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Culture démocratique et communication au Burkina : La complicité des “10%” et des “tais-toi”

Publié le mercredi 20 juin 2007 à 08h01min

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La communication politique burkinabè semble s’être donné, au rythme des élections, trois poids et trois mesures : quand elle prend le village pour cible, elle est traditionaliste. Conçue dans la dynamique des relations interpersonnelles urbaines, elle est hybride, c’est-à-dire semi-traditionnelle et semi-moderne.

A la conquête de l’international, elle est de son temps : tant bien que mal, elle se met à jour quant au prix à payer à la société mondiale dominante pour y être bien vue. En toute connaissance de cause, la communication politique burkinabè veut à la fois être d’hier et de demain.

Qu’en est-il, aujourd’hui, de ses capacités réelles à mettre en œuvre ses objectifs pour l’émergence d’une véritable culture démocratique ?
Le mimétisme, la corruption et l’amateurisme semblent être les trois indicateurs les plus voyants de la communication politique burkinabè en période postélectorale.

D’abord, la communication politique burkinabè d’aujourd’hui, par démagogie sans doute, utilise parfois de façon impertinente, des figures et des symboles de la culture traditionnelle sans en mesurer l’impact sur les mentalités. Ensuite, parmi les populations citadines, elle légitime la corruption en lui donnant des noms acceptables, et entre enfin dans l’international comme par effraction, étant une communication politique qui n’a pas toujours les moyens de sa politique.

Examinons cela de plus près en nous appuyant, comme précédemment, (voir Sidwaya n°5916 du mercredi 6 juin 2007) sur des exemples pris dans la culture traditionnelle mooré.

En ficelant ses stratégies, ses artifices et scenarii, le communicateur politique burkinabè tient à réussir aussi bien son retour à la base que son essor vers la communauté internationale. Pour cela, il étudie le système de la communication traditionnelle sans oublier de payer le tribut qu’il faut à qui de droit pour bien se faire voir dans les relations internationales. De ce double effort, il ressort une certaine configuration des objectifs que se donne le communicateur politique, en rapport avec l’ensemble des artifices propres à la communication politique burkinabè.

Ces objectifs peuvent être appréciés à trois niveaux : pour se réapproprier “les valeurs traditionnelles”, la communication politique actualise les pouvoirs de la parole et des symboles traditionnels, valorise la pratique du don et se sert du réseau des relations familiales comme cela s’est toujours pratiqué, notamment dans les Etats moosé (1er niveau). En vue d’endiguer le mal du nomadisme, entre autres, qui frappe les partis politiques, l’acteur politique fait des promesses et du clientélisme, un nouveau système de communication (2e niveau). Tournée vers l’international, la communication politique embouche les trompettes de la diplomatie du développement : un néologisme qui signifie, somme toute, que l’exploitation du plus riche par le plus pauvre est possible (3ème niveau). C’est ce qu’il faut maintenant voir de plus près.

La revalorisation des artifices traditionnels de la communication et la formation d’une culture démocratique au Burkina Faso font- elles toujours bon ménage ?
Premièrement, au niveau du langage articulé et symbolique, il y a des impertinences. Le mot mooré naam, par exemple, fait partie, depuis plus de neuf siècles que les Etats moosé existent, des représentations et fantasmes de la conscience collective des Moosé. Et selon ces représentations, le naam (le pouvoir traditionnel) est une totalité, on ne peut pas le diviser.

Le pouvoir du naam, en mooré, réside justement dans l’autorité et la capacité du Naaba à rendre justice, à acquitter ou à punir, parfois selon son bon plaisir. Comment faire comprendre, par le même mot, la légitimité d’un type de pouvoir politique qui affirme dissocier le judiciaire de l’exécutif ? Quand la communication politique use et abuse de ce mot, elle ravive, dans les représentations et fantasmes, les images d’une culture monarchique en lieu et place de la nouvelle culture démocratique.

Cela signifie que selon les schèmes de pensées populaires, entre l’avant et l’après du pouvoir politique au Burkina, il y a continuité, il n’y a pas de rupture. Les boubous brodés, les bonnets (leur forme et leur couleur), les chaussures et même les bijoux sont traditionnellement “codifiés”. Ils participent à l’exercice du pouvoir traditionnel et en explicitent le contenu en termes de modèle de communication politique. En faire usage dans le contexte actuel exige
des précautions.

Deuxièmement, en ce qui concerne les dons, les choses semblent plus claires : il est de moins en moins question de dons immatériels comme dans la tradition. Tout s’évalue en espèces sonnantes. Celui qui ne peut rien donner à personne ne sera pas (...) élu. Un proverbe minianka du Mali dit : “Cadeau d’ami, jamais petit”. Au Burkina, nous assistons tous les jours au renversement de ce proverbe, car, petit cadeau, jamais d’amis. Et, d’ailleurs, que n’a-t-on pas pris Aristote au sérieux quand il enseignait à ses élèves : “Ô mes amis, il n’y a pas d’amis”. Quel que soit donc le nom qu’on lui donnera, le don, ici, est un euphémisme. C’est de la corruption qu’il s’agit. La communication politique est en difficulté. D’une part, elle ne peut éluder la réalité du don ; d’autre part, elle sait qu’en s’engageant dans la course du plus offrant, elle transforme la culture démocratique en culture de corruption et la démocratie en ploutocratie.

Troisièmement, le réseau des relations familiales est sans doute commode, mais il est formé à partir de données naturelles instituées par la coutume : le territoire, le mariage etc. La démocratie, rappelons-le, relève de la culture et de l’artifice.

Plus d’une fois, en Afrique, des cultures démocratiques qui émergeaient se sont déchirées, obligées à un retour brutal à la réalité ethnique. “Conflits raciaux entre Noirs et Maures en Mauritanie, entre Noirs et Arabes au Soudan, entre Hamites et Bantous au Burundi” et la liste continue... L’idée d’une ivoirité engendrant des Ivoiriens multiséculaires est justement née du refus de l’artifice au profit du naturel. Et, le disant, on affirme qu’il y a des Ivoiriens plus vieux que la Côte d’Ivoire. La communication politique au Burkina est de la même veine impertinente. Nous devrions prendre acte en vue d’une consolidation toujours plus accrue du socle national.

Nous venons de le montrer : le mimétisme de la communication politique burkinabè qui consiste à copier le modèle de la communication traditionnelle est inopérant. Ce mimétisme introduit dans le rapport communication politique/culture démocratique, de graves ambiguïtés, provoque une régression mentale par rapport au projet de société qui est aujourd’hui le nôtre. En ville, la communication politique qui ne peut plus inscrire ses initiatives dans le réseau des relations familiales seulement se donne des réseaux de complicités entre “camarades”.

Etre en dehors de tels réseaux, c’est s’exposer à ne pas avoir de marchés, à ne pas être associé à l’organisation de manifestations importantes, à ne jamais accomplir une mission ni occuper un poste “juteux”, à marcher comme sur des œufs en se serrant les fesses quand on est convoqué par son supérieur hiérarchique. On ne peut pas dire qu’une telle situation provoquée par la pratique politique est inadéquate à la culture démocratique : elle détruit cette culture jusqu’à sa racine démocratique. Quant aux opposants qui fustigent ces réseaux, l’expérience nous montre que, souvent, ceux-ci ne sont pas en colère parce que les principes de la justice et de la démocratie sont bafoués, mais parce qu’ils tardent (eux), à recevoir leur part du butin.

C’est ce clientélisme qui constitue le modèle réel de la communication politique en ville surtout en périodes post-électorales. Il est d’autant plus réel qu’il est inviolable par la presse, écrite ou parlée. La pratique quotidienne des “10 %” et des “tais-toi” en cours dans ces réseaux de complicité est un frein puissant à l’émergence d’une culture démocratique. Le rôle de la presse, dans ce cas, pourrait être d’analyser, de dénoncer, de proposer...

Mais la presse elle-même se trouve noyautée par un pouvoir qui la transcende : nous voulons parler de cet esprit populaire en tant qu’il est de plus en plus tourné vers le profit immédiat et contre une culture (soi-disant) démocratique qui tarde à convaincre. Un fonctionnaire burkinabè qui cherchait des papiers administratifs a dit : “dépêchons-nous de passer par des portes latérales avant que la lutte contre la corruption ne devienne une réalité.”

Contre les tyrans, la presse peut tout. Contre cette culture rampante, elle ne peut rien. Quant à entraver l’évolution d’un journal, la censure de la masse est pire que celle du tyran. En effet, pour qu’un journal fasse de gros tirages, il faut que la masse en fasse la demande. En 1876, Girardin proclamait : “un journal est fait à 80 % par ses abonnés, à 15% par les évènements et à 5 % par les journalistes.” Rien d’étonnant que les lignes éditorialistes soient flexibles à volonté et infiniment déplaçables.

La diplomatie du développement, au Burkina Faso, est une réalité. Grâce à elle, notre pays est présent dans tous les continents. C’est la communication politique à grande échelle.

Nous nous rendons compte qu’une telle communication permet parfois à des pauvres d’exploiter des riches en vendant astucieusement leur sort à la communication internationale. La tâche n’est pas toujours aisée : comment expliquer aux technocrates teigneux de Bretton Woods qu’il était nécessaire d’arrondir les chiffres de tel prêt pour pouvoir construire des lieux de culte, afin de s’assurer, aux élections prochaines, les bonnes grâces de ceux qui y prient ?

Par où il apparaît que pour être un bon communicateur de développement, il faut d’abord être un athlète confirmé ! Outre cette difficulté, on peut ajouter qu’au Burkina Faso, la communication politique en tant que science humaine n’a pas encore acquis ses lettres de noblesse. A l’extérieur, l’anglais, la langue la plus courtisée dans l’international, nous échappe et, à l’intérieur, nos langues maternelles ne nous attirent plus : nous sommes enfermés dans le français comme des souris dans un bocal.

Or, l’international n’est vraiment pénétrable que par des professionnels. L’ouverture récente de l’IPERMIC (Institut panafricain d’étude sur les médias, l’information et la communication de Ouagadougou ), dirigé par le professeur titulaire d’université, Serge Théophile Balima, augure d’une prise en main plus conséquente de la science de la communication politique au Burkina, nous osons l’espérer. Par ailleurs, on ne peut que regretter ce qui arrive à l’Institut diplomatique et des relations internationales (IDRI) qui pouvait sans doute combler certaines des lacunes que nous stigmatisons.

A la question posée : “la communication politique est-elle un facteur efficace pour l’émergence d’une culture démocratique au Burkina Faso”, on peut donc répondre : pas suffisamment. Pour l’heure, la communication politique et la culture démocratique burkinabè sont en équilibre problématique.

Ibrahiman SAKANDE (ibra.sak@caramail.com)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 20 juin 2007 à 12:31, par M’nifou En réponse à : > Culture démocratique et communication au Burkina : La complicité des “10%” et des “tais-toi”

    Très bonne analyse mais très peu de propositions ? Que faut-il faire ?Quand la grande majorité manque de tout et même d’éducation. Voila la vraie problématique.
    Félicitation pour cette reflexion.

  • Le 20 juin 2007 à 13:30, par farafina En réponse à : > Culture démocratique et communication au Burkina : La complicité des “10%” et des “tais-toi”

    propos confus. argumentaire pompeux.ce qui se concoit bien s’enonce clrairement et les mots pour le dire viennent aisement.

  • Le 21 juin 2007 à 14:57, par Hilaire En réponse à : > Culture démocratique et communication au Burkina : La complicité des “10%” et des “tais-toi”

    L’intention d’éblouir est évidente. Le corps du texte est un brillant embrouillamini. Au final, on saisit pas grand’chose. Tout le contraire d’une démarche scientifique que le Pr Balima de l’IPERMIC s’efforce d’enseigner sans doute à ses étudiants.
    Quelle est votre problématique ? Quelles sont vos hypothèses ? Quel est votre corpus ? Votre cadre conceptuel ?...
    Rappelez-les. Tout le monde ne collectionne pas Sidwaya, cher Professeur Sankandé, pour vous suivre dans votre magistère. Dans tel numéro, vous aviez dit ceci, aujourd’hui vous diriez cela...
    Une série de questions de fond à l’auteur :
    1. Quelle différence faites-vous entre communication politique et marketing politique ? Ne prenez-vous pas l’un pour l’autre ?
    2. La période post-électorale est-elle la mieux indiquée pour analyser le comportement politique du candidat, de l’électeur ? Et de quel électeur parlez-vous : le citadin, le rural ou l’hybrique citadin-rural ?
    3. Sur la base de quelle prétention (inférée, prouvée, constatée et où ?, la communication (même politique) se donnerait le droit souverain d’assoire une culture démocratique en Afrique ? Notre référent traditionnel s’y prête t-il ? Avons-nous en Afrique le potentiel pour être "démocrates" ?
    4. le communicateur qui "retourne" à la base peut-il être le même qui s’adresse à l’international ? Votre objet d’analyse n’est pas stable, il bouge. Comment peut-on saisir des tendances qui tiennent la route ?
    5. L’exemple que prend l’auteur pour évaluer les valeurs traditionnelles concerne le "naam". Il faut rappeler que, de façon explicite, on se trouve de fait dans une société traditionnelle certes mais de type étatique et bien organisé (Mogho Naba, ses ministres, les sujets...etc). Une telle hiérarchisation n’existe pas chez les sociétés traditionnelles acéphales (comme chez les Dagari ou Lobis, du Sud ouest Burkina). Alors le "naam" peut-il s’étendre à la société traditionnelle burkinabé dans l’absolu ?
    6. Peut-on, dans la rigueur scientifique, comparer l’espace de la communication politique (relisez D.WOLTON pour la situation historique du concept !) et société traditionnelle (qui existe depuis des millénaires) ? Le jeu du pouvoir est-il le même ? Prend-on le pouvoir ou bien il se donne de père en fils ? Le shéma est-il général ou particulier ? En clair, devient-on chef, pareillement chez les Gulmacé (exemple choisi à dessein - voyez le Pr Georges MADIEGA) que chez les Mossis (Voyez le Dr Samuel SALO) ?
    7. Enfin, voulez-vous dire que quand dans une société il y a corruption il n’y a pas de démocratie ? Permettez-moi d’en douter. En Europe et singulièrement en France quel parti politique peut se targuer d’avoir les mains propres, de n’avoir jamais fait de la corruption ? Alain Juppé qui a payé pour les "emplois fictifs" à la Mairie de Paris n’était-il pas le numéro 2 de Fillon 1 après la victoire démocratique de Sarkozy ? N’a t-il pas démissionné de son poste après avoir été battu à la loyale au cours d’une élection démocratique par la candidate du PS ? Pour autant la démocratie n’existe t-elle pas en France ? De son côté, l’ex-ministre Alain Carillon (jugé et condamné par la Justice pour fait de corruption) a été battu aux élections législatives démocratiques. A ce point de mon analyse, j’ai le flair que dans l’absolu la bonne démocratie n’a pas peur de la corruption. Bien au contraire !
    Qu’en pensez-vous, mon cher Sakandé ?

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