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Salimata Ki, responsable du programme antitabac de l’Association burkinabé de santé publique : "Le tabac est une drogue qui tue à petit feu"

Publié le mercredi 6 janvier 2010 à 02h08min

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Salimata Ki/Ouédraogo

Cinq millions de personnes, surtout les jeunes, meurent chaque année des suites de la fumée du tabac. Véritablement problème de santé publique, le tabagisme fait l’objet d’une lutte âpre de la part de l’Etat, des associations et ONG. Dans l’entretien qu’elle nous a accordé, la responsable du programme antitabac de l’Association burkinabè de santé publique (ABSP) et coordonnatrice de l’Union des associations contre le tabac (UACT) nous situe sur la lutte contre ce mal au Burkina Faso et envisage des perspectives pour le vaincre.

Sidwaya (S.) : Qu’est-ce que la lutte antitabac ?

Salimata Ki/Ouédraogo (S.K.O.) : On entend par « lutte antitabac » toute une série de stratégies de réduction de l’offre, de la demande et des effets nocifs visant à améliorer la santé d’une population en éliminant ou en réduisant sa consommation de produits du tabac et l’exposition de celle-ci à la fumée du tabac.

S. : Quelques projets en faveur de la lutte contre le tabac au Burkina Faso ?

S.K.O. : Prenons le projet "Espaces sans tabac" qui est piloté par l’Union des associations contre le tabac (UACT) et en cours d’exécution. Il a pour objectifs de faire connaître le raabo N°AN IV-0081/FP/SAN/CAPRO/DP du 29 février 1988 et de créer des espaces à 100% sans tabac au Burkina.

Nous savons tous que la fumée secondaire ou fumée passive est aussi dangereuse que la fumée active pour la santé des individus. C’est pourquoi, depuis 1988, le gouvernement, conscient de cette situation, a pris le raabo N°AN IV- 0081/FP/SAN/CAPRO/DP du 29 février 1988 portant réglementation de la publicité et des lieux de consommation des tabacs.

Ce raabo interdit de fumer dans les lieux suivants : salles de réunions et de conférences, salles de cours pratiques ou théoriques, réfectoires, salles de cinéma couvertes, stations- service, formations sanitaires, dortoirs, bureaux administratifs, jardins d’enfants et lieux de séjours d’enfants. Le projet « Promotion des espaces sans tabac » cible uniquement les jardins d’enfants, les formations sanitaires, les salles de cinéma et les bureaux administratifs.

Ce projet a commencé en 2008 dans quatre villes du Burkina (Banfora, Bobo-Dioulasso, Fada N’gourma et Ouagadougou) et a permis de mettre en place des espaces à 100% sans tabac dans les lieux ci-dessus cités. Il a également permis de faire un spot télé et radio traduit dans les trois principales langues pour la radio.

Dans le cadre de ce projet, plusieurs affiches d’interdiction de fumer ont été confectionnées ainsi que des brochures et gadgets. Il a aussi permis de multiplier et diffuser largement le raabo de 1988 tombé pratiquement dans les oubliettes. L’équipe du projet a aussi rencontré les responsables des ministères et des institutions impliqués dans la mise en œuvre du raabo ainsi que les agents directement concernés dans les quatre villes.

Des points focaux ont été désignés et ils font un travail remarquable au niveau des 4 villes. Plusieurs ateliers d’information et de réflexion ont été organisés à l’attention des représentants des structures concernées par la mise en œuvre du raabo et les espaces à 100% sans tabac. Ce projet prend fin en mars 2010.

Prenons ensuite le projet "Renforcement des capacités des maires » ou projet ASTA qui est également en cours d’exécution. Il a pour objectifs de faciliter l’adoption du projet de loi antitabac et de renforcer la capacité de lutte antitabac des autorités municipales.

Après le constat que la plupart des associations de lutte antitabac sont surtout concentrées à Ouagadougou et n’ont pas assez de moyens pour étendre leurs interventions dans les autres localités, l’Association burkinabè de santé publique (ABSP) a soumis un projet au Centre de recherche pour le développement international (CRDI) pour le renforcement des capacités des maires et le suivi de l’avant- projet de loi antitabac. Ce projet d’une durée de six mois a démarré en septembre 2009 et a pour ambition d’étendre la lutte antitabac dans toutes les provinces à travers les municipalités.

Conscient du fait que l’industrie du tabac est en train de faire des dégâts dans tout le pays en incitant les jeunes gens à consommer de la cigarette à travers le recrutement de jeunes filles (hôtesses) pour distribuer gratuitement et vendre des paquets de cigarettes.

Ce projet consiste à former les élus locaux sur les méfaits du tabac, les textes antitabac existants et les stratégies de lutte antitabac en la matière. Après cette formation, les élus seront invités à intégrer cette lutte dans leur plan de développement et leur plan d’actions en vue de protéger leur population contre les maladies et les morts évitables liées au tabagisme. Les associations vont volontiers se mettre à leur disposition pour les aider dans la mise en œuvre des différentes activités qu’ils vont programmer.

S. : Des perspectives ?

S.K.O. : Les associations se préparent à soutenir l’adoption d’une loi antitabac, arme nécessaire à une lutte, conformément à la convention-cadre de lutte antitabac. Nous allons également aider le gouvernement à travers le ministère de la Santé dans la mise en œuvre du Plan stratégique national de lutte antitabac.

Continuer les activités de plaidoyer et de sensibilisation en faveur de la lutte. Egalement élaborer des projets pour les soumettre à les bailleurs de fonds et participer à des rencontres sous- régionales et internationales.

Nous allons surtout mobiliser les différentes forces vives (associations, ONG, population en général) en faveur de la lutte antitabac. Ce qui est urgent, c’est la création d’un cadre de sevrage pour les nombreux fumeurs qui veulent arrêter de fumer.

S. : Un appel aux populations ?

S.K.O. : Nous appelons la population à se mobiliser contre le tabac car il grille notre argent, notre santé, notre économie et notre environnement. Il ne faut pas se laisser enfumer par les autres car c’est très dangereux pour la santé.

En plus, il a été constaté que la cigarette est une porte d’entrée pour les autres drogues puisqu’elle-même est une drogue. La cigarette détruit ceux ou celles qui la fument mais aussi ceux qui sont exposés à sa fumée même s’ils ne fument pas. C’est pourquoi, il faut la combattre en montrant à tous ces méfaits, en les aidant à se protéger contre la fumée, en aidant ceux qui fument à arrêter.

Nous invitons également les autres associations à intégrer la lutte antitabac dans leur combat de tous les jours.

Nous demandons au gouvernement de remplir ses obligations liées à la ratification de la "convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac" en informant la population sur les différents méfaits du tabac, en réduisant l’offre et la demande, en protégeant la population contre la fumée du tabac, en aidant les fumeurs à se débarrasser de cette drogue, voire ce poisson qui tue lentement mais sûrement à petit feu.

Créons des associations (anciens fumeurs, candidats à l’abandon de la cigarette, non à la fumée passive) et agissons dès maintenant pour ne pas regretter plus tard.

Entretien réalisé par Charles OUEDRAOGO

Sidwaya

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