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Côte d’Ivoire : Toujours sous l’ombre menaçante de l’ivoirité

Publié le lundi 24 avril 2006 à 08h24min

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Laurent Gbagbo

A six mois de l’élection présidentielle (sous réserve que tout se passe bien), les vieux démons politico- militaro-diplomatiques, sur fond d’ambitions personnelles, de calculs politiciens, d’intérêts stratégiques et d’entêtement des acteurs impliqués dans la crise ivoirienne, refont surface.

En effet, réuni pour la 6e fois, le jeudi 20 avril, pour évaluer l’application de la feuille de route confiée au Premier ministre par la résolution 1633 des Nations unies, le GTI (Groupe de travail international) n’a fait que constater le retour des mêmes démons qui ont jusque-là entravé le retour à la paix en Côte d’Ivoire.

Si au passage, le GTI, qui regroupe au niveau ministériel, une dizaine de pays ainsi que des organisations sous-régionales et internationales, a fait, non sans raison, l’éloge de l’action du Premier ministre qui, dans cette mêlée confuse, a su maintenir à la surface des vagues en furie, un navire en perdition et habité par des passagers qui ne regardent pas dans la même direction, il n’a pas manqué de relever les risques d’impasse dans le fragile et relatif climat d’accalmie qui règne dans le pays.

En effet, à l’actif du Premier ministre, un "nouveau venu" dans la mare politique, qui peut légitimement se targuer d’avoir réussi à calmer la tempête où les autres professionnels de la politique ont littéralement échoué, on peut citer : la rencontre de Yamoussoukro, le 28 février 2006, entre les leaders politiques ivoiriens ; le séminaire gouvernemental dans la même ville ; la tenue d’un Conseil des ministres qui affichait complet ainsi que d’autres gestes qui, dans cette Côte d’Ivoire où l’on se regarde en chiens de faïence, sont chargés de symboles.

Autant d’indicateurs qui laissaient supposer la volonté de tous les acteurs politiques d’enterrer définitivement leurs divergences et d’être à l’écoute de l’immense majorité des Ivoiriens fatigués de faire les frais d’un conflit dont ils ne percevaient jusqu’à présent pas le bien- fondé.

C’est certainement séduite par ce nouvel esprit et par la nouvelle dynamique de paix à mettre à l’actif du Premier ministre qui s’est comporté en homme au-dessus de cette mêlée confuse, que l’ONU s’est montrée favorable à l’envoi d’effectifs supplémentaires de Casques bleus en Côte d’Ivoire pour renforcer les mesures sécuritaires à même d’assurer le bon déroulement du processus électoral.

Quant au président en exercice de l’Union africaine, le Congolais Denis Sassou N’Guesso, qui, à juste titre, ne voulait pas être en reste et entendait inaugurer ses nouvelles fonctions en beauté, il a réussi, du moins sur papier, à arrondir les contours d’un conflit contre lequel beaucoup de médiateurs, à l’impartialité parfois sujette à caution, se sont brisé les reins.

Il s’agit de la question récurrente des deux processus de désarmement et d’identification des populations. En effet, au cours d’une rencontre qu’il a présidée et regroupant les cinq ténors ivoiriens, Sassou N’Guesso a obtenu de ses interlocuteurs que les opérations de désarmement et d’identification des populations soient menées concomitamment alors qu’auparavant, le camp présidentiel s’en tenait à un désarmement unilatéral des Forces nouvelles. Chose impensable il y avait à peine quelques jours.

Il s’agit donc d’une concession de taille, de la part des Forces nouvelles qui considéraient jusque-là ce geste comme un suicide tant que dans le camp présidentiel, on ne prenait pas la même initiative. Du côté du camp présidentiel, la même volonté de concessions semblait avoir prévalu. C’était sans compter avec les radicaux de l’entourage de Gbagbo dont les capacités de nuisance au processus de paix restent intactes.

La paix ne signifie-t-elle pas la fin de leur eldorado ? "Nous n’accepterons, ni identification ni élection tant que les rebelles seront armés", disent-ils de concert. Ce à quoi a ajouté en écho, l’envoyé spécial de Gbagbo auprès de Blaise Compaoré, qui, visiblement énervé à l’évocation du sujet, a dit "que dans toute république, il y a des forces légales qui sont autorisées à avoir les armes de la République.

L’armée est la seule institution non élue qui garantit la démocratie. Tous les autres qui ne sont pas habilités à avoir des armes, il faut que tous ceux-là désarment". L’auteur de ces propos devrait retourner sur les bancs de l’école de la démocratie parce qu’il oublie qu’en Côte d’Ivoire, on n’est plus dans une république aux normes universellement reconnues.

Par ailleurs, peut-on exiger des Forces nouvelles qui comptent en leur sein des militaires de carrière, de désarmer alors que les milices du camp présidentiel continuent à avoir pignon sur rue dans toute la Côte d’Ivoire ? Autant l’exigence des Forces nouvelles de voir tous leurs effectifs incorporés dans l’armée nationale est irréaliste, autant la volonté du camp présidentiel de garder une armée nationale infiltrée par des éléments étrangers pour ne pas dire des mercenaires est inacceptable.

En réalité, derrière l’attitude de Laurent Gbagbo, coutumier des volte-face, des retournements de veste et champion de la politique de l’autruche, plane toujours l’épée de l’ivoirité qu’il sort de son étui pour refuser le recensement de la population. Il soupçonne en effet ses adversaires de vouloir recenser des étrangers pour en faire une arme électorale qui lui ravirait la victoire lors de l’élection présidentielle.

Dans ces conditions, il serait utopique de croire au désarmement des esprits, condition première à l’événement d’une véritable paix en Côte d’Ivoire. A moins que la communauté internationale ne cesse ce tango d’un pas en avant et de deux pas en arrière lorsqu’il s’agit de mettre la pression sur le pouvoir ivoirien.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 27 avril 2006 à 01:24 En réponse à : > Côte d’Ivoire : Toujours sous l’ombre menaçante de l’ivoirité

    Cher ami,

    Votre article sur la Cote d’Ivoire est tres bien ecrit et bien pense’. Vous avez analyse’ les contours de la crise. Je vous reproche seulement de n’avoir pas compris les vraies raisons de la crise meme (a moins que vous ne soyez de mauvaise foi).

    Il est evident pour tous que Laurent Gbagbo joue avec le temps. Il a compris que ses allies le defendraient si la France venait a faire un mauvais mouvement contre lui. Il joue donc le scenario angolais : tant que le pays est divise’ il n’y aura pas d’elections et Gbagbo continuerait la presidence. Ce scenario, qui apparement arrange Gbagbo, ne derange pas du tout la France et Blaise Compaore. Le pays du cynisme (France) et le chef "President-idiot" (Compaore’) qui s’allient pour detruir un pays ne vont se reposer que si leur objectif est atteint. Pour l’heure les deux destabilisateurs profitent de la crise ivoirienne pour s’enrichir illicitement. Le Burkina est devenu champion en exportation du cacao vers la France qui, nous le savons tous, prend son temps a essorer la Cote d’Ivoire de ses richesses naturelles.

    Aussi, Il est evident que les rebelles de Guilaume Soro ne deposeront les armes que s’ils ont gain de cause sinon, pourquoi alors avoir pris les armes ?
    La verite’ est que ceux qui souffrent le plus sont les popoulations ivoiriennes. Il faut penser a elles et non a une quelconque ivoirite que, nous le savons tous, Gbagbo n’a pas creee. Henri Konan Bedie, le president-courtaud est celui-la meme qui a cree’ le concept d’ivoirite. Vous le savez aussi bien que moi.

    Bref, des elections claires et indiscutables peuvent sauver la Cote d’Ivoire de l’impasse actuelle. Mais croyez-vous que des imbeciles qui ont pris des armes contre leurs propres freres ne les reprendront-ils pas s’ils perdent les elections ? Croyez-vous que la France de Chirac laissera Gbagbo reprendre les renes du pouvoir en Cote d’Ivoire sans garantir les interets de Paris ab eternam ? Ne soyez pas naif, cher ami, et voyez en la lutte armee en Cote d’Ivoire, non une gueguerre pour defendre l’ivoirite mais plutot une guerre d’emancipation politique et economique. Il est vrai que une frange de la population s’est sentie frustree et laissee pour compte. Mais, pensez-vous que tuer des innocents (dont sept membres de ma propre famille, enfants et femmes compris) peut resoudre des problemes d’identite’ ? La crise en Cote d’Ivoire ne va se resoudre VRAIMENT que lorsque la France aura retire’ son soutien a la rebelion. Et ce n’est pas demain la veille. C’est ca la verite’.

    Sylvain Poosson

    Virginia, USA

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