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Jacques Chirac : 73 ans et une atmosphère de fin de règne

Publié le jeudi 1er décembre 2005 à 07h51min

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Jacques Chirac

Marcel Dassault, l’avionneur français, le père des Ouragan et autres Mystère et Rafale, savait-il seulement qu’en parrainant un jeune homme nommé Jacques fils d’Abel-François Chirac, son banquier, il formait pour la France, un président de la République ?

Certains biographes répondent par l’affirmative, notamment l’ancien journaliste du Canard enchaîné, Henri Deligny, dans "Chirac ou la fringale du pouvoir" et Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadre dans "Les frères invisibles".

En tout cas, que ce soit son épopée laborieuse de travail de plonge effectuée en 1953 aux Etats-Unis pour payer certains manquants de son cycle universitaire d’été à la Harvard Business School, ou son stage d’initiation à la marine marchande sur le petit charbonnier dénommé le capitaine Saint-Marin, ou encore ses premiers pas dans la politique, le petit corrézien a toujours été sous l’ombre de mentors tels George Pompidou, Pierre Juillet, éminence grise de Pompidou, et surtout Marcel Bloch-Dassault, qui fut présenté à tort ou à raison, comme la principale icône du lobby militaire-industriel français des années 30.

C’est d’ailleurs Dassault qui le fera nommer en 1962 à 21 ans (déjà jeune énarque) comme chargé de l’aéronautique, des transports, de la construction et de l’aménagement du territoire dans le cabinet du Premier ministre Pompidou. Depuis donc 50 ans, Jacques Chirac est aux affaires.

Il a dirigé la mairie de Paris pendant 25 ans et est entré au gouvernement en 1967 ! C’est véritablement une bête politique, qui a une connaissance hors pair de l’Etat, qui a survécu "aux affaires" et a triomphé de ses ennemis politiques.

Les différentes épreuves qu’il a traversées mettent en relief qu’il n’a jamais été aussi à l’aise que lorsqu’il a le dos au mur, confirmant la croyance selon laquelle, personne ne peut déloger l’actuel maître du château, nom donné à l’Elysée.

Et pourtant depuis 2002, et surtout en 2005, Chirac, qui a fêté ses 73 ans le 29 novembre dernier, montre des signes d’essoufflement ( ?) politique. Réélu président en 2002 alors que la date du 21 avril de cette même année marquait véritablement un désaveu de sa politique, Chirac jouit d’un pouvoir présidentialisé sans partage.

Ayant refusé pendant longtemps l’instauration du quinquennat, il va le faire adopter en 2000 par référendum... et par pur calcul opportuniste, rien n’étant gratuit en politique.

Il redoutait alors que les Français soient réfractaires à donner leurs voix pour un homme atteint par la limite d’âge, car de 2002 à 2009, il aurait eu 77 ans. Alors, pour Chirac, à la guerre comme à la guerre, autant jouer sur ce registre, et pour 5 ans, il aura 75 ans en 2007.

L’âge du capitaine ! Voilà le sujet qui alimente, même si c’est de façon abusive, les débats politiques. Encore qu’en 2002, Lionel Jospin avait clairement traité Chirac de "vieux", ce qui s’était retourné contre l’ex-premier ministre socialiste, car dans un pays où l’espérance de vie crève le plafond, cela est de mauvais aloi. Cependant, c’est connu, la santé du chef de l’Etat qui est un sujet tabou en France traverse les esprits.

Cette sorte d’omerta est une des nombreuses survivances monarchiques présentes toujours dans la démocratie française. Rarement, en une décennie de pouvoir, l’Elysée n’a publié ni bilan de santé, ni communiqué y relative sur Chirac.

Excepté, il y a deux mois, l’accident vasculaire qui a contraint le locataire du château à une hospitalisation. Ce silence radio est un terreau favorable à tous les ragots et on se rappelle par exemple l’épisode de la fameuse prothèse auditive que portait le chef de l’Etat français.

Cet état de fait repose avec acuité la question de la limite d’âge pour postuler à cette fonction suprême, dans un pays qui a fixé à 65 ans la limite d’âge des PDG des entreprises publiques. Si à 73 ans Jacques Chirac veut rempiler pour un autre mandat en 2007, nombreux sont les Français parmi lesquels ses adversaires politiques qui ne manqueront pas de brandir cet "handicap" comme un argument politique de poids.

Il a certes "une qualité, il est en bonne santé" comme le dit Valery-Giscar D’estaing, mais le temps aussi a fait son œuvre. Mais au-delà de l’âge, il y a aussi l’ambition de certains hommes politiques, surtout dans son propre camp à l’UMP notamment, fille de "son" RPR qui veulent le pousser à la porte.

Sur ce sujet, on pense à Nicolas Sarkozy, dont les ambitions présidentielles sont aussi visibles, que le nez sur un visage. Chirac avait créé le RPR, parti gaulliste, pour des visées élyséennes, ce pour lequel il y est parvenu.

L’adoubement le 28 novembre 2004, lors du congrès du Bourget, de Nicolas Sarkozy répond à la même logique, puisque l’actuel locataire de la place Beauvau, en s’emparant de l’UMP, possède désormais un trésor de guerre (des millions d’euros) et surtout une machine électorale, qui peut s’avérer un marche-pieds vers... l’Elysée.

"L’homme pressé" qu’est l’actuel ministre de l’Intérieur devra tempérer pourtant ses ardeurs, policer son discours, s’il veut vraiment enfiler le costume de président de la République, et surtout s’il veut que son électorat ne soit pas dégoutté.

Les récents événements dans les quartiers défavorisés de France, et le langage sarkozien qui s’en est suivi ont été préjudiciables à "l’homme court". Comme le faisait remarquer quelqu’un, "le Karsher et la racaille" sont à proscrire de la bouche d’un présidentiable.

Sarkozy devra également faire attention aux évidences, car Chirac, "le tonton flingueur", a plus d’un tour dans son sac, il a aussi tout de même le pouvoir et ce jusqu’en 2007, et la phrase : "Sarkozy sera mon dernier scalp" n’est pas à prendre à la légère venant de Chirac.

Enfin, la position de ce dernier demeure la grande inconnue politique : se présentera-t-il en 2007 ou non ? La logique biologique et politique, affirment certains analystes politiques, incitent à une retraite, mais de la part d’un homme dont la profession est "homme politique", y a-t-il une vie après la gestion des affaires ?

Dans ce cas, qui va-t-il positionner pour lui succéder ? On pense à Dominique Galouzeau de Villepin, le premier ministre, qui peut faire l’affaire, mais qui doit convaincre davantage les Français, vu qu’il n’a jamais eu de mandat électif pour s’exercer.

Or la droite française aujourd’hui écartelée entre Chirac et Sarkozy a surtout besoin d’un homme pour contrer la gauche à la présidentielle de 2007, une gauche qui, il est vrai, brille pour le moment par sa kyrielle de candidatures à la candidature pour cette échéance.

A 73 ans donc, Chirac, qui semble ne plus maîtriser son monde à l’intérieur, s’agrippe à l’Europe où son aura est encore intacte, encore qu’avec l’arrivée d’Angela Markel, le couple Franco-allemand risque d’en prendre un coup. En Afrique, également l’influence française a reculé.

Véritablement, l’enfant terrible du Corrèze, à deux ans de la présidentielle, est confronté à de sérieux dilemmes. Mais est-ce l’hallali politique ?

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 23 octobre 2006 à 19:31, par Babylone En réponse à : > Jacques Chirac : 73 ans et une atmosphère de fin de règne

    Abel François Chirac s’est trouvé sur le chemin de Marcel Dassault parce que celui-ci avait absorbé la société des établissements Henry Potez, un autre célèbre avionneur, auprès duquel la banque Lazare l’avait placé. Plus tard, il poursuivit ses fonctions en tant qu’administrateur chez Dassault, poste plus honorifique que réel dans lequel il fut maintenu par M. Dassault par fidélité à son viel ami Potez. Abel François passait peu de temps au siège de la société de Potez avenue Klébert, ombre de lui-même, il semblait ne pas pouvoir se sortir d’on ne sait quel drame personnel.

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