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Pluies diluviennes du 1er septembre : Une fois que l’urgence sera passée...

Publié le lundi 7 septembre 2009 à 03h22min

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Il y a des records qui ne cherchent pas à être battus. Sont sans doute de ceux-là les pluies diluviennes du 31 août 1914 puis de 1919, qui avaient englouti Bobo-Dioulasso sous 246 mm de flots en une journée. Il y a presque un siècle. Puis vint le 1er septembre de l’an de disgrâce 2009 à Ouagadougou.

Une date qui restera longtemps marquée du sceau du malheur. De mémoire de Voltaïque puis de Burkinabè, on n’avait jamais vu ça. C’est maintenant fait. Les chiffres, comme on dit, parlent d’eux-mêmes : 279,3 mm à la dernière goutte décomptée, 150 000 sinistrés dont cent mille seraient pris en charge, une dizaine de décès, des milliers d’habitations effondrées, notamment dans les quartiers périphériques de : Tanghin, Zongo, Laanoag-yiri, etc., des édifices publics endommagés, des ponts ébréchés, des routes lessivées...

Arrêtez, n’en n’ajoutez plus. Devant ce spectacle désolant et ces chiffres effrayants, l’orage du 28 mai 1953 sur la capitale (121 mm alors) prend l’allure d’un minable crachin.

Il faut avoir vécu ce cauchemar pour comprendre l’impuissance des gens pris au piège par des eaux qui n’arrêtaient pas de monter. Encore heureux, disent certains qui trouvent malgré tout des raisons de positiver dans leur malheur, que ce fut, Dieu merci, en plein jour, car si ces hallebardes étaient tombées la nuit, le sinistre eût été, si on ose dire, "plus pire".

Tout se passait comme si la Providence, qui semble nous avoir puni pour on ne sait quel crime (c’est ce que prétendent déjà les bigôts), avait refusé de fermer les vannes du ciel qu’Elle avait si généreusement ouvertes, transformant Ouagadougou en Sodome et Gomorrhe des temps modernes.

Alors quand une telle catastrophe touche environ 10% de la population ouagalaise (1 habitant sur 10), tout le monde, à un degré ou à un autre, ne peut qu’en être affecté : si ce n’est pas soi-même, c’est un proche parent, un ami, un collègue, un voisin qui est meurtri.

Dieu merci, la sacro-sainte solidarité africaine qui, pour être une image d’Epinal n’en est pas pour autant un vain mot (même si elle a tendance à s’éroder), a trouvé là un cadre d’expression, d’abord à l’échelle familiale, amicale et du voisinage pour secourir, soutenir et réconforter les plus affligés ; ensuite, au niveau de la nation tout entière, à commencer par le gouvernement.

On ne peut que se féliciter de cette chaîne de soutiens individuelle, associative, gouvernementale, religieuse, économique et coutumière, qui soulagent un tant soit peu les meurtrissures de nos concitoyens victimes de ce mardi noir.

Après l’accueil des sinistrés dans les centres d’hébergement, il pleut en effet des dons de toutes parts pour parer à l’urgence ; personnes physiques ou morales, en attendant la communauté internationale, se bousculant littéralement pour apporter leurs contributions.

S’agissant particulièrement de la puissance publique, on se réjouit qu’elle ait tout de suite pris la pleine mesure de la catastrophe, même si certains responsables, comble du mauvais goût, sont allés sur les décombres dans des boubous empesés comme s’ils partaient à une kermesse. Mais passons.

En fait, si la réaction a été prompte et s’il faut s’incliner devant le courage et le dévouement des sapeurs-pompiers ainsi que des forces de défense et de sécurité, qui ont essayé, avec les moyens et les hommes dont ils disposaient, de circonscrire le désastre, on peut raisonnablement s’interroger sur la gestion, par la communauté nationale, de l’après-déluge.

En effet, les contributions quelque peu désordonnées peuvent poser le problème de la coordination des actions avec ces multiples centres de collectes et de décisions, certains pouvant être tentés de profiter du dénuement des sans-abri pour tirer, sans mauvais jeu de mots, la couverture à eux. Et au bout du compte, ce sont les malheureux qui vont trinquer.

L’hôpital ne doit certes pas se moquer de la charité et il ne faut surtout pas décourager les bonnes volontés, mais on a parfois la détestable impression que, sous couvert d’altruisme, c’est une occasion en or pour quelque personne ou structure de se taper un coup de pub à peu de frais.

Il n’en fallait d’ailleurs pas plus pour que des partis politiques et des organisations de la société civile, qui n’ont souvent d’existence que le récépissé et les déclarations circonstancielles, se rappellent au bon souvenir de nos lecteurs. Comme pour dire : "Nous existons toujours". Mais, passé l’urgence, ces pauvres hères ne risquent-ils pas, comme c’est souvent le cas, d’être laissés à eux-mêmes ? "Chacun s’asseoit, Dieu le pousse", tel pourrait être la réalité d’ici peu. Et tant pis s’Il ne vous pousse pas.

Illustration de la haute estime dans laquelle le petit peuple affligé tient ses gouvernants, ces propos entendus dans une zone d’habitations spontanées devenue un champs de ruines : "Bientôt, nous allons retourner dans notre vie miséreuse de tous les jours, car on ne peut pas nous abriter éternellement dans les centres d’accueil. Après, chacun se débrouillera donc pour reconstruire ce qu’il peut reconstruire... en attendant la prochaine inondation".

Et un autre, visiblement plus amer, d’enfoncer le clou : "Le drame est que les Blancs vont donner l’argent après le cri de détresse du gouvernement, mais il n’est pas sûr que ça nous parvienne, en tout cas pas en totalité. Notre malheur va encore servir à ériger des bunkers à Wagda (1) 2000".

Quand on a été témoins de ces diatribes, on se rend vraiment compte que les gens sont blazés, et ce ne sont certainement pas les épanchements cathodiques qui vont les rassurer.

Enfin, soyons un peu juste, car c’est déjà bon de parer au plus pressé, en trouvant toit, nourriture, vêtements, médicaments et soulagement à des compatriotes qui ont tout perdu quand le ciel leur est tombé sur la tête ; et de prévenir les risques d’épidémies (de choléra en l’occurrence) avec cette promiscuité des réfugiés dans des conditions hygiéniques qui sont limite-limite.

Il faut aussi, et déjà, penser aux conséquences socio-économiques à court ou moyen terme (organisation de la rentrée scolaire qui se profile à l’horizon, hausse prévisible du coût des habitats à loyer modéré, ruine de nombreux commerçants, etc).

N’y a-t-il pas aussi lieu de réfléchir à des solutions pérennes pour ces zones non loties un peu sauvages et celles qu’on lotit sans les viabiliser ; pour ces gens qu’on laisse s’installer dans les bas-fonds et les lits des barrages parce qu’ils ne savent où aller et qui ne peuvent souvent s’en prendre qu’à eux-mêmes ; pour ces voies sans caniveaux qui n’attendent pas toujours 279,3 mm de flotte pour devenir impraticables ? En tout cas, pour ceux qui président à notre commune destinée, l’heure de vérité est arrivée, car c’est dans ce genre de situation qu’on sait qui a vraiment l’etoffe d’un dirigeant. Et si on ne peut décemment pas tenir les autorités pour responsables du naufrage, nonobstant l’état des ouvrages publics et l’absence de canaux, qui ont pu l’aggraver par endroits, de leur gestion du désastre dépend certainement la conservation du peu de crédit qu’il leur reste aux yeux de populations qui ne croient plus à grand-chose.

La rédaction


Note

(1) "Wagda", pluriel de "wagdré", voleur en mooré. C’est ainsi que les bouches fendues au mauvais endroit ont rebaptisé "Ouaga 2000" pour signifier l’origine douteuse des fonds qui ont parfois servi à ériger cette nouvelle ville.

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 7 septembre 2009 à 11:06, par Paris Rawa En réponse à : Pluies diluviennes du 1er Novembre : Une fois que l’urgence sera passée...

    Bien vu, bien dit. Que les journalistes et les organisations de la société civile restent vigilants sur la question du soutient à long terme des sinistrés pour non seulement remotiver la solidarité nationale mais surtout pointer le devoir des autorités pour des solutions achevées.

    Il faut vraiment que la lutte contre l’habitat précaire devienne une cause nationale. C’est dans ce genre de situation, que l’on se rend compte que notre pays a vraiment besoin d’investir continuellement beaucoup nos maigres ressources dans la production et dans une vraie politique d’importation des matériaux de construction en dur (ciment, exploitation des carrières de granite, fer à béton, tôle, bois... ). C’est un moyen d’investir à long terme à la fois pour la sécurité, le développement et contre la pauvreté. Il faut donc revoir les investissements de prestige : c’est une question de choix des priorités. Les catastrophes naturelles feront toujours des dégâts, mais les subir n’est pas une fatalité et il ne faut pas prétexter la pauvreté et l’impuissance.

    C’est en travaillant ordinairement pour un vrai développement des populations les plus fragile que l’on mettre tout le peuple à l’abri de la furie des intempéries.

  • Le 7 septembre 2009 à 11:43 En réponse à : Pluies diluviennes du 1er Novembre : Une fois que l’urgence sera passée...

    STP change ton mois la, on n’a pas envie de revivre ca encore

  • Le 7 septembre 2009 à 16:21, par lance de fer En réponse à : Pluies diluviennes du 1er Novembre : Une fois que l’urgence sera passée...

    merci pour la clairvoyance de l’auteur,il a si bien dit ce que chacun de ses sinistrés ressent au fond de lui ;ne pas servir de fonds de commerce à des rapaces qui ne pensent qu’à la panse,ignobles et immoraux....

  • Le 7 septembre 2009 à 16:33 En réponse à : Pluies diluviennes du 1er Novembre : Une fois que l’urgence sera passée...

    En effet, la gestion de l’après-déluge est bien ce que nous attendons tous avec intérêt. L’aumône spontané n’est pas ce qui nous mettra à l’abri de pareilles catastrophes à l’avenir. Des inondations, on ne pourra pas en éviter dans le futur, par contre on peut se prémunir contre les dégâts causés par une inondation. Si le niveau de vie des burkinabè avait été relevé un tant soit peu, grâce au taux de croissance officiel ininterrompu de l’ordre de 6,5% depuis plusieurs années, ils auraient pu, dans leur majorité, s’offrir des habitations plus solides capables de résister en partie à ces pluies diluviennes. Si les ouvrages publics avaient été réalisés conformément aux normes en vigueur, les eaux se seraient écoulées et retirées sans causer autant de malheur et de désolation après elles. Si la canalisation et l’assainissement avaient été une priorité en bonne et due forme, les dégâts auraient été amoindris. Il appartient aux plus hautes autorités du pays, y compris le chef de l’Etat, et à chaque burkinabè, de prendre une décision : soit nous continuons à utiliser nos malheurs comme fonds de commerce, soit nous y faisons face avec toute notre dignité.

  • Le 7 septembre 2009 à 23:38, par Fred depuis NEWARK, USA En réponse à : Pluies diluviennes du 1er septembre : Une fois que l’urgence sera passée...

    Tout d’abord merci a la redaction pour cet article qui est digne d’interet. Et je dirais : plus jamais ces genres de situations chez nous !!! En plus de la desolation qui m’anime, une certaine rage m’anime en ce moment car l’empleur des degats pouvait ne pas atteindre ce niveau si le peu de travail que nos gouvernants ont fait pour la ville avait ete fait serieusement. comment se fait-il qu’au XXIe siecle on bitume des routes sans caniveaux(par exemple la voie qui va du college Protestant a BASKUY) ? Et ces echangeurs ? Je ne suis pas contre mais je trouve que ce n’est pas le moment car, quand on fait un echangeur,c’est pour decongestionner une zone(permettre la fluidite de la circulation) ou les routes ne suffisent plus. Nous, c’est quelle route on a pour dire que ca ne nous suffit plus ? Chez nous, il faut d’abord des routes accompagnees de caniveaux dignes de ce nom. Avec ca, meme si on ne peut pas prevenir des pluies comme celles du 1er sept, on pourra au moins eviter une telle empleur. Il faut que nos dirrigeants acceptent que leur politique sur la question a echoue, qu’ils se remettent en cause(car, a voir les declarations, ils disent qu’ils ne pouvaient rien faire, ils n’ont rien a se repprocher). Ce n’est pas parcequ’ils st devant qu’ils connaissent tout. ils n’ont qu’a accepter differents points de vue que les leurs s’ils veulent vraiment du bien de leur peuple ! A BON ENTENDEUR,...SALUT !

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