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Laurent Gbagbo au Burkina : Post-scriptum

Publié le jeudi 31 juillet 2008 à 11h26min

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Au cours de sa visite officielle de 72 heures au Burkina Faso, le président ivoirien, Laurent Gbagbo, a émis quelques idées forces sur lesquelles il n’est pas superflu de s’attarder. Première de celles-ci, la fin de la guerre qu’il a "décrétée" et qui doit réjouir aussi bien les Ivoiriens que les Burkinabè, ces deux peuples ayant été ceux qui ont payé le plus lourd tribut à ce conflit fratricide. Gbagbo l’a dit, nos deux peuples sont tellement imbriqués par l’histoire et la géographie, que lorsqu’ Abidjan s’enrhume, Ouagadougou tousse.

C’est ainsi que, bien avant la crise ouverte de septembre 2002, les graines de l’ivoirité semées par les successeurs de Houphouët-Boigny, avaient germé en "épis" sanglants pour les Burkinabè. Tabou I et II en 1999, Bouaflé, Vavoua, Gagnoa...que de larmes et de sang payés à cette théorie absurde et destructrice, surtout dans un pays où le brassage des peuples et des cultures est tel qu’il est parfois impossible de savoir "qui est qui". En déclarant que la guerre est finie, Gbagbo met fin, nous l’espérons, à cette parenthèse de sang et d’absurdité.

Du reste, la commémoration hier, du premier anniversaire de la "Flamme de la paix" dans la communion d’esprit et en présence du président Blaise Compaoré, conforte cet espoir. Finie la guerre, mais pas les problèmes, ce que l’historien-président s’est fait fort de nous rappeler en évoquant la politique agricole de nos Etats. En fait de politique, il n’y en a pas, si tant est qu’en dépit du fait qu’il occupe plus de 80% de nos populations, le secteur agricole n’arrive pas à nous nourrir correctement. Il faut donc "repenser" nos politiques agricoles, car, l’option des cultures de rente perpétue le pacte colonial. Coton, café, cacao vont alimenter le tissu industriel et le tertiaire occidental, pour nous revenir sous la forme de produits manufacturés hors de prix.

Qui pis est, les devises qu’ils nous rapportent servent à payer l’abyssale dette extérieure, perpétuant la malédiction. Dans cette occurrence, la bataille pour la souveraineté alimentaire devient un impératif au moment où l’inflation internationale se répercute dangereusement sur nos économies qui sont pratiquement au bord de l’asphyxie. Ce qui a conduit sans doute l’ami Gbagbo à effleurer la question de la souveraineté monétaire devenue elle aussi une question posée et à résoudre. Arrimé dans un premier temps au franc de l’ancien maître, puis par la suite à l’euro avec la naissance de cette monnaie, le CFA n’a jamais eu une marge de manœuvre suffisante pour soutenir nos économies en temps de récession. Avec son cours immuable, il subit les effets pervers des politiques monétaires des autres Etats, ce que nous avons vécu amèrement lors de la dévaluation de 1994.

Une dévaluation qui n’était rien d’autre qu’une opportunité donnée à la France d’alléger le fardeau de l’aide et de rééquilibrer ses comptes, à l’heure où elle-même subissait les effets de la mondialisation et de la redistribution des cartes économiques qu’elle avait entraînée. Le scénario d’une deuxième dévaluation n’est pas à écarter de nos jours, avec les politiques fiscales et budgétaires mises en œuvre par nos Etats pour combattre la vie chère et qui ne sont pas loin d’avoir des effets déflationnistes. Il faut donc "détruire Carthage", en repensant hic et nunc notre politique monétaire pour éviter aux populations un réveil douloureux. Gbagbo ne l’a pas dit clairement, mais il n’en pense pas moins. Rien à dire, sa venue à Ouagadougou et plus encore, le discours qu’il y a tenu, est historique.

Boubakar SY
magnansy@yahoo.fr

Sidwaya

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