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APE : Les pays ACP partent perdants

Publié le samedi 30 juin 2007 à 13h32min

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L’Union européenne veut construire des accords commerciaux avec les 75 pays des ACP sur des bases qui sont fausses. Les Accords de partenariat économique (APE) mettent en face deux régions à forces inégales. En terme clair, ils mettent face à face des économies industrialisées et des pays pauvres. Visiblement l’UE veut faire passer ses intérêts commerciaux avant les besoins en matière de développement des ACP.

L’Afrique donne sa main à couper. L’empressement de l’UE à vouloir signer les APE en décembre 2007 force le doute. Que cache cet enjeu, quand on sait que le commerce avec les ACP est minime. Pour le géant économique européen, la signature des APE va marquer la fin de la reconnaissance des différences économiques.

Le partenariat sera mis en avant. Le partenariat mettra fin également aux préférences commerciales et à l’aide aux ACP. En sus, avec les APE à partir de janvier 2008, les pays ACP devraient ouvrir leurs marchés à la concurrence directe des biens et des services européens hautement plus compétitifs.

L’UE, dans ce partenariat, élargit son champ à la politique de concurrence, au terrain des investissements et vise les marchés publics dans les pays ACP. Les accords ne peuvent pas être bénéfiques pour les deux parties. Avec les APE, les gains de l’UE sont clairs. L’accès aux marchés européens pour les exportateurs des ACP n’est pas garanti. Les règles de l’UE sont strictes. A titre d’exemple, l’exportation des produits agricoles africains va se heurter au renforcement continu des mesures sanitaires et phytosanitaires en Europe. Les producteurs africains ne sont pas outillés pour cela. Ils ne pourront donc pas vendre en Europe.

L’Union ambitionne de développer son commerce externe, tout en faisant prospérer ses multinationales. Le directeur général du commerce nommé à la Commission européenne a été chargé de cette mission. Seule la dimension commerciale intéresse l’UE. Le libre-échange pourrait faire perdre aux ACP des recettes fiscales. Les Etats africains ne seront plus capables d’investir dans les secteurs sociaux tels que la santé, l’éducation. L’existence des disparités réduisent les marges des négociations des APE. L’Afrique à elle seule compte plus d’une dizaine d’institutions sous régionales.

Dans la pratique, ces regroupements poursuivent les mêmes objectifs à savoir l’intégration politique, économique, culturelle. A l’évidence sur le terrain, chacun négocie avec l’UE sur ces mêmes questions. C’est le cas en Afrique de l’Ouest où la CEDEAO et l’UEMOA se retrouvent sur le terrain de la négociation avec l’UE. En outre, la dimension que va prendre les APE dépasse le cadre du secteur commercial. Malheureusement sur le terrain de la lutte, les acteurs des autres domaines tels que la santé, l’emploi, l’éducation, la propriété intellectuelle... ne s’intéressent pas aux APE.

Ce partenariat tel que conçu va fragiliser les secteurs stratégiques des économies africaines. Les inquiétudes sont aussi grandes car l’environnement institutionnel est bien différent de celui de l’Europe. Face à l’UE qui parle d’une seule voix les ACP sont divisés en six (6) sous-groupes de négociation. Le plus petit des ces groupes, les Îles du Pacifique, négocie un accord commercial avec un géant économique plus de 1400 fois plus grand que lui. Les ACP ne sont pas préparés et les stratégies pour l’UE aussi disparates. Alors qu’il faut tenir le coup !

Marceline ILBOUDO
(à Accra)


Les médias à la traîne

Il ne reste plus que 5 mois et les APE, seront signés et mis en application. La pression monte pour alerter l’opinion sur les points préjudiciables aux ACP. Peu de médias en font leurs choux gras. Des responsables de publication donnent leurs explications.

Les enjeux liés aux négociations des APE avec l’UE doivent être connus et expliqués aux décideurs et aux populations à la base. Ce travail d’information et de sensibilisation requiert le soutien des médias. Ils faut orienter l’opinion sur les tenants et les aboutissants des APE. Mais au regard de l’urgence, le sujet ne semble pas emballer les journalistes. Souleymane Diallo, directeur de publication du satirique "Le LYNX", explique : "les APE sont traités comme un sujet d’actualité ordinaire. C’est un sujet nouveau qui ne préoccupe pas les Guinéens. Dans certains pays comme le Burkina, les journaux accompagnent les OSC dans le travail d’agitation autour des APE. Nous nous sommes faits le relai de la société civile en traitant ce sujet sur plusieurs angles.

Au regard de notre ligne éditoriale, nous nous opposons à l’ouverture des marchés africains". "Nous allons laminer nos économies déjà fragiles", soutient quant à lui, Chérif Sy, directeur de publication du bi-hebdomadaire "Bendré". Pius Njawé, directeur de publication du journal le "Le Messager" du Cameroun, souligne que la question des APC ne sont pas une priorité pour les autorités ni pour les autres acteurs. Gabriel A. Baglo, directeur -Afrique de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) affirme qu’il faut mettre l’accent sur la formation des journalistes sur ces questions techniques.

La maîtrise du sujet est indispensable pour eux. Il salue la mise en place de réseaux de journalistes économiques. Ils sont plus outillés pour amener les groupes socioprofessionnels que sont les chercheurs, les associations de consommateurs, les élus locaux et nationaux, les leaders d’opinion. Ces groupes, s’ils sont bien informés, peuvent établir le dialogue avec les négociateurs nationaux sur les inquiétudes et les propositions afin de débarrasser le contenu des APE sur les points de conflits.

Déjà en Afrique de l’Ouest, les producteurs agricoles ont rédigé un mémorandum sur les APE. Pour eux, il n’est ni obligatoire ni urgent de créer une zone de libre-échange dans les PMA. Cette notion comprise dan les APE établit la libre échange entre deux espaces ayant un niveau de productivité et des performances économiques différentes. C’est donc dire qu’il y a des possibilités pour les hommes des médias d’amplifier et de faire du plaidoyer sur les APE. Ce sont les opinions nationales qui peuvent mettre la pression sur les décideurs.

La plupart des journaux s’intéressent aux sujets politiques et sportifs, constate Gabriel A. Baglo. C’est pourquoi, il soutient l’idée d’impliquer les directeurs de publication et les rédacteurs en chef sur ces genres de questions. Si les sommets des rédactions sont acquis pour une cause, c’est plus facile pour les journalistes de faire passer des articles.

Sidwaya

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