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CHANGEMENTS CLIMATIQUES : A Stockholm, bataille autour des compensations pour l’Afrique

Publié le lundi 26 octobre 2009 à 06h58min

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Le Premier ministre, Tertius Zongo, a pris part du 23 au 24 octobre dernier, à Stockholm, en Suède, aux 4e Journées européennes du développement. Il y a délivré le message du président du Faso sur les enjeux des changements climatiques pour l’Afrique.

Stockholm, la capitale suédoise, est une ville idéale pour parler de développement, d’environnement et de changements climatiques. Elle offre aux yeux du visiteur l’image d’un écrin de verdure. Le froid (8°) et la pluie n’enlèvent rien au charme de la ville. Partout, des bois, des lacs et des cours d’eau, savamment disséminés dans la ville, sont en harmonie avec les habitations. Dans ce décor d’automne quasi-bucolique, les participants aux 4e Journées européennes du développement (JED), organisées par la Commission et la présidence de l’Union européenne, ne pouvaient qu’être inspirés. Mais la Suède, comme l’a dit Louis Michel, député européen, mérite surtout d’accueillir ces assises pour son engagement en faveur du développement humain durable. Pour la seule journée de samedi à laquelle la délégation burkinabè conduite par le Premier ministre, Tertius Zongo, a pris part, l’illustration en a été faite avec la qualité de l’organisation et des travaux.

Dans la grande salle du Palais des congrès, c’était le monde en miniature. Les préoccupations, toutes focalisées sur les changements climatiques, étaient portées par des voix venues des quatre coins de la planète. En Micronésie, on s’inquiète de la montée de la mer, les Inuites du Canada redoutent la fonte de l’Arctique, le Bangladesh se dit vulnérable aux cyclones et aux tsunamis. Bref, il n’y a aucun endroit où la question des changements climatiques ne se pose avec acuité. Chacun revendique d’être le plus touché. Pour l’Afrique, le discours n’est plus aux atermoiements et aux lamentations. Elle a une feuille de route claire, dans la perspective du grand rendez-vous de Copenhague sur le climat. Le Premier ministre l’a clairement énoncé lors de son intervention, au nom du président du Faso empêché, à la dernière minute, « en raison de circonstances totalement indépendantes de sa volonté ».

Le Burkina, porte-voix de l’Afrique

Il faut dire que Blaise Compaoré et les JED, c’est une longue histoire d’amitié. Il ne les a jamais manquées depuis la première édition, en 2006. C’est donc à contre-cœur qu’il n’est pas à Stockholm, parmi la famille du développement, selon l’expression de Louis Michel. Mais n’empêche, la conviction et l’engagement demeurent intacts. Ils transparaissent dans le discours prononcé par Tertius Zongo. C’est un véritable cri du cœur lancé à la face du monde : « L’Afrique est l’une des régions du monde les plus vulnérables aux effets des variations climatiques, du fait de la pauvreté, de la grande dépendance des populations vis-à-vis des ressources naturelles, de la fragilité des écosystèmes et de la forte pression démographique sur l’environnement ».

Le président du Faso s’est fait le porte-parole de l’Afrique qui, du 9 au 11 octobre dernier, s’est réunie à Ouagadougou pour dégager une position commune en prélude à la rencontre de Copenhague, du 7 au 18 décembre prochain. Les propositions africaines se déclinent principalement en six points : « Le maintien des acquis de la Convention et du protocole de Kyoto ; l’appui aux pays en développement pour l’adaptation, l’atténuation, l’accès à l’énergie propre, le transfert de technologies, le renforcement des capacités et les financements, à travers des projets et des actions concrètes sur le terrain ; la nécessité d’une réévaluation stratégique du soutien à l’agriculture africaine avant l’échéance des Objectifs du millénaire pour le développement ; le renforcement de la production d’énergies solaire, hydroélectrique et éolienne pour couvrir les besoins énergétiques de l’Afrique d’ici à 2030 ; la mise en place d’une agence internationale d’assurance sur le climat dotée d’un mécanisme de financement pour la gestion des effets des phénomènes climatiques ; la tenue au cours de l’année 2010, d’assises financières africaines en vue de faire émerger les régulations économiques et les compensations indispensables à un développement durable du continent africain ».

L’Afrique a donc une idée précise de ses attentes vis-à-vis du prochain Sommet de Copenhague. Mais à Stockholm, on n’a pas eu l’impression que les pays développés et ceux émergents étaient prêts. C’est pourquoi l’Europe a engagé une véritable course contre la montre sous la houlette de la Suède. Le ministre suédois des Affaires étrangères, Carl Bildt, a annoncé que les prochains jours verront se déployer une intense diplomatie européenne verte. L’Europe se réunira à Luxembourg et Bruxelles, avant de se rendre à Washington, à New Delhi et à Moscou. L’Afrique du sud et le Brésil avaient déjà été consultés. Le message de l’Europe, selon M. Bildt, est partout le même : « Nous, Européens, avons pris des engagements et si nous pouvons le faire, vous aussi, vous le pouvez ». Foi de Carl Bildt, l’UE fera tout pour transmettre le sentiment d’urgence dans la signature d’un accord à tous ceux qui ne l’ont pas encore.

« Pas d’argent frais, pas d’accord »

Le principal engagement de l’Europe, on le sait, c’est le principe du 20/20, qui correspond à la réduction de 20% de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020. L’Europe se glorifie de cet engagement et promet même de faire du 30% si un accord est trouvé à Copenhague. Beaucoup d’intervenants ont cependant estimé insuffisante cette proposition. Le Directeur exécutif d’Oxfam international, Jeremy Hobbs, a reconnu le courage de l’UE en ce qui concerne la réduction des gaz à effet de serre. Mais il regrette que sur le plan financier, il n’y ait pas d’engagement clair. « Il faut dédommager les pays en développement », a-t-il lancé.

Dans cette perspective, il n’est pas question, pour lui, de recycler l’aide traditionnelle. Et, très catégorique, il a martelé : « Pas de nouvelles ressources, pas d’accord à Copenhague ». Les pays en développement avaient un autre avocat en la personne de Louis Michel, l’ancien commissaire européen au développement et père des JED. Avec la même verve et la même conviction qu’on lui connaît, le désormais député européen et co-président du Parlement ACP/UE, a exhorté l’Europe à se rendre à Copenhague avec des propositions financières à la mesure des enjeux. « Aucun accord ne sera possible sans des propositions intéressantes pour l’Afrique », a-t-il prévenu.

Les JED auront donc permis une ultime fois, à l’Europe et l’Afrique, de débattre des questions liées aux changements climatiques, avant Copenhague. Certains intervenants européens comme la vice-présidente de la Commission européenne, Margot Wallström, tout en reconnaissant que les pays riches doivent délier le cordon de la bourse, appellent aussi les autres à assurer leur part du fardeau. "A Copenhague, nous gagnerons tous, ou nous perdrons tous", a lancé la vice-présidente de la Commission européenne. Pour elle, il n’y aura pas de plan B. Et qui mieux que Louis Michel, peut résumer la portée de ces JED : « Les JED sont un rendez-vous de l’expertise, de l’engagement politique, une force de propositions, une force de pression politique et finalement une force d’espoir ».


Kadé Désiré Ouédraogo : Le Monsieur UE du Burkina

Il connaît la coopération entre le Burkina et l’Union européenne sur le bout des doigts. L’ambassadeur du Burkina auprès de Bruxelles, Kadré Désiré Ouédraogo, se réjouit d’une coopération excellente matérialisée par le 10e FED.

"Le Pays" : Quels sont les enjeux des 4e Journées européennes du développement ?

Kadré Désiré Ouédraogo : Cette année, le thème de ces Journées porte sur « Citoyenneté et développement ». A travers les discussions, il est question de voir comment la participation de toutes les couches sociales à la définition des objectifs et à la réalisation des programmes de développement, peut être un facteur de progrès social. Mais ici, il est question de voir comment le comportement citoyen de chacun peut avoir un impact sur notre développement collectif. Et c’est en cela que c’est lié au thème des changements climatiques et de notre comportement en matière de protection de l’environnement.

L’Europe peut-elle servir de modèle en matière de démocratie et de préservation de l’environnement ?

Je crois qu’il n’y a pas de modèle en démocratie. Chaque continent, chaque peuple poursuit ses objectifs de démocratie. C’est toujours une école pour tous et c’est également une construction qui n’est jamais achevée. Mais je pense qu’on peut s’inspirer de l’expérience européenne de la gestion de la société, tout en l’adaptant au contexte qui sied à chacune des parties du continent. Il est vrai que la crise a eu un impact sérieux sur la croissance non seulement des pays développés mais aussi des pays en développement. C’est en cela que l’Union européenne a développé un programme d’assistance pour venir au secours des pays dans lesquels elle est en partenariat dans le cadre de l’Accord de Cotonou.

La crise a-t-elle des répercussions sur l’aide au développement ?

Il est certain que la crise a eu des répercussions sur l’aide au développement parce que lorsque les pays donateurs sont confrontés, au niveau national, à des demandes fortes, la tentation est bien grande de commencer d’abord par réduire le volume d’aide au développement. Mais d’après ce que nous avons entendu au cours de ces Journées, il est question que la crise ne devrait pas être une excuse pour réduire l’aide au développement. Au contraire, elle devrait être un avertissement pour dire qu’il faut plus d’aide, un meilleur outil de développement. Parce que nous ne sortirons de la crise que lorsque tous les pays en sortiront. Il n’y a plus de solution individuelle.

Quel est l’état de la coopération entre le Burkina et l’UE ?

L’UE et le Burkina, c’est une longue coopération. Mais si je me limite au 10e FED (Fonds européen de développement), le Burkina a un programme indicatif national de 535 millions d’euros. C’est une enveloppe appréciable sur les six ans de programmation du FED. Actuellement, on procède à la revue à mi-parcours de ce programme. Le programme du Burkina se déroule normalement et lors de la revue à mi-parcours, on essaiera de recentrer les priorités, d’intégrer certains secteurs qui n’avaient pas suffisamment été mis en lumière et de tirer expérience de la première partie de l’exécution de ce 10e FED pour parachever le reste.

L’ambassadeur du Burkina auprès de la Suède, Monique Ilboudo, a une appréciation très positive des relations entre le Burkina et la Suède. Aux JED, auxquelles elle a pris part, elle avait toujours à ses côtés le consul du Burkina en Suède, un universitaire engagé à renforcer la coopération suédo-burkinabè.

L’ambassadeur du Burkina auprès de la Suède, Monique Ilboudo, apprécie à sa juste valeur, la coopération entre Stockholm et Ouagadougou. Elle admire surtout le caractère discret mais efficace de cette coopération. Les pays nordiques auprès desquels elle est accréditée concentrent leur coopération avec un nombre limité de pays et le Burkina, explique Monique Ilboudo, « a la chance de figurer dans ce programme ». Les secteurs de l’environnement, de l’agriculture, de la démocratie et des droits humains sont prioritaires pour le renforcement des capacités. Le consul du Burkina en Suède, Sten Hagberg, professeur associé d’anthropologie culturelle, estime à une trentaine le nombre de Burkinabè vivant en Suède. Une association d’amitié entre les deux pays, forte de 160 membres, œuvre à faire connaître le Burkina en Suède. Une vingtaine de doctorants burkinabè ont été formés par la Suède, ce qui montre l’intérêt de ce pays pour la formation des cadres. Pour le consul, la première difficulté pour les Burkinabè, c’est de s’adapter au climat dont on connaît la rigueur. Une fois la langue suédoise apprise, le consul estime que l’intégration est facile. Le plus important pour lui, ce sont les échanges humains entre les deux pays. De plus en plus de Suédois connaissent le Burkina, et il n’ y a rien de tel.


Louis Michel, euro- député : « C’est à nous de payer la note »

Louis Michel, le père des JED, était à Stockholm. Sa religion est faite sur les changements climatiques : les pays développés doivent dégager des fonds additionnels pour aider les pays pauvres.

"Le Pays" : Il est beaucoup question du financement des pays pauvres pour lutter contre les changements climatiques. Que pensez-vous de ce débat ?

Louis Michel : C’est un débat fondamental et la communauté internationale ne répond pas à l’attente des pays les plus pauvres. Aujourd’hui, que fait la communauté internationale ? Elle conseille, elle suggère aux pays en développement d’utiliser une partie de leurs moyens ordinaires de développement pour les focaliser sur la lutte contre les changements climatiques. C’est évidemment scandaleux. Car cela signifie qu’on va priver tous les secteurs de développement de moyens pour les mettre sur les changements climatiques. Ce qu’il faut, c’est de l’argent additionnel. Les pays en développement ne sont pas responsables des effets néfastes des politiques industrielles sur les changements climatiques. C’est nous qui sommes responsables. C’est donc à nous de payer la note additionnelle.

Pour vous, il n’est donc pas question de recycler l’aide traditionnelle ?

Je suis totalement opposé à ce qu’on recycle les budgets habituels et ordinaires du développement. C’est pourquoi, du reste, j’avais proposé il y a deux ans à Lisbonne, que l’on fasse un emprunt mondial dont le remboursement serait lié à la vente des quotas d’émission.

Quel est l’objectif à atteindre à Copenhague ?

L’objectif, c’est qu’il y ait une décision extrêmement forte de la communauté internationale sur le plan politique, l’expression d’un volontarisme politique, qui ne soit pas suspect, pour dégager les moyens additionnels nécessaires à la lutte contre les changements climatiques.

Par Mahorou KANAZOE (Envoyé spécial)

Le Pays

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