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Burkina-Taïwan : "Observez la direction des vents qui soufflent !" (1)

Publié le lundi 16 octobre 2006 à 07h46min

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Pour l’auteur de ces lignes, qui dit être un "citoyen observateur de la direction des vents qui soufflent ici et là" sur les relations internationales, "Tôt, ou pas très tard", le Burkina n’aura pas d’autre choix que de rompre avec Taïwan au profit de la Chine populaire.

L’actualité diplomatique qui a défrayé la chronique ces temps-ci au Faso, c’est le récent séjour au Burkina d’une délégation « non gouvernementale » chinoise (de Pékin) à l’initiative d’un groupe d’amitié burkinabè dont le gourou n’est autre que Monsieur Zéphirin Diabré himself, ancien ministre à plusieurs reprises si je ne m’abuse, ancien numéro deux ou trois du PNUD, actuellement responsable Afrique du groupe AREVA et qui, jusqu’à preuve du contraire, n’a jamais posé et n’est pas près de poser un acte susceptible de déplaire au grand boss qui définit les grandes orientations de la diplomatie burkinabè.

Il vous souvient qu’un entretien officieux, accordé peu avant le séjour de la dernière délégation pékinoise par un « obscur » haut fonctionnaire du ministère burkinabè des Affaires étrangères, avait provoqué le courroux des diplomates taïwanais en poste chez nous et entraîné illico presto les protestations de bonne foi de la partie burkinabè. Les conjectures à l’heure actuelle dans les salons huppés de Ouagadougou ou dans certains milieux « ordinaires » qui ont encore le courage de s’intéresser à des débats « éloignés » de leurs préoccupations quotidiennes marquées par la lutte pour la survie, portent sur l’éventualité ou non d’un nouveau divorce dans le couple Ouagadougou-Taipei et d’un nouveau remariage entre Pékin et Ouagadougou.

Bien entendu, tant que le premier des Burkinabè restera silencieux, le ministère des Affaires étrangères burkinabè et le lobby protaïwanais qui compte des membres au niveau le plus élevé de l’Etat se répandront en dénégations véhémentes et autres assauts d’amabilités comme on le constate à travers la large campagne médiatique en cours actuellement. Même le syndicat maison du ministère des affaires étrangères a cru devoir apporter, en un mouvement d’excès de zèle sans doute désintéressé, son grain de sel dans le débat à travers une défense hagiographique de la nécessité de maintenir les relations avec Taïwan, la petite île prospère qui, selon ce syndicat, est supérieure à tout point de vue à la grande Chine continentale ! On aurait attendu ce syndicat sur le terrain de la lutte pour la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs de leur « ministère de souveraineté », mais pas sur celui de la définition des grandes lignes de la diplomatie burkinabè qui, visiblement, n’est pas de son ressort ni même du ressort de leur patron, le « chef de la diplomatie burkinabè » qui, comme chacun le sait, n’est que la voix de son maître.

Peut-on ignorer le veto de Pékin ?

Venons-en à présent à la question essentielle : les relations entre le Burkina et l’île de Formose. Ont-elles encore de beaux jours devant elles comme on le dit officiellement ? Sans être dans le secret des Dieux ni même être un averti de la chose diplomatique, mais seulement en tant que citoyen observateur de la direction des vents qui soufflent ici et là sur les relations internationales, je me risque à pronostiquer que dans un avenir plus ou moins rapproché, ces relations vont nécessairement être remises en cause pour plusieurs raisons évidentes dont la principale est l’intérêt même du Burkina sur le plan des relations internationales :

Le poids de Pékin sur la scène mondiale interdit à toute diplomatie étatique lucide de vouloir ignorer ce membre permanent du conseil de sécurité qui peut bloquer net, grâce à son droit de veto, toute proposition d’un Etat membre de l’ONU qui lui déplairait, surtout les « Etats PPTE » dont la voix pèse vraiment peu lors des grands débats ( ne nous mentons pas à nous nous-mêmes, il faut regarder la vérité en face !).

Voyez comment les partisans de Taïwan se font ridiculiser régulièrement chaque fois qu’ils demandent la réadmission de l’île à l’ONU ? Voyez comment le régime, décrié par certains, de Laurent Gbagbo échappe aux tentatives d’isolement ou d’étouffement, aux Nations unies grâce, entre autres, au soutien indéfectible de Pékin qui est très heureux de pouvoir bénéficier des retombées économiques d’un tel soutien et aussi de rabattre le caquet à quelques pays en très faible nombre qui maintiennent vaille que vaille leur relations avec « l’île dissidente » selon la terminologie en vogue à Pékin. La Chine continentale met d’ailleurs ces quelques résistances au compte de la « diplomatie du dollar » qu’affectionnerait Taïwan qui financerait des investissements dans divers domaines au profit des populations (ça, il faut le lui reconnaître) ou pour soutenir les régimes qui lui permettent de maintenir ses prétentions d’Etat indépendant ignoré par la quasi-totalité de la communauté internationale. Quel que soit le poids économique, l’avancée technologique de Taïwan, elle restera inférieure à cette géante Chine continentale qui se positionne de plus en plus comme la première puissance du XXIe siècle et dont l’agressivité au plan économique fait trembler jusqu’aux pays européens et les Etats-Unis. Dans ces conditions, le moins qu’on puisse souhaiter à nos amis des deux Chines, c’est de retrouver l’union qui était la leur avant la débâcle du KUOMINTANG devant les troupes de MAO TSE TOUNG en 1949.

Une odeur de revirement

Deuxième raison : l’accueil d’une délégation officieuse chinoise de Pékin au Burkina. Malgré son ouverture à l’économie de marché qui arrange bien ses affaires, surtout au plan international, la Chine populaire n’a pas beaucoup changé sur le plan de son organisation politique et sociale. Et c’est méconnaître les réalités chinoises que de croire que ce sont des hommes d’affaires « neutres », « non gouvernementaux » qui viennent de séjourner chez nous.

Ce sont bel et bien, n’en déplaise aux tenants de la langue de bois, des précurseurs chargés de frayer une voie à la diplomatie de Pékin via les échanges commerciaux comme cela s’était vu dans les années 70 avec la diplomatie du ping-pong qui a permis, avec les échanges sportifs, le rapprochement avec Washington grâce au génial négociateur de coulisses Henry Kissinger qui pilotait la diplomatie américaine dans un contexte marqué par la guerre froide. Qu’une délégation de « privés » chinois ait pu séjourner chez nous et rencontrer au grand jour des personnalités comme le Président de la Chambre de commerce ou le Moogho Naaba et autres notabilités dans un contexte très médiatisé prouve bien que, contrairement aux « pieuses » déclarations officielles de ceux qui, en réalité, ne contrôlent pas les ficelles de la diplomatie burkinabè, il y a une odeur de revirement dans l’air ; qu’il existe plus ou moins un accord tacite au sommet que nous ne tarderont pas à voir se traduire explicitement par la séparation (probablement à l’amiable, par consentement mutuel) entre Ouagadougou et Taipei.

Peut-être entend-on y mettre la manière qui sied ou prolonger un peu le retour sur investissement, la rentabilisation de certains intérêts pas forcément publics peut-être. S’il n’y avait pas problème, l’Ambassadeur taïwanais chez nous serait-il allé jusqu’à dire dans les colonnes de Sidwaya la semaine dernière que son pays était prêt à cohabiter avec Pékin au Burkina ? Pour ma part, ma religion est faite : tôt ou pas très tard nous n’aurons pas le choix et la rupture des relations du Burkina avec Taïwan interviendra à court ou moyen terme. Il faut voir froidement les choses comme dirait l’autre.

A ce propos d’ailleurs, on aimerait entendre plus souvent l’opposition politique et la société civile burkinabè sur les grandes questions relatives aux relations du Burkina Faso avec les autres pays qui engagent notre avenir à tous (même si Me Hermann Yaméogo en a vu des vertes et des pas mûres pour avoir osé donner son point de vue sur la crise ivoirienne qui n’épousait pas le catéchisme officiel en vigueur). Il ne saurait y avoir de sujets tabous pour le vulgum pecus, de domaine réservé aux principaux dirigeants en matière de diplomatie, quand on sait que certains errements ont valu à notre pays d’être indexé par la communauté internationale (cas du Liberia) ou à certains de nos compatriotes de frôler le pire sous d’autres cieux.

M. K.

L’Observateur Paalga

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