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Il y a 46 ans sortaient les premiers bacheliers "made in Haute-Volta"

Publié le jeudi 1er juillet 2004 à 07h58min

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Ce jeudi 1er juillet 2004, des milliers d’élèves burkinabè partent à l’assaut du baccalauréat, dans les centres d’examen de Ouaga, Bobo, Banfora, Ouahigouya, Koudougou, etc. Mais combien sont ces jeunes qui savent que ce n’est qu’en 1958 que les élèves voltaïques de l’époque ont commencé à passer sur place à Ouaga cet examen. Nous avons rencontré, Hyacinthe Sylvain Ouédraogo, un de ces premiers bacheliers "made in Haute-Volta".

Marié et père de quatre enfants, Hyacinthe Sylvain Ouédraogo est un haut fonctionnaire burkinabè qui coule une retraite paisible au quartier Samandin de Ouagadougou. Né le 11 mai 1937 à Touba, en république de Côte d’Ivoire où son père était fonctionnaire, tonton Hyacinthe y débutera ses études en 1944 avant de venir les terminer en 1951 à l’école primaire de la mission Catholique de Bobo-Dioulasso.

Admis en classe de 6e au collège moderne (actuel lycée Ouezzin Coulibaly) de Bobo-Dioulasso, M. Ouédraogo y décrochera son Brevet d’études du premier cycle (BEPC). Ce diplôme en poche, il se retrouve à Ouagadougou sur les bancs du collège moderne (actuel lycée Philippe Zinda Kaboré). Après la seconde, c’est haut les mains qu’il passe en classe de première le bac M’ à consonance scientifique. En clair, nous confie-t-il, "En M’, on fait de la biologie à la place de la deuxième langue". Mais à l’opposé des élèves des promotions précédentes qui allaient faire la terminale et passer le Bac à Dakar, à Abidjan, à Bamako ou à Conakry, Hyacinthe Ouédraogo et ses camarades de classe doivent rester à Ouagadougou pour préparer leur Bac. On était à l’entame de la rentrée scolaire 1957-1958.

Ils ont de ce fait constitué la première promotion des élèves à passer le Bac sur place, ici à Ouagadougou. Ce n’était pas facile puisque "on manquait de professeurs. Certains enseignants sont arrivés à Ouaga avec un retard de trois mois". Cette promotion a été comme celle des cobayes, car les autorités étaient persuadées que les choses, au fur à mesure des promotions, se stabiliseraient.

« Défricher le terrain pour les autres »

Malgré tout, c’est avec brio que Hyacinthe passera en classe de terminale son baccalauréat, série Sciences expérimentales. Une bonne dizaine d’élèves du collège moderne étaient aussi admis à l’examen. On était en 1958. Homme courtois, humble et posé, notre interlocuteur, aujourd’hui âgé de 67 ans, ne fait pas la grosse tête pour avoir été de cette première promotion. Il se contente simplement de dire sa joie d’avoir "défricher le terrain pour les autres promotions et générations".

On le sait, beaucoup d’élèves aujourd’hui ont pour bête noire les mathématiques et la physique-chimie. Qu’en était-il en 1958 ? Hyacinthe nous a assuré qu’il n’en était rien. En effet, "On n’avait pas de matières à craindre. C’était une question d’aptitudes. On orientait les élèves selon leurs aptitudes. Ainsi, tu ne pouvais pas être bon en littérature et te retrouver dans une série scientifique". De ce point de vue, les élèves ne pouvaient pas avoir de bête noire.

Le Bac, que ce soit celui de 1958 ou celui de 2004 est le même selon notre vis-à-vis. "Ce sont les mêmes sujets. On n’a pas à les comparer. C’est le même niveau. Je reconnais qu’en sciences les élèves de maintenant ont plus de connaissances que nous. Mais dans le même temps, je dois avouer que le problème à leur niveau est surtout l’expression. A mon avis, on ne peut pas sous-estimer le Bac actuel".

Nanti du Bac, tonton Hyacinthe se retrouve en novembre 1958 à l’université à Dakar où il prend une inscription en Droit avec option Economie. Après deux ans d’études, il débarque à Paris, à la Sorbonne où il achève sa formation en 1964 avec une licence en Sciences économiques et une autre en Sociologie.

« Wade a été mon professeur »

En 1964-1965, il retourne à Dakar où il obtient son diplôme d’études supérieures en sciences économiques avec comme professeur un certain Abdoulaye Wade. De retour au bercail en 1966, Hyacinthe ne connaîtra pas les affres du chômage. En effet, "Moins de 15 jours après mon arrivée au pays, j’ai été nommé conseiller des affaires économiques et directeur du Développement industriel et de l’Artisanat au ministère du Plan".

De 1971 à 1978, il sera successivement conseiller technique dans divers ministères, puis directeur de cabinet du ministre des Finances. En 1978, Hyacinthe quitte la Fonction publique. Il est engagé en qualité d’expert des Nations unies au Rwanda et plus précisément à Gisenyi. Là, pendant 18 mois, avec ses collègues, ils réalisent l’"Etude des mécanismes d’harmonisation des politiques industrielles dans une perspective d’intégration économique des pays des Grands Lacs".

De retour au pays en 1979, il chômera jusqu’en 1981, année à laquelle il réintègre la Fonction publique et retrouve son poste de conseiller technique au ministère du Plan jusqu’en 1984. C’est justement avec l’avènement de la révolution d’août 1983 que Hyacinthe sera mis d’office à la retraite parce que "La révolution ne voulait pas de tout le monde". Heureusement, il a été réhabilité en 1991 à la faveur d’un vaste mouvement de réhabilitation. A cet effet, il n’a reçu que des compensations financières.

Aujourd’hui après des années passées à se tourner les pouces, tonton Hyacinthe est à la tête d’une société d’études baptisée "Afric Consulting Group" qui a vu le jour en mai 2004.

San Evariste Barro
L’Observateur Paalga

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