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Pour les commerçants de Rood Woko : “Marché rime bien avec bordel”

Publié le mardi 3 novembre 2009 à 01h29min

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A la faveur de la présentation du budget exercice 2010 de la ville de Ouagadougou, l’édile de la capitale, Simon Compaoré, avait lâché, au sujet de Rood Woko : « Que les dames m’excusent … mais … c’est un vrai bordel qui y règne » avant d’annoncer l’imminence d’une intervention pour y rétablir l’ordre. C’est effectivement chose faite depuis ce lundi, 02 novembre 2009, où les forces de l’ordre ont pris place autour du marché central, élevant des barrières sur la zone piétonne pour faire respecter le sens giratoire de circulation autour de la place commerciale. Cependant, comme pour répondre au propos du maire, les commerçants s’érigent contre les mesures policières, lesquelles, selon eux, empêchent leurs clients de venir jusqu’à leurs boutiques. « Marché rime bien avec bordel ! » n’ont-ils pas cessé de marteler.

Le moins que l’on puisse dire est que les autorités qui ont en charge la gestion du marché central n’y sont pas allées du dos de la cuillère pour y rétablir l’ordre : en effet, le lundi 02 novembre 2009, une forte présence policière était visible autour et à l’intérieur du marché.

Par équipes de deux personnes, les forces de l’ordre ont quadrillé les quatre coins de la cuvette centrale. D’autres petits groupes allaient et venaient à l’intérieur du marché.

Les barrières sur la zone piétonne, abîmées lors de dernières échauffourées au marché, étaient bel et bien de retour, dressées pour signifier aux motocyclistes et automobilistes que la zone piétonne, comme son nom l’indique si bien d’ailleurs, est réservée aux marcheurs.

Ceux qui tiennent à l’emprunter malgré tout sont enjoints par les policiers de descendre de leurs engins et de les pousser sur la rue pavée. A l’intérieur de Rood Woko également, tout était bien en ordre pour ainsi dire car aucune marchandise ne jonchait les allées comme auparavant.

Et le directeur régional de la Police nationale, Joseph Zabré, que nous avons croisé à la porte d’entrée principale de la cuvette commerciale en compagnie du commandant de la Police municipale, Clément Ouango, a souligné que :

« Comme vous le constatez, l’anarchie, qui régnait les autres jours dans le marché, n’y a plus droit de cité. » Joseph Zabré n’a pas manqué de préciser que leur mission est exclusivement d’assurer la sécurité du marché, pas d’empêcher les clients d’y accéder :

« Il faut que les gens sachent que nous ne sommes pas là pour empêcher la tenue du marché, dont les portes ont même été ouvertes avant l’heure, pour faire comprendre que les activités commerciales suivent leur cours normal.

Nous sommes là pour faire respecter un certain ordre, en canalisant les gens, et nous demandons juste le respect de la zone piétonne et du sens normal de la circulation autour du marché.

C’est une forme de sensibilisation que nous menons et que nous allons arrêter aussitôt que nous constaterons que les gens respectent les règlements édictés en matière de circulation autour du marché. S’ils suivent bien nos instructions, d’ici quelques jours, nous repartirons. C’est clair, c’est net ! ».

Les commerçants, eux, ne voient pas d’un très bon œil cette présence policière, qui empêchent, à leur dire, leurs clients de venir jusqu’à eux, par peur. L’un d’entre eux, Eugène Koama, nous prend à témoin pour exprimer leurs attentes :

« Ils doivent laisser le marché aux mains des commerçants, car nous savons mieux que quiconque comment l’entretenir, et nous sommes conscients des risques d’un laissez-aller sécuritaire. S’ils nous serrent comme ça, le marché perd tout son attrait.

Déjà, de nos jours, les gens ont abandonné Rood Woko pour les petits marchés comme celui du 10 ; alors, leur présence ne va rien arranger à nos affaires, qui ne sont plus ce qu’elles étaient. » Et Boukary Nana de renchérir en disant qu’en agissant ainsi les policiers veulent certes arranger les choses, mais qu’au bout du compte, ils n’arrangent rien :

« Un client venu des campagnes, qui venait au marché, va aussitôt rebrousser chemin en voyant les hommes de tenue armés et il va dire à ses compères au village que le marché central de Ouagadougou est infréquentable.

J’ai fait plusieurs pays comme le Ghana, le Togo, le Nigeria et le Bénin, et je trouve que notre marché est l’un des plus beaux, mais, là-bas, c’est l’anarchie qui règne dans leurs marchés, et c’est ce qui fait que ca marche bien.

Qu’on le veuille ou pas, marché rime avec désordre. La place des fusils, c’est sur les champs de bataille et non à Rood Woko, car il ne faut pas décourager les bonnes initiatives des jeunes qui viennent au marché afin de se battre pour avoir leur pain quotidien.

Que Dieu nous éloigne des mauvaises pensées ! » Applaudissements nourris des commerçants, qui ont formé foule autour de lui, pour marquer leur adhésion à ses dires. Certains ne manquent d’ailleurs pas de nous répéter : « Raag ya yaaré ! » (« le marché, c’est le désordre ! », en langue mooré).

Les plus courageux le répètent même au directeur régional de la Police nationale, qui passe par là avec son équipe en faisant le tour pour expliquer justement le bien- fondé de leur présence, laquelle vise à instaurer le respect de la zone piétonne et du sens normal de la circulation autour de Rood Woko. La réponse de Joseph Zabré ne se fait pas attendre : « Raag ka yaar yé ! » (« le marché, ce n’est pas le désordre ! »). Ambiance.

Hyacinthe Sanou

L’Observateur Paalga

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