ». L’initiateur de cette comédie, le sosie de Blaise Compaoré est connu par l’état civil sous le nom de Ouédraogo Kiswendsida Gérard. Artiste comédien humoriste, premier Burkinabè à faire le style de guignols (des personnalités qu’on imite sous forme de nains avec de petits pieds et de petites mains), Gérard Ouédraogo a commencé à jouer dans les pièces de théâtre après ses études secondaires. Séduit par cet art, il s’y consacre et se forme. Aujourd’hui Son Excellence écume les scènes d’Afrique et d’Europe. Rentré fraîchement des Arcanes de Lomé et en instance de prendre le vol le lendemain pour Bamako parce qu’invité par Boncana Maïga à l’émission "Star Parade", il a juste le temps de suspendre les préparatifs de son concours de l’humour scolaire pour nous accorder une interview au CCF. La fatigue est perceptible. Normal, les programmes de leurs Excellences sont toujours très chargés. Feuilletons ensembles donc les pages secrètes de Son Excellence…

Bonsoir Excellence

Bonsoir

Vous vous révélez au public burkinabè par votre jeu d’imitation du président Blaise Compaoré, dites- nous comment vous est venue cette idée ?

J’étais à Bamako pour une formation à Korafilm avec Habib Dembélé, la maison des acteurs à Paris, Cheick Omar Cissoko. A un moment donné on était en train de faire une lecture, et dans la lecture quand ils écoutaient, ils ont d’abord dit que mon accent est mossi, que c’est comme Blaise quand il parle on sait que c’est un Mossi. De là m’est venue l’idée de travailler pour voir si je peux parler comme le président, ce qui n’existe pas chez nous ; les imitations des personnalités. J’ai discuté avec Habib Dembélé qui m’a dit que lui il le fait déjà à Bamako et que je pourrais l’essayer au Burkina. Quand je suis rentré à Ouaga j’ai commencé à prendre les CD du président, les discours, j’ai commencé à écouter, à observer ses démarches, sa façon de regarder, de sourire, quand il est concentré aussi. J’ai observé tout ça et j’ai préparé un numéro spécialement sur l’imitation du président du Faso pour aller au Grand Prix national de l’humour. Quand j’y suis parti j’ai surpris les gens et moi- même, parce que c’a bien marché.

Depuis ce temps les gens m’invitent partout à imiter le président. A côté du comédien que je suis et des one man show que je fais, au Burkina ici j’imite aussi le président. J’ai amené d’autres personnes à le faire parce que c’est une première au Burkina. Il y a KPG que j’ai convaincu il a imité le Pr Laurent Bado. Quand il l’a fait ça ‘a pris aussi. J’ai aussi travaillé avec Ira Siaka et il a pu imiter Paramanga Ernest Yonli. Les gens pensaient que le président Blaise Compaoré allait interdire à Gérard de l’imiter, mais tel n’a pas été le cas. Ça fait huit ans que je l’imite et jusqu’à présent on ne nous a pas censuré. Pour moi c’est un élément de la démocratie. Dans un pays où on parle de démocratie ce sont des choses qu’on ne peut pas éviter. Cela donne une bonne image de notre pays en matière de démocratie et de liberté d’expression.

Quand vous vous mettez dans la peau du président et que vous êtes en train de livrer un discours face à plusieurs personnes, comment vous vous sentez en ce moment ?

C’est le moment où je me sens président hein… ah oui ! Parce que quand je suis sur scène, je sors avec mes boubous, les gens se lèvent et que je commence le discours, les cinq minutes là, je vous jure que je me sens président. C’est comme ça. Puisque c’est l’incarnation du personnage, je me sens Blaise Compaoré, je me sens Président de la République pour les cinq minutes. Voilà ! (rires).

Avez-vous déjà rencontré le président Blaise Compaoré ou entendu des échos venant de lui par rapport à ce que vous faites ?

Personnellement des échos venant de lui, on dira qu’il aime, ça le fait sourire. Mais personnellement moi Gérard Ouédraogo rencontrer le président Blaise Compaoré en tête à tête discuter des imitations, je dirai non. Peut- être que je n’ai pas fait le pas, peut- être que le président aussi n’a pas pensé à ça. Mais comme tout citoyen, il serait bien de rencontrer le premier responsable de son pays pour lui dire quelque chose. Pour moi c’est important, ça me fera plaisir de rencontrer le Président du Faso pour discuter avec lui. Le rencontrer c’est bien mais l’objectif n’est pas d’imiter le président pour pouvoir le rencontrer.

Le fait de l’imiter vous amène forcément à l’aimer ?

A l’aimer ? Comment ? Je ne comprends pas votre question.

L’apprécier, apprécier ce qu’il fait ?

Oui j’apprécie bien ce que le président du Faso fait parce que jusqu’à présent au Burkina on peut dire que même s’il y a des insuffisances, si les gens se plaignent qu’il y a la pauvreté, moi je tourne dans la sous- région et en Europe je vois comment ça se passe, j’apprécie mon pays, je peux dire qu’il y a une stabilité, il y a la paix. Au moins on a la tranquillité de parler comme on veut. Quand tu penses qu’il y a des pays où on ne parle pas d’humour, ils n’ont pas le temps pour ça. Aujourd’hui nous nous rêvons vivre de notre métier. Dans un pays où les jeunes rêvent vivre de l’humour, du théâtre, c’est parce qu’il y a la paix dans ce pays. Mais dans les pays où il y a la guerre, c’est qui tu vas voir il va dire c’est de l’humour je veux faire mon métier ? Le fait même qu’il y ait des humoristes au Burkina cela devrait être une fierté pour nous Burkinabè et pour nos autorités. Peut-être que s’il n’y avait pas la paix nous autres on ne serait pas restés au pays.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre métier de comédien ?

Le problème général c’est le manque de finances. Quand vous faites votre travail d’humour et que les gens rient, ils oublient que c’est du travail que tu es en train de faire. Par exemple un comédien humoriste qui vient donner un spectacle de cinq minutes, les gens voient qu’il a joué 5mn mais ils ne savent que pour cela il a dû prendre deux semaines ou un mois pour préparer ce spectacle de 5mn. Parfois les gens ne veulent pas payer les spectacles. Quand on invite un humoriste pour jouer, souvent on n’a pas de l’argent pour lui, par contre il y a de l’argent pour le musicien. Je lance un appel à tous ceux qui organisent des spectacles dans notre pays à considérer un peu plus ce que nous faisons. Souvent on joue sur la même scène que des artistes étrangers mais quand tu apprends leur cachet c’est dix fois ce qu’on nous propose.

Ça n’aide pas les artistes burkinabè. Ils vont faire déplacer un artiste étranger, le loger à l’hôtel avec véhicule et perdiem, mais ce qu’ils proposent à l’artiste burkinabè ça ne vaut même pas les perdiems de l’artiste étranger. Ça c’est insulter les artistes et la culture de son pays. Je suis contre ça. Jouer au pays ça ne rapporte pas. Quand on t’appelle souvent c’est de la mendicité. C’est "viens nous aider on n’a pas assez d’argent". On a de l’argent pour louer des chaises, la sono, inviter de grands artistes de l’extérieur mais les artistes locaux, on n’a toujours pas d’argent pour les payer. On leur demande de venir aider.

2010 est une année électorale dans notre pays, c’est dire que Son Excellence a un calendrier chargé et doit préparer sa campagne, comment vous préparez les élections 2010 à votre niveau ?

(Grands rires) Tu parles à qui ? Tu parles à Gérard ou au président ?

Je parle à Son Excellence, si toutefois il y a des représentations pour attendre la campagne électorale.

Effectivement je peux dire que c’est un devoir. Il faut le faire parce que le peuple attend. Nous allons tenter de faire de notre mieux pour égayer encore la population. Nous en tout cas on ne manque pas d’idées mais parfois c’est les moyens qui font défaut pour les réaliser. Beaucoup de gens ne voient pas l’intérêt de ces choses là dans le pays et parfois tu te poses la question c’est quoi au juste. Ce que nous avons fait en 2005 en imitant le président, Laurent Bado, on s’est battus nous- mêmes, enlever l’argent de nos propres poches pour le faire. Tous les Burkinabè ont ri. Mais nous on se retrouve on n’a rien. (Il marque une pause !) C’est compliqué. J’ai comme l’impression que nos autorités qui devraient nous aider ne trouvent pas l’intérêt de ça. Pourtant la population aime. Cette année on va se débrouiller encore pour le faire en espérant qu’il y ait du soutien.

En Côte- d’Ivoire un humoriste de renom se présente aux élections présidentielles, est-ce que chez nous on peut s’attendre aussi à ce que vous qui vous mettez déjà dans la peau du chef de l’Etat, vous vous présentiez à des élections présidentielles ne serait-ce que pour apporter votre cachet humoristique ?

Pourquoi pas ? Ça peut venir. Peut-être que si jusqu’à présent on ne le fait pas c’est parce qu’on est en train d’étudier les possibilités pour le faire si l’environnement s’y prête. Au Mali Guimba s’est présenté, en Côte- d’Ivoire Dahico se présente, ici aussi je peux me présenter. De toute façon le public va me voter, des gens vont en rire mais ils vont me voter. Je pense que ça va venir. C’est une question de temps.

Quelle est votre situation matrimoniale ?

Je suis toujours célibataire sans enfant. Je suis un jeune quoi !

Un projet de mariage ?

Bien sûr ! Je suis avec une fiancée et on va bientôt se marier inch allah !

C’est le Burkina ou…

Oui c’est le Burkina. Je suis avec une amie que j’aime et nous avons un projet de mariage, peut-être pas pour toute suite mais j’aimerais bien me marier.

Hier c’était la Saint Valentin (l’interview a eu lieu le 15 février Ndlr), qu’est-ce que vous avez fait pour votre dulcinée ?

Aahh ma dulcinée ! En tout cas elle a bien mangé ! (rires) Si c’est manger je pense qu’elle a bien mangé et elle a entendu des jolis mots d’amour (à voix basse il dit : "c’est ce que les femmes veulent").

Est-ce qu’elle arrive à faire la différence entre votre comédie et votre sérieux ?

Bien sûr parce que Gérard sur la scène et Gérard à la maison c’est deux personnes différentes. Je ne mélange pas du tout les choses. A la maison tu es toi – même. Ta réalité, ta vie privée, ton foyer que tu veux construire, il y a du sérieux à y mettre. Sur la scène tu fais ton métier, à la maison tu fais ta vie.

Votre métier d’artiste vous expose et les femmes disent souvent que vous êtes difficilement maîtrisables parce qu’aimés de toutes.

C’est vrai mais Gérard personnellement il n’est pas encore rentré dans ce truc là. J’arrive à me maîtriser parce que dans la vie pour te faire respecter dans ton métier, dans ton domaine, dans ton milieu, il faut savoir maîtriser ta culotte. Ça c’est la force d’un homme. C’est comme une femme. Si une femme est dans son service et elle arrive à sortir avec des gens de son service, elle perd sa personnalité, le respect. Elle est moins que rien ; puisque la force de la femme c’est quand elle se maîtrise. Les gens voient c’est joli mais on ne peut pas avoir. C’est ça la grandeur et la force d’une femme. Mais quand une femme se vulgarise, tout le monde peut avoir, y a plus rien ! Elle n’existe plus. L’homme aussi c’est comme ça. Il faut te vendre cher. Les filles peuvent te voir, t’aimer, vouloir te toucher mais tu ne leur donnes pas l’occasion. C’est pour ça qu’on t’aime davantage. Tous les jours on a envie de te voir, de causer avec toi parce qu’elles se sentent en sécurité d’abord et deuxièmement elles n’arrivent pas à comprendre pourquoi on peut être avec ce monsieur et il ne parle pas de sexe. C’est très impressionnant ! Moi je joue parfois avec ça. Quand tu les regardes de loin elles aiment ton travail, ta personne parce que tu n’es pas facile à avoir.

Le mot de fin de Son Excellence à son "peuple" ?

Je dis merci au grand public. Les gens m’ont beaucoup encouragé. Les étudiants, les élèves, les fonctionnaires, tout le monde ils m’ont encouragé dans mon métier d’humoriste. Je promets de travailler encore pour les faire rire. Si vous entendez que Gérard joue quelque part, allez le soutenir parce qu’il a besoin de ça. Je demande aux gens de continuer à nous soutenir.

Interview réalisée par Koundjoro Gabriel KAMBOU : LeFaso.net

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Vos commentaires

  • Le 24 février 2010 à 07:59, par Le Lyonnais En réponse à : Son Excellence… "Blaise Compaoré" : Président du Faso pour 5 minutes

    Il en fallait des imitateurs dans la liste des humouristes que nous avons au pays. Ablassé Ouédraogo a un bel accent. Challenge : Laurent Bado

  • Le 24 février 2010 à 10:23, par Manitu En réponse à : Son Excellence… "Blaise Compaoré" : Président du Faso pour 5 minutes

    Bon vent Excellence. Ce que vous faites là, le Burkina en a besoin.

    C’est dommage qu’on te voie de moins en moins au Burkina mais c’est comme dirait l’autre, la rançon du succès.

  • Le 24 février 2010 à 11:19, par lilboudo En réponse à : Son Excellence… "Blaise Compaoré" : Président du Faso pour 5 minutes

    Bravo son excellence ; je n’ai vu qu’une seule vidéo, blaise et paramanga sur youtube, j’en régale tout le temps. Trop fun...

  • Le 25 février 2010 à 02:14 En réponse à : Son Excellence… "Blaise Compaoré" : Président du Faso pour 5 minutes

    J’aime trop quand cet humoriste imite Blaise Compaoré, car le bonheur qu’on ne trouve pas à écouter le Président, on le trouve à voir Gérard l’imiter.
    Blaise va bientôt quitter la scène espérons que le prochain aura aussi une particularité rigolote. Je sais que ce ne sera pas Maître Sankara avec sa moustache de chat.
    Courage à toi, je vois que tu prends ton travail au sérieux et c’est ce que j’allais te demander. Diversifie tes prestations au maximum. Ce un métier bien et noble.

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