Ce match conclu par un nul vierge a mis en lumière non seulement le tonus des Bleus, mais aussi et surtout la cohésion d’un groupe multiculturel.

Pourtant, quelques jours plus tôt, tandis que les bleus se préparaient en Martinique à rencontrer en match amical la sélection costaricaine, le capitaine et défenseur, Lilian Thuram, s’est illustré bien loin cette fois de la pelouse. Alors que la France semblait sombrer dans le chaos, ce dieu du stade, porté aux nues au Mundial’98 pour avoir mené les Bleus à La finale grâce à son but contre la Croatie, était en effet très remonté : « Je ne suis pas une racaille, moi ! » s’est- il écrié devant un parterre de journalistes médusé devant un tel courroux. Le défenseur originaire d’une banlieue métropolitaine répondait ainsi aux propos jugés provocateurs du ministre de l’Intérieur, le très médiatique Nicolas Sarkozy, qui avait qualifié de racaille la jeunesse révoltée des cités, mettant ainsi le feu aux poudres.

Depuis, dans certains quartiers, les mesures d’état d’urgence semblent avoir porté des fruits. On a en effet noté une certaine accalmie sur le front des émeutes, même si la violence n’a pas totalement disparu du paysage hexagonal : ce week-end encore, des véhicules ont été incendiés, les forces de l’ordre et les soldats du feu ont été attaqués à coup de caillasse dans ce qui ressemble à une véritable guérilla urbaine.

Et pour ne rien arranger, le ministre qui, depuis, s’est érigé en défenseur des victimes de cette violence, loin de calmer les choses, a rajouté une bonne rasade de sauce piquante à un cocktail déja ultra explosif. Sur le plateau d’une chaîne de télé nationale, l’élu de droite a soutenu mordicus ses affirmations pourtant jugées provocatrices par une bonne partie de l’opinion : "Ce sont des voyous, des racailles, je persiste et signe !"

Malgré le retour progressif du calme, un tel langage, s’il a l’avantage de marquer les esprits quant à la nécessité de se mobiliser contre la recrudescence de la délinquance, ne fait que creuser la fracture entre deux mondes désormais opposés : d’un côté, "les braves gens qui veulent avoir la paix" soutenus par le superministre et de l’autre le camp des irréductibles natifs des cités, ces "voyous et autres racailles" révoltés par des décennies de pauvreté et d’exclusion et qui, à l’image du capitaine des Bleus, n’ont pas du tout digéré la rhétorique incendiaire du futur candidat à la présidentielle de 2007.

L’Observateur Paalga