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Théâtre au CCF/GM de Ouagadougou : Fargass Assandé africanise « Quartett » de Heiner Müller

Publié le jeudi 19 février 2009 à 19h17min

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Les vendredi 6 et samedi 7 février 2009, le CCF/Georges Méliès de Ouagadougou a présenté la version africaine de Quartett de Heiner Müller dans une mise en scène de Fargass Assandé. Après trois mois de résidence de création, Odile Sankara, Fargass Assandé, Mbilé Yaya et Ibrahim Abba, ont partagé le fruit de leur travail avec leur public.

Après le mot de bienvenue habituel du Directeur du CCF, la scène baigne dans une lumière jaune orangée. Côté jardin et à l’avant scène, un espace de forme circulaire tapissé par des peaux d’animaux, accueille deux fauteuils d’un design assez particulier. Une table sur laquelle trônent deux coupes et une bouteille de vin rouge sépare les fauteuils. Signes de l’aisance sociale des occupants de cet espace. Côté cour, le décor est sommaire. Seul un tronc d’arbre que le jeu de lumière place derrière des barreaux, sert de meuble au second plan. Les deux femmes en rouge écarlate, et les deux hommes, de beaux chevaliers en chemises blanches, pantalons noirs, fouet en mains et chaussés de bottes en cuir. Les couleurs chaudes dominerons cette atmosphère non moins chaude pour les empoignades verbales qui s’y tiennent.

La Marquise de Merteuil et Le Vicomte de Valmont sont les personnages principaux. Leurs rôles sont respectivement interprétés par Odile Sankara et Fargass Assandé. Ces deux personnages sont à la fois complices et ennemis, leur jeu cache très mal l’amour, la jalousie et l’orgueil qui les animent. Les plaisirs charnels sont leur passe-temps favoris et pour eux, l’utilité du corps humain ne se limite qu’à cela. La Marquise trahit par son amant utilise Le Vicomte pour se venger. Dans leur quête perpétuelle de nouvelles escapades, l’épouse de Monsieur de Tourvel et la jeune vierge, Cécile de Volanges fraîchement sortie du couvent, seront des proies. Ces dernières ne résisteront pas au jeu de séduction du Vicomte de Valmont.

Les comédiens ont su ressortir toute la magie des mots en maîtrisant le beau et intense texte de Heiner. « Quartet » est très érotique et on comprend ce spectateur quand il se demande pourquoi on n’a pas précisé « interdit aux moins de 18 ans ». Les acteurs miment en effet l’acte sexuel sur scène. Fellation, éjaculation, sodomie... La grande partie du texte appartient au champ lexical du sexe. La justesse du jeu amène le spectateur à se sentir concerné. Par leur voix nous entendons ce que nous faisons tous et dont nous ne parlons jamais. Le texte de Heiner est une adaptation du roman du français Pierre Choderlos de Laclos intitulé « Les liaisons dangereuses » paru en 1782. L’auteur y stigmatisait le comportement libertin de la classe aristocratique de l’époque. Avec la classe qu’on lui connaît, Fargass a mis en évidence l’universalité des mœurs et surtout la décadence de la morale moralisante. Personne ou presque ne dénonce ces « deuxième bureaux », ces jeunes filles à peine sevrées que l’on trouve dans les restaurants chics, accrochées aux bras de tontons grisonnants, ou ces grands-mères pleines aux as s’achetant les services sexuels de garçons pouvant être leur petits-fils. Les humains d’où qu’ils soient se rejoignent sur certains points. Et c’est à juste titre que Monsieur Denis Bisson, Directeur du CCF, pense que cette mise en scène participe à l’abolition des frontières.

Le Vicomte est armé d’un fouet dont il ne se servira jamais. Les coups donnés par les mots sont suffisamment violents. On dirait un battle oratoire de sentiments en pertes de repère. C’est à l’image de nos sociétés, où ce que l’on appelle vertu ne dépasse jamais le stade des mots. Combien sont-ils d’avis avec Valmont que « la fidélité est le plus sauvage des dérèglements » et qui ne le diront jamais ouvertement ? Dans le duel qui oppose Merteuil et Valmont, le sexe, le corps de façon générale est constamment tourné en dérision. En témoigne cette phrase de la Marquise : « Qu’avez-vous appris à part manoeuvrer votre queue dans des trous en tout point semblable à celui d’où vous êtes issu ». L’homme est-il finalement maître de ses passion, de ses pulsions sexuelles ? Ces trous, pour parler comme la Marquise, dont nous sommes issus sont très souvent à l’origine de notre trépas. C’est ce que nous fait voir cette pièce quand ces deux adeptes des plaisirs charnels dégustent du vin rouge empoisonné.

C’est à la suite d’un casting rigoureux que Fargass a conduit sa résidence de création. Le copinage n’avait pas sa place surtout qu’ils étaient nombreux à douter de la pertinence d’une nouvelle mise en scène de « Quartett ». Mais c’était méconnaître l’étendu du talent de ce metteur. Ce ne sont que les avant-premières qui ont été jouées au CCF de Ouaga qui a coproduit la pièce et abrité la résidence. Après Ouagadougou et Bobo-Dioulasso au Burkina Faso, les autres coproducteurs de la pièces que sont le CCF de Bamako, le centre culturel franco-nigérien de Niamey et le Dionysos-la Scène conventionnée de Cahors en France accueilleront le spectacle.

Par David Sanon
Crédit photo Vivien Nomwindé Sawadogo

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