Lefaso.net : Qu’est-ce qui vous a motivé à créer cet évènement culturel ?

Moussa Dembélé : Fitini Show à la base, c’est une activité socio-culturelle et éducative destinée aux enfants pendant les vacances scolaires. Donc c’est une activité qui permet aux enfants de se retrouver, de passer des vacances utiles et agréables, de pouvoir avoir un espace d’expression culturelle et de découverte de talents. Le but essentiel c’est pendant les vacances, trouver un espace où les enfants pourront s’égayer, s’amuser, passer de bonnes vacances et on profite comme ça mobiliser beaucoup de monde, pour passer des messages de sensibilisation sur le droit des enfants, la protection des enfants, sur certaines thématiques qui permettent d’améliorer les conditions des enfants ou bien qui peuvent tirer quand même des sonnettes d’alarme sur des problèmes sinon des thèmes de société qui sont liés aux jeunes et même aux parents.

Qu’est-ce qui vous a motivé à créer cet évènement culturel ?

En cette année 2023, ça fait 24 ans que Fitini Show existe. Ce qui nous a le plus motivé, c’est qu’au départ on avait constaté qu’il y avait un vide par rapport à ce genre d’activité destinée aux enfants. Donc nous nous sommes inspirés de certaines activités qui se passent dans d’autres pays notamment Wozo vacances en Côte-d’Ivoire et nous avons essayé de voir comment on pouvait l’adapter au Burkina Faso parce qu’on a constaté que pendant les vacances beaucoup d’enfants n’arrivaient pas à trouver un espace où ils pouvaient exprimer leurs talents, où ils pouvaient se retrouver et s’amuser, donc l’idée est venue de là.

Ce n’était pas facile au départ parce qu’ il y avait quand même un certain nombre d’activités liées aux plus grands qui nous faisaient un peu de l’ombre, mais avec le travail et la persévérance, nous sommes arrivés avec le temps à imposer Fitini Show. Aujourd’hui, Fitini Show est devenu je dirais, la plus grande activité qui mobilise le plus pendant les vacances scolaires au profit des enfants. Quand on a commencé Fitini Show quelques années après, nous avons créé Déni Dêmê parce qu’on avait voulu que Fitini Show s’intègre dans un cadre formel, un cadre associatif, notamment une association qui porte le projet au lieu que ce soit des individus. Donc c’est toujours permettre aux enfants de se retrouver pour faire leurs promotions, qu’on ait un regard particulier sur les enfants et découvrir leurs talents artistiques.

Quelles sont les activités qui animent la période de déroulement de Fitini Show ?

Il y a cinq rubriques de compétitions qui sont : Les ballets chorégraphiques, les sketchs, les slams, les miss en tenues traditionnelles, et les imitations d’artistes.
Les ballets chorégraphiques, sont des ballets qui se basent un peu sur nos réalités culturelles, nos pas de danses culturelles. On invite les enfants à nous ressortir ces critères, à faire des recherches sur ce qu’on a comme expression culturelle chorégraphique au Burkina.

Ensuite, il y a les miss en tenue traditionnelle, Miss Soungourou Saramani qui permet de découvrir aussi la diversité en tenues vestimentaires du Burkina, comment on s’habille chez les Bwaba, chez les Senoufos, chez les Mossis, chez les Peuls… et moi, c’est la rubrique que j’aime le plus parce que je découvre beaucoup avec ça.

Promoteur de Fitini Show et président de l’association Déni Dêmê, association promotrice de Fitini Show

Il y a le slam parce qu’à chaque édition de Fitini Show, nous avons une thématique et sur la base de cette thématique, nous formons les enfants qui font du slam.
Il y a également les sketchs : Ce sont de petits théâtres de 5mn que les enfants montent sur également les thématiques que nous développons pendant Fitini Show.

Enfin, il y a les imitations d’artistes appelés Play back, où les enfants imitent les artistes burkinabè ou non burkinabè qui leur permettent de découvrir leurs talents, de se mettre dans la peau de ces artistes. Donc tout ça vraiment c’est pour donner le goût aux enfants de pouvoir découvrir l’art, la musique, leurs cultures, donc ce sont les différentes rubriques réellement qui abritent les différentes compétitions.

Il y a également les enfants déplacés internes qui sont pris en compte. Comment cela se passe-t-il concrètement ?

Il faut noter que les enfants déplacés internes participent gratuitement à Fitini Show parce que nous avons un certain nombre de partenaires qui nous accompagnent à mobiliser les tickets, et donc nous les faisons participer gratuitement. Nous avons une tribune qui leur est dédiée, on va les chercher, on essaie de trouver un peu de sandwichs pour les restaurer et ensuite ils participent à Fitini Show. A la fin on va les déposer là où on les a pris pour qu’ils puissent retrouver leurs familles et tout ça est fait gratuitement pour eux.

Pour le moment, nous sommes dans une phase de participation des enfants déplacés internes. Ça veut dire que nous essayons de passer par des structures comme le ministère de l’Action sociale, la direction provinciale de l’action sociale, les arrondissements, des associations plus spécialisées pour mobiliser ces enfants déplacés internes à participer à cet événement. Quand je dis participer, c’est venir assister au spectacle, s’amuser, s’égayer, avoir un peu de joie, qu’ils soient un peu contents comme les autres pendant les vacances scolaires, c’est ce qu’on appelle aussi l’inclusion. Donc nous sommes pour l’instant dans cette phase. Mais nous sommes également en train de réfléchir, voir comment on pourrait mieux former ces enfants, comment on peut les encadrer pour qu’ils passent de simples participants de spectacles à acteurs c’est-à-dire à compétir aussi dans les différentes rubriques de compétitions. Cela demande qu’on ait des formateurs, qu’on les encadre qu’on trouve les moyens pour pouvoir le faire.

Ces enfants sont dans une situation très difficile, il y a beaucoup de personnes et enfants déplacés dans notre zone, donc il est important qu’on ait un regard sur ces enfants parce qu’ils ont aussi besoin d’amour, d’affection, ont besoin qu’on puisse être à leurs côtés. C’est une façon pour nous de les mettre aussi dans l’ambiance de Fitini Show, avec leurs frères, pouvoir leur donner de la joie et aborder l’année scolaire avec plus de sérénité.

Qu’apporte spécifiquement Fitini Show à l’enfant ?

Fitini Show c’est d’abord l’éveil. Il éveille surtout les enfants, leur apporte de la joie, et permet aussi de découvrir beaucoup d’enfants. Je pense personnellement que ça les sensibilise aussi à travers les différentes thématiques comme par exemple lorsque les enfants reprennent en chœur « Ne m’appelez pas Madame avant 18 ans ». Quand un enfant dit ça, ça veut dire qu’il a retenu quelque chose même si cela peut paraître banal. Ça permet aussi aux enfants de passer des vacances utiles et agréables et les met dans de meilleures dispositions pour affronter la rentrée scolaire. Ça permet également de stimuler chez l’enfant le civisme, d’être un bon citoyen de demain, un leader, ça l’éveille parce que quand l’enfant fait un Play back devant plus de 3 000 enfants, ça lui permet de faire beaucoup d’autres choses. J’ai beaucoup de retours d’enfants qui étaient à Fitini Show au début et qui sont aujourd’hui médecins, qui travaillent dans les banques…, ça fait 24 ans c’est une fierté. Ça apporte quelque chose de psychologique à l’enfant, ça apporte de la joie, de la gaité, de l’épanouissement aux enfants.

Quel bilan faites-vous après une vingtaine d’années d’existence ?

Comme bilan, on est assez satisfaits parce que je pense qu’aujourd’hui on a pu sur le plan culturel imposer Fitini Show comme une très grosse activité. On a pu quand même donner du plaisir à des millions d’enfants ici au Burkina et même à l’extérieur pour ceux qui regardent Fitini Show à travers certains medias. On a pu asseoir notre association, on a pu avoir de la crédibilité, on a pu aujourd’hui former des enfants, on a pu venir en aide à beaucoup d’enfants, et vu tout cela, le bilan est positif parce que la plus grande chose qu’on puisse avoir, c’est de voir en retour comment les enfants sont contents, comment les parents sont contents, comment aujourd’hui l’enfant a pu grandir dans de meilleures conditions. J’ai plein d’anecdotes aujourd’hui ou plein de retours qui font ma fierté. Donc aujourd’hui on peut dire qu’en termes de bilans, on est assez satisfaits même si ce n’est pas facile car Fitini Show a atteint un niveau où pour mobiliser les ressources, ce n’est pas simple.

Par ailleurs On ne peut pas dire que financièrement nous nous sommes enrichis mais Fitini Show nous a permis d’être connus, d’ouvrir d’autres portes qui font que spécialement aujourd’hui on s’en sort.

Donc globalement on est satisfaits mais il y a encore des difficultés à toujours mobiliser de l’argent, des difficultés pour une meilleure salle…

L’endroit mythique du déroulement de Fitini Show est le Théâtre de l’amitié, sachant que ce n’est pas une salle de spectacle couverte, comment faites-vous avec les enfants en cas de pluie ?

C’est compliqué. Ça fait 24 ans mais on ne trouve pas toujours de solution. Il faut qu’on puisse couvrir le Théâtre de l’amitié parce que quand il pleut on est triste pour les enfants. Par exemple le dimanche 20 août 2023, il a plu et ce n’était pas une petite pluie, c’était même un orage. Dans ces situations, on essaie d’abord de sécuriser les enfants au mieux, après on reporte. Mais ce n’est jamais agréable et c’est parce qu’on n’a pas une salle adaptée. La Maison de la culture est couverte mais beaucoup moins grande que le Théâtre de l’amitié. Déjà qu’on n’arrive pas à contenir tout le monde au niveau du Théâtre de l’amitié, ce serait encore plus compliqué d’aller à la Maison de la culture et les chaises là-bas ne sont pas adaptés aux enfants.

Vue aérienne des spectateurs à Fitini Show (ARCHIVES Facebook Fitini Show)

Donc nous voulons que le Théâtre de l’amitié ce soit toujours cette salle mythique, ça fait aussi partie de l’apprentissage des enfants. On me dira peut-être que je ne dois pas dire cela mais je me dis Fitini Show, c’est tout ça. Beaucoup sont passés par là, ça fait plusieurs années qu’on le fait, c’est souvent la pluie, le soleil mais malgré tout ça, ça n’entache pas la volonté des enfants, ni celle de l’équipe d’organisation. Quand on organise toujours Fitini Show, il y a toujours de l’engouement. Ça veut dire que malgré ces désagréments, ce qui est important pour nous, c’est que les enfants puissent s’égayer, s’amuser, passer de bonnes vacances.

Cela signifie-t-il donc qu’il n’y a pas de solution future envisageable pour couvrir le Théâtre de l’amitié ?

Au niveau de Fitini Show ça va être compliqué surtout pour Déni Dêmê en tant qu’association ça va être difficile. On a déjà pu approcher certaines structures telles que la Fondation Orange qui doit réhabiliter un certain nombre de choses mais qui ne peut pas le couvrir. Il faut une vraie volonté politique, il faut des partenaires qui soient vraiment disponibles, de gros partenaires disponibles, l’Etat, la commune, les opérateurs économiques. On se mobilise vraiment pour essayer de couvrir le Théâtre de l’amitié, que ce soit une infrastructure qui réponde à toutes les exigences qui permettent d’exprimer la culture dans sa noblesse. Mais à notre niveau, ce ne serait vraiment pas évident, mais nous faisons toujours le plaidoyer.

Quelles sont les innovations en vue pour porter encore plus loin Fitini Show ?

Je pense qu’il faut qu’on aille encore plus loin avec Fitini Show. Il faut qu’aujourd’hui nous ne nous arrêtions pas seulement à l’aspect divertissement culturel, sensibilisation. On peut pendant Fitini Show par exemple faire des campagnes de vaccinations, des campagnes d’accompagnement des enfants déplacés internes sur le plan éducatif, sur le plan social, on peut créer un centre de santé Déni Dêmê pour être plus utile aux enfants qui en ont besoin, donc on a beaucoup d’idées.

Je pense qu’en termes d’innovations, beaucoup de choses peuvent se greffer autour de Fitini Show, c’est pour ça que nous sommes en train de réfléchir pour voir s’il faut passer au statut d’ONG puis à une fondation pour peut-être être plus utiles encore aux enfants. Donc en termes d’innovations, on essaie toujours de faire mieux, de former plus les enfants, de leur donner plus de joie. On peut aller plus loin dans d’autres zones, parce qu’il faut que Fitini Show s’ouvre à toutes les 13 régions du Burkina, que ce soit beaucoup plus grand, que ce soit une émission, que ce soit vu comme une émission des vacances pour tous les enfants du Burkina comme c’est le cas à Wozo Vacances. Il y a beaucoup de choses à faire en termes d’innovations et je pense qu’après 24 ans, on peut créer des activités génératrices de revenus, faire des cahiers, des sacs, qui puissent mobiliser des ressources pour l’association, il y a tout ça qu’on peut voir.

Quel est votre dernier message ?

Je prie Dieu d’abord que la paix revienne au Burkina, ça c’est le plus important, qu’il y ait la cohésion sociale, qu’il y ait le vivre ensemble. Je prie Allah en tout cas que chaque Burkinabè puisse être en paix et j’invite les parents à continuer à nous faire confiance. Je dis un grand merci à tous les parents du Burkina, à tous les enfants du Burkina qui ont permis à Fitini Show d’être au niveau où il est aujourd’hui et nous espérons que nous allons continuer nous, de jouer notre partition, de faire notre mission, de donner de la joie et de la gaîté à ces enfants, à ces parents, à tous ceux qui participent à Fitini Show. On demande toujours à nos partenaires de continuer à nous soutenir davantage pour que nous puissions aussi faire davantage pour les enfants. C’est ce message de paix, d’amour, de travail, et puis ce message de remerciements à l’endroit de tous ceux qui aident Fitini Show que je tiens à faire passer.

Haoua Touré
Lefaso.net