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Disparition de Guy-André Kieffer : Ce que la femme du journaliste sait

Publié le lundi 5 mars 2007 à 08h37min

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Guy-André Kieffer

Osange Silou-Kieffer est directrice de la rédaction à Invariance Noire, une agence de presse. Elle est critique de film, et, dans cette logique elle est présente à presque toutes les éditions du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO). Osange est également l’époux de Guy André Kieffer, ce journaliste franco-canadien disparu mystérieusement en Côte d’Ivoire il y a environ 3 ans. Où en est-on avec cette affaire ?

Guy André est-il mort ou vit-il toujours ? Ce sont autant de questions que nous avons abordées avec Osange le samedi 3 mars dernier dans le hall de l’hôtel Indépendance.

Le Pays : Pourquoi êtes-vous à Ouaga actuellement ?

Osange Silou Kieffer : Je suis critique de film. J’ai une longue tradition du FESPACO. J’ai même ouvert un bureau du FESPACO à Paris en 1991. Je viens au FESPACO depuis la période où il était toujours animé par ses pionniers dont Alimata Salembéré. Cette année, je suis venue encore en tant qu’invitée du Festival, mais surtout parce que le cinéma africain me tient à coeur. En tant que Guade-loupéenne, je ne trouve pas de différence entre le travail à faire pour la promotion du cinéma africain et celui des Caraïbes. C’est le même combat qui va jusqu’au niveau de l’Amérique noire et de l’Amérique latine. Le FESPACO est un espace qu’il faut fréquenter pour accompagner les réalisateurs et découvrir des productions des autres régions qu’on n’a pas forcément l’occasion de voir autrement.

Quelle appréciation faites-vous de cette 20e édition du FESPACO ?

La sélection était très intéressante avec un très bon équilibre entre tous les pays, toutes les sous-régions. Les films sont de très bonne qualité. Je suis ravie de voir qu’il y a une nouvelle génération de réalisateurs africains avec un vrai regard, une vraie écriture. Parce que jusqu’à présent on disait que le problème de notre cinéma, c’était un problème d’écriture, de scénario. A ce FESPACO, nous avons vu des films très solides au niveau du scénario, avec des directions d’acteur indiscutables, parce que cet aspect nous était également reproché. Globalement, je pense que c’est une édition très positive.

Quel avenir pour le FESPACO ?

Le FESPACO a tout son avenir devant lui. Je pense que de plus en plus, les Etats africains se rendront à l’évidence que la culture est l’un des piliers du développement. Le Burkina a fait un travail extraordinaire en matière de cinéma, à travers le FESPACO, à travers toutes les structures, toutes les aides qui se sont mises en place. Je pense que c’est un exemple pour tous les autres pays du continent. Il n’y a pas de raison que le cinéma ne se développe pas en Afrique.

Nous sommes un peu surpris de vous voir à Ouagadougou, car la presse ivoirienne avait annoncé la mort de Mme Kieffer !

Quand il était à Abidjan (capitale économique de la Côte d’Ivoire, ndlr), mon époux vivait avec une dame que les gens ont présentée comme étant sa femme. Quand je suis allée en Côte d’Ivoire après l’enlèvement de mon époux et qu’on m’a posé la question, la seule réponse que j’ai donnée et que je continue de donner est que cette dame c’est une négresse comme moi. Je ne rentrerai dans aucune polémique avec une soeur pour ce genre d’histoire. Je pense que cette dame était autant malheureuse que moi, que mon enfant. Je n’en fais pas un problème.

Où en est-on avec l’affaire Guy Kieffer, du nom de votre époux disparu depuis lors en Côte d’Ivoire ? Y a-t-il des pistes qui mènent à l’assassin ou aux assassins de votre époux ?

S’il a été tué ! On ne l’a pas retrouvé, donc on ne sait pas s’il est mort ou s’il est vivant. Moi, j’ai toujours dit que, tant qu’on ne me présente pas son corps, je continuerai de croire qu’il est détenu quelque part. Je ne voudrais pas, s’il est toujours vivant, qu’il croit qu’on l’a abandonné. Ça va bientôt faire 3 ans, mais on ne sait toujours pas si Guy André est vivant ou s’il est mort. Il y a des gens qui se manifestent, qui apportent des témoignages complètement farfelus de gens qui cherchent à soutirer un peu d’argent. Parfois aussi, ce sont des témoignages que nous prenons suffisamment au sérieux, qui nous permettent d’approfondir les enquêtes. Pendant que je suis au Burkina pour le FESPACO, il y a eu une réunion avec le juge d’instruction à Paris.

Demain dimanche 4 mars (ndlr, l’entretien a été réalisé le samedi 3 mars 2007), je ferai le point avec la famille pour savoir ce qui s’est dit, et voir dans quelle direction on continuera à agir. Une chose est certaine, nous ne baissons pas les bras.

Les autorités françaises vous apportent-elles leur concours dans l’enquête ?

Les autorités françaises sont très tièdes depuis le début. D’ailleurs, on a toujours dénoncé cette tiédeur qui est due à l’ambiguïté des relations de la France sur le continent africain. C’est vrai que cet état des choses nous a un peu bloqués. Maintenant, les choses s’ouvrent un peu plus, mais c’est parce que nous nous sommes beaucoup battus. Comme je le disais, le gouvernement ivoirien fait tout pour qu’on ne sache pas ce qui s’est passé, et le gouvernement français ne fait rien pour qu’on sache ce qui s’est passé. Donc nous avons dû nous battre sur ces deux fronts. Le combat semble être un peu gagné du côté de la France. Par rapport à la Côte d’Ivoire, nous continuons le combat.

Pensez-vous que la justice a les coudées franches dans cette affaire ?

Les deux juges qui ont l’affaire en main sont comme moi qui suis une Kamikaze de la culture et de la défense de la culture noire. Eux, ils sont des Kamikazes de la justice. Dès qu’on s’est rencontrés au début, le juge m’a dit que lui, il ira jusqu’au bout. Je lui ai dit que ça tombait bien, car, moi aussi, j’irai jusqu’au bout. On continue donc à travailler ensemble dans ce sens.

Avez-vous une conviction intime dans l’affaire Guy André Kieffer ?

Oui, mais que je ne peux pas développer ici.

Pour quelles raisons ?

Parce que je ne voudrais pas que, si mon époux est toujours détenu quelque part, cela précipite quoi que ce soit.

Vous y croyez encore ?

Oui, j’y crois. Je ne voudrais pas non plus tenir des propos à partir d’une simple conviction, fût-elle profonde. Il faut faire très attention à ce qu’on dit des autres.

Avez-vous des indices qui vous font croire que votre époux est encore vivant ?

Je n’ai pas d’indices me laissant penser qu’il est vivant, mais, comme je n’ai pas non plus d’indice m’amenant à croire qu’il est mort, je préfère rester dans le domaine positif de cette situation.

Propos recueilli par Morin YAMONGBE

Le Pays

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