LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

NICHES FISCALES : Qu’en est-il du Burkina ?

Publié le jeudi 8 octobre 2009 à 06h25min

PARTAGER :                          

Les terminologies fiscales viennent de se doter de nouveaux termes dont on parle depuis quelque temps : il s’agit des niches fiscales. En réalité, à écouter les spécialistes, ces mots ne sont pas si nouveaux. On les retrouve dans de nombreux manuels traitant de la Fiscalité, et ceci depuis longtemps. Les hommes politiques, avec eux leurs conseillers économiques, les ont beaucoup utilisés dans leurs discours et les ont mis en œuvre. Ainsi, à la faveur des réformes économiques et financières adoptées par les dirigeants des pays occidentaux et certaines institutions internationales pour faire face à la récente grande crise née des « subprimes » américaines, les niches fiscales ont été de pointées comme une des solutions possibles pour rétablir les grands équilibres macro- économiques, mais aussi pour une certaine justice fiscale pour tous.

Quelle est la situation au Burkina Faso ? C’est à cette question que nous entretient notre collaborateur. Il revient dans un premier temps sur la définition que l’on peut donner à ces termes.

Les différents rôles ou attributions de l’impôt emmènent les responsables politiques à prendre des mesures fiscales (et donc financières) dont les buts sont d’aboutir à des résultats précis, le tout dans le cadre du processus de développement d’un pays. Trois rôles sont traditionnellement attribués à l’impôt : ce sont les rôles financier, économique et social. En privilégiant le rôle financier, il est nécessaire que le maximum (sinon tous les contribuables, personnes physiques et personnes morales) soient des personnes imposables et paient effectivement l’impôt. Si l’on pense au rôle économique, il s’agira de créer les conditions pour que le monde des affaires ne sente pas le poids de l’impôt comme un handicap dans leur développement de leurs entreprises, du fait que ce sont eux qui disposent des outils de travail à même de créer la richesse nationale. En d’autres termes, il s’agit (même si cela n’est pas dit ouvertement) de leur faire payer le moins d’impôt possible, c’est-à-dire leur accorder des exonérations ou des exemptions. Le troisième rôle de l’impôt (le rôle social) a pour conséquence que l’impôt devient un instrument de redistribution des revenus, un instrument de justice sociale. Les effets sont entre autres d’imposer différemment les contribuables en veillant à imposer le moins possible (voire ne pas imposer du tout) les personnes vulnérables, les personnes sans revenus, autrement dit les personnes pauvres ou indigentes. Dans tous les cas, quelque soit le rôle que l’on attribue à l’impôt, les pouvoirs publics sont obligés de prendre des mesures personnalisées, des textes dans lesquels chaque contribuable se reconnait, reconnait sa situation personnelle. Cette situation est plus « visible » dans les deux derniers rôles évoqués plus haut. Et c’est à ce niveau qu’apparaissent les mesures individuelles, c’est-à-dire ce que l’on peut verser dans ce que l’on appelle les niches fiscales.

1- Définition

Les niches fiscales sont tous les avantages qui sont accordés aux contribuables en raison de leurs situations particulières. Ce n’est pas tant le contribuable lui-même qui est important, mais sa situation véritablement particulière par rapport à l’autorité publique, par rapport au législateur. C’est ainsi que des avantages peuvent être accordés à des contribuables pour des raisons très spécifiques liées à leurs logements, leurs moyens de transport, leurs lieux géographiques d’habitation (par exemple si l’on veut attirer une population vers une région précise), à leurs fonctions (on sait par exemple que les journalistes burkinabé réclament un régime fiscal spécifique qui, s’il devait être accordé, aboutirait à un régime très discriminatoire par rapport à d’autres métiers, justement du fait de leur spécificité (ils contribuent à la consolidation de la démocratie), du fait des produits qu’ils utilisent (il en est ainsi des agriculteurs en Europe qui bénéficient d’un régime fiscal spécifique sur le carburant ou qui pourraient ne pas payer la taxe carbone en France).

Dans la plupart des cas, elles sont accordées pour des raisons économiques et/ou sociales. Mais dans les faits, même si le législateur le reconnait difficilement, elles sont souvent accordées pour des raisons politiques. Par exemple, à l’approche de certaines élections, il n’est pas rare de voir les gouvernants adopter des régimes fiscaux spécifiques en faveur (ou en défaveur d’ailleurs) de telle ou telle catégorie de la population, en raison de son poids électoral ou de son importance. Ceci se fait aussi bien dans les pays européens que dans les autres pays occidentaux . On se souvient du cas de dirigeants d’un pays européen, en désaccord avec certaines directives européennes sur l’agriculture, qui ont incité lesdits agriculteurs à se déplacer à Bruxelles pour manifester avec leurs outils de travail (tracteurs et autres matériels roulants). Pour ce faire, un texte a été pris pour exonérer de certains, spécialement, et pour toutes les manifestations de cette nature, le carburant et les pièces de rechange qui seraient utilisés lors des manifestations. Le problème qui est apparu est que, dès que les manifestants ont eu gain de cause, ils ont refusé que l’on revienne sur ces avantages à eux accordés. Ils ont alors menacé de manifester contre, cette fois, leur gouvernement. On le voit donc, les raisons sont multiples et diverses. A ce stade, deux questions essentielles sont à poser :

- Par quoi se traduisent-elles ?

Les niches fiscales se font généralement par les techniques classiques de dégrèvements d’impôts, puisque le but est de payer le moins d’impôt ou pas d’impôt du tout. Pour cela, toutes les formes de personnalisation de l’impôt sont utilisées. Il s’agit entre autres des exonérations, des affranchissements, des abattements, voire des exemptions. Leur durée est variable est peut s’étendre sur une période suffisamment longue pour en faire du quasi définitif. Dans certains cas, leur adoption est contestable au point de vue légitimité, éthique ou licite, même s’il est difficile d’y trouver à redire sur le plan légal. Dans les pays du Nord, elles sont parfois adoptées très tard dans la nuit et/ou en utilisant les procédés de passage en force devant les parlements.

- Quelles sont les conséquences ?

Les conséquences sont à analyser à deux niveaux : • Elles sont financières : comme toute exonération, les niches fiscales constituent des manques à gagner pour le Trésor public. Il s’agit d’ôter certains contribuables ou certaines matières imposables du champ d’application de l’impôt. Les montants en cause ne sont toujours pas très importants au regard des recettes totales attendues par l’Etat. • Leur efficacité n’est cependant pas prouvée. En effet, que ce soit sur le plan économique, que sur le terrain social, il n’y a réellement pas de résultats probants ou tout au moins les résultats recherchés sont très faibles.

2- Qu’en est-il du cas au Burkina Faso

L’un des reproches qui est fait à notre système fiscal, c’est son caractère trop généraliste. Autrement, c’est un système fiscal qui a pour ambition de prendre en compte tous les cas possibles en un minimum de réglementation. C’est un système qui ne prend pas beaucoup en compte les nombreux cas spécifiques des contribuables et qui préfèrent les regrouper. Ce reproche (si c’en est un) est bien compréhensible, du moins au moment de la mise en œuvre des premiers textes fiscaux (et douaniers). En effet, la fiscalité d’un pays est tributaire des activités économiques et sociales, de leur quantité et de leur qualité. Or, il est admis que si nos pays sont dits moins avancés au plan du développement, c’est aussi en raison du nombre réduit des activités économiques et sociales. Autrement, il n’y a pas suffisamment ou assez de matières imposables pour en faire des cas particuliers.

Même s’il y a eu des évolutions sur le plan économique aujourd’hui (en comparaison avec les périodes plus lointaines), il faut dire que les nombreux textes fiscaux n’ont pas fondamentalement modifié cette perception de notre système fiscal. Il reste encore, pour de nombreux spécialistes de la question, un système encore généraliste. A partir de cette conception, on ne peut pas véritablement parler de niches fiscales telles qu’elles ont été définies précédemment. Du fait que les textes peuvent concerner de nombreuses catégories de contribuables, aussi différents les uns que les autres, les discriminations très marquées ne sont pas l’apanage du législateur burkinabé. Néanmoins, il convient de parler plutôt d’un nombre réduit de discriminations, car en réalité, en y regardant de près, on peut en trouver. Il en est ainsi :
- De certaines dispositions de la taxe des biens de mainmorte qui écartent de son champ d’application les sociétés en nom collectif ou même les missions religieuses ;
- De l’exonération de la patente accordée aux artistes amateurs et les troupes artistiques non professionnelles. Amadou N. YARO

Le Pays

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 8 octobre 2009 à 17:01 En réponse à : NICHES FISCALES : Qu’en est-il du Burkina ?

    Merci bcp Mamadou. c’était très instructif.
    La fiscalité ne doit pas être l’affaire seulement des gens du fisc.

  • Le 8 octobre 2009 à 19:21 En réponse à : NICHES FISCALES : Qu’en est-il du Burkina ?

    Très bon article. Félicitations !

  • Le 8 octobre 2009 à 21:01, par Objectif En réponse à : NICHES FISCALES : Qu’en est-il du Burkina ?

    Merci M. YARO Amadou
    Je fut un de vos étudiants dan une école supérieure de la place et cet article de votre part ne m’étonne absolument pas CONNAISSANT VOTRE GRANDE EXPERTISE EN LA MATIERE.
    Je souhaiterai lire votre analyse sur "la fiscalité dans le contexte communautaire/ UEMOA"
    Encore courage dans la formation de la jeunesse !
    Que Dieu vous benisse !

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique