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Législatives françaises : Bonnet d’âne pour Juppé

Publié le mardi 19 juin 2007 à 08h01min

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Alain Juppé

Victoire étriquée de la Droite, défaite "historique" d’Alain Juppé à Bordeaux et guerre de succession sur fond de succès relatif au Parti socialiste. Tels sont les grands enseignements que l’on peut tirer des législatives 2007 en France, lesquels traduisent l’ambivalence et la frilosité d’un peuple qui a perdu ses certitudes depuis deux décennies.

Bordeaux, la "bourgeoise", a ainsi viré à gauche avec la défaite courte mais significative d’Alain Juppé lors des législatives de 2007. La capitale de la Gironde a en effet, toujours voté à Droite depuis plus de soixante ans, incitée en cela par la haute bourgeoisie constituée des vignerons qui avaient la mainmise sur la ville. On a assisté donc à une véritable révolution due sans doute à la personnalité et au parcours du candidat Juppé, la ville n’ayant en rien perdu de ces certitudes.

Après le départ de Jacques Chirac, son fidèle lieutenant faisait quelque peu "pièce rapportée" dans le landerneau politique avec en sus, le handicap d’avoir servi de victime expiratoire de tous les crimes de la chiraquie. Une victime qui a payé moins qu’il ne fallait, avec des procès arrangés qui ont abouti à des condamnations de principe. Et comme le peuple n’a pas la mémoire courte, elle a fait payer au lampiste, cette forfaiture en attendant peut-être que son patron, Chirac, ne soit attrait devant les tribunaux.

Depuis que son immunité a été levée, l’hypothèse n ’est plus si farfelue, avec l’insistance de certains juges de vouloir l’entendre. En attendant, c’est Juppé qui paie, et avec lui toute la Droite avec cette vaguelette bleue qui a du mal à inonder toute la France. Avec 314 députés, l’UMP est en effet loin des 400 députés qu’elle escomptait pour marginaliser davantage le Parti socialiste après la désillusion de la présidentielle.

A l’analyse, les Français ont, semble-t-il, pris la mesure des "dangers" qui les guettaient avec les réformes prévues par Nicolas Sarkozy. Une prise de conscience aïguisée par le projet de TVA sociale du gouvernement qui prévoit de reporter une partie de l’impôt des entreprises sur les ménages afin de booster le secteur de l’emploi.

Avec un pouvoir d’achat déjà malmené par une tendance haussière des prix qui ne se conjugue pas avec une revalorisation des salaires, les Français ne veulent pas supporter davantage de, charges. Surtout qu’à l’horizon se profile la réforme de la sécurité sociale qui va "rogner" certains de leurs droits acquis et celle du travail qui va précariser les emplois.

L’avenir n’est pas rose avec le manque de compétitivité des entreprises françaises à l’international (crise d’Airbus, Arcelor en passe d’être racheté par l’Indien Meetal Steel...) et la panne observée dans le domaine de la recherche. Le vote du 17 juin 2007 n’est donc pas loin de s’apparenter à une sanction avant l’heure de cette politique "antisociale" qui se dessine. Et puis, il ne faut pas oublier que la France sort de douze ans d’emprise de la Droite sur le pouvoir législatif, ce qui fait un long bail.

Et nos "amours" de mai 68 ?

Et si le bailleur n’a pas repris les clés, c’est en raison de la déconfiture de la Gauche qui se traduit surtout par l’absence d’un leader charismatique respecté de tous. Depuis la retraite anticipée de Lionel Jospin qui a suivi la "phagocytose" de Michel Rocard, l’héritier naturel (mais présomptueux ?) de François Mitterand, la Gauche se cherche un patron. Le premier secrétaire du P.S, François Hollande n’a pas la taille requise, lui qui n’a dû son ascension au poste qu’à la querelle féroce que se sont livrée les barons du parti lorsque la succession de Jospin fut ouverte.

Et même s’il avait réussi à imposer la candidature de sa désormais ex-compagne à la présidentielle, c’était en raison de l’entrejen de celle-ci conjuguée à la guerre des chefs qui se poursuivait. Laquelle n’a pas pu faire mouche face à Sarkozy car, en plus d’être femme, elle n’avait pas (pas encore) le profil de l’emploi. Ses "bégaiements" sur la politique internationale, son projet de société qui a tardé à prendre corps et ses néologismes sont symptomatiques de cette non-préparation.

Toutes choses qui ne l’empêchent pas de faire une "OPA", (Offre publique d’achat) sur le P.S pour préparer l’écheance de 2012. Comme pour mieux signifier son destin national, la dame Royal a renoncé à se présenter à ces législatives, ce qui ne l’a pas empêché de réclamer la paternité de la victoire. Avec 185 députés, le P.S a en effet fait mieux qu’en 2002, ce qui autorise toutes les ambitions.

Mais, elle devra passer sur le corps des Eléphants, notamment Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius qui n’ont pas encore abdiqués. En sacrifiant sa vie de couple, Royal indique clairement qu’elle sera une adversaire de taille. Autre enseignement de ces législatives, la perte de terrain considérable du centriste Bayrou (5 sièges pour son nouveau parti) et l’effondrement de l’extrême-droite qui traduit la fin d’une époque.

Avec son leader affaibli et malade, ses finances exangues et la mutation de la société française, le Front national se range progressivement dans le rayon des reliques. L’extrême-gauche n’est pas mieux lotie, elle qui ne constitue plus une force d’appoint comme dans les années mitterrandistes. Revenons pour terminer à Alain Juppé pour dire qu’il est quelque part, le symbole de ces années-là.

En le renvoyant à ses chères études, les Français indiquent qu’ils veulent tourner résolument cette page où la flamboyance du verbe et les prises de position chevaleresques cachaient mal certains dessous nauséabonds (affaires Total-Finna-Elf, HLM de Paris etc.) Ce ne sont pas en tout cas, les Africains qui s’en plaindront.

Boubakar SY

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 19 juin 2007 à 13:25, par LEROY Gérard En réponse à : > Législatives françaises : Bonnet d’âne pour Juppé

    Michel DELAUNAY ,cancerologue, fille de l’ancien préfet de GIRONDE tombeuse d’Alain JUPPE ,ça c’est vraiment à gauche !!!!!!!
    demandez lui si elle habite le quartier des "AUBIERS".
    Vous avez raison monsieur le journaliste c’est la "gauche" bourgeoise(on en sort pas) et démagogique.
    Quand à la victoire étriquée de la droite aller voir sur un dictionaire la signification de ce mot.

    NB:56 ans,au chomage (ouvrier),habite un 3 p à verneuil/seine

    • Le 20 juin 2007 à 02:08, par Goulou En réponse à : > Législatives françaises : Bonnet d’âne pour Juppé

      Bonjour,
      Pour répondre à la première partie du message de M. Leroy, et même si la gauche caviar a toujours existée, un penchant politique tient normalement plus compte du contenu de la tête que du porte-monnaie de la personne qui se dit de gauche... ou de droite : il est donc possible de gagner plus que le salaire minimum garanti français et d’être de gauche, comme il a pu exister des présidents français dit de gauche et animé dans leur tête par autre chose que le progrès social pour tous par opposition à la prise d’intérêt personnel (argent ou pouvoir).

      La victoire de la droite lors de ces élections législatives n’est pas étriquée mais juste insuffisante vu coté UMP au regard de la débauche médiatique et la main-mise sur les médias français de la droite de M. Sarkosy. Chose importante néanmoins, la droite n’a pas atteint le seuil obligatoire des 3/5 du parlement (Assemblée Nationale + Sénat) pour lancer des changements sur la Constitution Française ! Ce n’est pas rien !

      Pour ce qui est de l’article de M. Boubakar SY, je l’aime bien, il est un bon résumé de cette élection des députés français à part quelques remarques personnelles :

      - quand vous parlez de "l’ambivalence et la frilosité d’un peuple qui a perdu ses certitudes depuis deux décennies" : comme tout peuple d’une nation, les Français votent pour avoir à la tête du pays un Homme fort, un capitaine, un père (même et surtout parfois fouettard), un mentor avec une boussole fiable pour diriger le pays. La gauche n’a rien eu à proposer de la sorte pour les présidentielles hormi une femme forte (une Mère pour la nation, je pense que les Français était prêt à faire le pas de voter pour elle) mais avec une boussole dont l’aiguille bougeait beaucoup pour moultes raisons ; de l’autre coté, une "machine à gagner" au marketing irréprochable ("travailler plus pour gagner plus" dans un pays où le pouvoir d’achat -et particulièrement celui des personnes à revenu faible- a énormément baissé depuis 20 ans et particulièrement depuis le passage à l’Euro) a fait que le combat était inégal.

      Entre les deux tours des législatives avec un toile de fond une "déferlante bleue de l’UMP" promise, un ministre annonce que les taxes sur les produits de consommation va augmenter de 5%, soit 5% de pouvoir d’achat en moins (encore) alors que certains n’arrivent déjà plus à vivre normalement (dans le contexte français), ceci matiné par la gifle de 2002 qui a montré au Français que les règles de la 5ième république ne fait pas de cadeau au candidat arrivé en 3ième position (rappel M. Jospin déclaré vainqueur par tous les sondages n’a même pas été présent au 2nd tour !), cela a fait que les électeurs ont eu un gros doute sur leur avenir proche avec un pouvoir monolytique tel qu’annoncé, que les gens de gauche sont allés voter, que les gens de droite ne se sont pas déplacés de même que les électeurs des banlieues défavorisées et que les résultats ont ét ceux que nous connaissons.

      Parler d’ambivalence et de frilosité, non juste simplement de démonstration de ce qu’est le plus beau droit qui reste encore en France : des élections libre (peut-être plus pour longtemps avec l’arrivée des machines électroniques à voter), symbole de la Démocratie, le pouvoir par le peuple et par les urnes ! C’est beau !

      - pour ce qui est de l’extrème droite, je ne la considère pas comme un groupe politique en tant que tel ; les électeurs de Vitrolles et des villes passées un temps au Front National et qui en sont revenues doivent penser la même chose : être de l’extrème droite est un état d’esprit, passager ou non, mais qui dépasse le sentiment d’être d’un bord politique ou de l’autre (et ne donne pas la compétence pour diriger une ville, une région ou un état) : il est plus le thermomètre du mal-être, de la non considération par nos élus de nos attentes "animales" (sans aucune connotation péjorative), le FN comme l’extrème gauche ont perdu beaucoup cette fois ci mais cela ne veut rien présager pour l’avenir.

      Bien cordialement et au plaisir de lire LeFaso

      Goulou

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