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Procès de Charles Taylor : Ça y est ! On a l’accord de Londres

Publié le jeudi 22 juin 2006 à 07h32min

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Ce qu’hier n’était simplement imaginaire est aujourd’hui dure réalité pour Taylor. Les mains menottées, l’ancien chef de guerre et ex-président libérien, Charles Taylor, a foulé mardi dernier le sol des Pays-Bas où il devra être jugé à la Haye par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL).

En le voyant ainsi les mains liées, c’est l’image du général Nouéga, l’ancien homme fort du Panama, devenu peu après prisonnier des Américains, qui nous vient en tête.

Devant cette cour internationale, Taylor est poursuivi pour 11 chefs d’inculpation regroupés sous les chapitres suivants : exécutions extrajudiciaires, violences sexuelles, violences physiques (mutilations), utilisation d’enfants soldats, enlèvements, travail forcé et pillages.

Suites aux négociations et aux multiples pressions exercées sur lui, le Rougeaud de Monrovia avait dû lâcher le pouvoir en août 2003. En échange, le Nigeria d’Obasandjo lui avait offert un exil doré en lui faisant la promesse qu’il ne sera pas poursuivi en justice.

Depuis, Taylor se la coulait douce dans sa cossue villa de Kalabar où il s’était réfugié avec son fabuleux trésor de guerre.

Mais cet exil doré va vite tourner au cauchemar au début de l’année 2006. L’ancien chef de guerre est rattrapé par son passé, les victimes de ses razzias en Sierra Leone demandent justice.

Soutenus par les gourous de la communauté internationale, les Etats-Unis et l’Union européenne notamment, le sort du dictateur de Monrovia était scellé.

Subissant à son tour de fortes pressions, Obasandjo a craqué et a admis non seulement l’éventualité mais aussi l’imminence de l’extradition de son hôte encombrant.

En se dédisant, le président nigérian voulait sans doute amadouer les puissants de ce monde, les caresser dans le sens du poil et les préparer ainsi à avaler la couleuvre du tripatouillage constitutionnel que lui et ses affidés mijotaient afin qu’il puisse briguer un 3e mandat.

Voyant qu’il allait être sacrifié sur l’autel des intérêts égoïstes de son hébergeur, l’exilé de luxe, sentant venir le roussi, a préféré se chercher comme on dit.

C’est ainsi qu’une nuit de mars 2006, il a pris la poudre d’escampette en direction du Cameroun. La cavale sera de courte durée car il est vite mis aux arrêts et expulsé en Sierra Leone via le Liberia.

Depuis, il a été inculpé officiellement et a opté de plaider non coupable. Restait maintenant à déterminer le théâtre du procès. Pour les autorités libériennes et sierra-léonaises, il n’est pas sage de faire juger sur place ce dictateur qui n’a pas encore perdu toutes ses capacités de nuisance, au risque de semer des troubles dans la région.

L’ONU les a suivies et le siège du Tribunal pénal international à la Haye a été retenu pour accueillir ce procès tant attendu.

Mais si les Pays-Bas sont d’avis que l’ancien chef de guerre soit jugé sur leur sol, ils ne sont pas favorables à ce qu’il y purge sa peine. Après des mois de tergiversation, le pays de Tony Blair s’est décidé à offrir à Taylor, s’il est condamné, une prison anglaise.

Ça y est ! On a l’accord de Londres et le procès peut maintenant commencer. C’est la raison pour laquelle l’accusé a été transféré de Freetown à la Haye et conduit immédiatement au centre de détention de Scheveningen où sont internés les détenus de la Cour pénale internationale (CPI) et du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie (TPI).

A Scheveningen, bon ou mauvais présage, Charles Taylor occupe la chambre laissée vacante par Slobodan Milosevic qui se serait suicidé selon la version officielle.

Maintenant il faut veiller à ce que le Rougeaud de Monrovia ne suive pas les pas de son illustre devancier. On espère que lui au moins restera bien vivant pour répondre de ses actes devant le TSSL délocalisé pour l’occasion.

Car s’il lui arrivait malheur, le centre de détention de la CPI aurait la réputation d’un mouroir, pire d’un haut lieu où on peut se suicider tranquillement. Et cela n’est pas bon car la justice internationale y perdrait de sa crédibilité.

Ce qui est sûr, c’est que Taylor a eu moins de chance que Hussène Habré, cet autre dictateur tchadien qui, avec la volonté de l’Union africaine, et du Sénégal, son pays hôte, est parvenu jusqu’ici à échapper à la justice belge.

Mais que voulez-vous, ils ne sont pas nés sous la même étoile. Mais espérons seulement qu’une fois pour toute que les puissants de ce monde parleront d’une même voix pour infliger des châtiments exemplaires à ces dictateurs qu’ils s’appellent Taylor, Habré ou autres.

Cela fera tache d’huile et permettra à nos républiques bananières ou cotonnières de s’ouvrir enfin à la gouvernance démocratique... pour un développement durable.

San Evariste Barro

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 22 juin 2006 à 13:57, par Traoré Gérard, Etudiant en médecine En réponse à : > Procès de Charles Taylor : Ça y est ! On a l’accord de Londres

    je profite de cet article pour réagir "naivement" sur le débat relatif au jugement des hommes d’Etats Africains hors du continent.
    A priori personne ne trouve un inconvenient à se faire évacuer en Europe pour se faire soigner quand les limites du système de santé en Afrique sont dépassées. Surtout pas les hommes politiques qui en usent et en abusent. Dans la même logique, il faudrait que nous acceptions de faire appel à la justice internationale quand notre système judiciaire montre ses limites.

    • Le 23 juin 2006 à 10:05, par Bambio Z. François En réponse à : > Procès de Charles Taylor : Ça y est ! On a l’accord de Londres

      Ce que vous affirmez n’est certe pas chimérique ; mais jusqu’à quand pensez vous que l’Afrique devra prôner ces limites ? Ne pensez vous pas que l’on devrait aussi s’habituer à traiter ce genre de problème car c’est comme cela que l’on devient mature( c’était pareil pour l’Europe de l’antiquité !).Pour les médicaments, je n’en disconvient pas ; mais en tant que scientifique et médécin tu n’ignore pas que ces produits pharmaceutiques émanent tous de la nature et que nous ne manquons pas de nature ici.Reste à valoriser cela et déterminer ce combat pour redorer le blason de notre chère afrique agonisante.Quand les touristes européens arrivent ils ne veulent plus vivre dans des hotels en villes ; ils préfèrent aller au fin fond de nos villages vivire ce qui n’a pas encore été profané ! savez vous pourquoi ?
      Je ne voudrais pas vous tenir la chandelle haute, mais si l’on doit toujours reporter ces responsabilités au calendes greques, nous n’y arriverons jamais.
      Merci frère pour ta contribution au débat, merci !

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