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Scrutin du 13-novembre : Et s’il y avait ballottage ?

Publié le vendredi 11 novembre 2005 à 09h11min

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Dimanche, nos compatriotes vont aux urnes pour l’élection d’un président du Faso. Si dans les annales de la IVe République ce sera pour eux la troisième fois pour eux d’accomplir ce devoir citoyen de première importance, ce sera bien la première fois dans les mêmes annales, que l’élection à la plus haute charge de l’Etat n’est pas assombrie par la clameur des boycotteurs actifs ou l’inertie des indifférents.

Le premier décembre 1991 en effet, au motif de n’avoir pas obtenu une conférence nationale souveraine alors à la mode, des générations entières d’hommes politiques que les régimes d’exception avaient pourtant condamnés à l’hibernation, sinon à leur belle mort, avaient benoîtement pratiqué la politique de la chaise vide.

Ils manquaient ainsi l’occasion historique de prouver par les urnes que la légitimité populaire se trouvait bien du côté de ceux-là que la loi des armes avait réduits au silence. Il en résulta la victoire sur tapis vert de Blaise Compaoré, alors candidat de l’ODP/MT et unique aspirant au trône.

Certes, ce ne fut point un plébiscite, à considérer le taux de participation catastrophiquement bas ; mais même mal élu, Blaise Compaoré n’en a pas moins acquis des cartes maîtresses, grâce à quoi, par la suite, il a mieux assis son pouvoir et modelé à sa guise le paysage politique, tel que certains le déplorent aujourd’hui.

Léger mieux en 1998 où le scrutin du 15 novembre a enregistré, aux côtés du président sortant, deux nouveaux partants. Cette fois également, ce fut sous les huées, les quolibets et les sarcasmes de la frange la plus représentative de l’opposition, qui avait tourné casaque devant l’épreuve des urnes, argument pris de la non-indépendance, selon elle, de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Et voici dimanche prochain, le 13 de l’année présidentielle 2005, il y a un pléthore de prétendants.

Mais pléthore pour pléthore, nous préférons, et de très loin, cette forêt de postulants au désert de 1991 ou au Sahel de 1998. Pour nous être associés en 1991, et à notre façon, au chœur des boycotteurs et avoir perçu par la suite le désastre pour notre jeune démocratie, nous sommes revenus à la conviction que la culture de la chaise vide porte rarement des fruits.

C’est pourquoi nous nous réjouissons, avec tant d’autres, que l’essentiel des sensibilités et des hommes qui structurent aujourd’hui l’échiquier politique national se soient retrouvés dans les starting-blocks pour la course à la magistrature suprême, même si avec tant d’autres également, nous déplorons que l’opposition n’ait pas réussi le miracle d’une candidature unique. Nous convenons enfin que les onze challengers de Blaise Compaoré ne sont pas porteurs chacun d’un projet de société distinct, à quelqu’exception près.

Que ce soit à travers leurs programmes, ou ce qui en tient lieu, ou qu’il s’agisse du procès qu’ils instruisent contre leur adversaire commun, ils se ressemblent en effet comme des clones qui auraient tout gagné à fédérer rationnellement leurs forces face aux moyens hollywoodiens de celui qu’ils veulent à tout prix empêcher d’occuper le nouveau palais de Kosyam, fleuron de Ouaga 2000.

N’empêche, nous devons nous féliciter de ce que cette fois, et pour une fois, tout ce que ce pays compte de politiquement organisé soit au rendez-vous, à l’exception bien sûr de l’UNDD d’Hermann Yaméogo. Les raisons de notre satisfaction ?

Il faut d’abord éviter de céder à cette fatalité qui veut que l’élection soit déjà gagnée par qui on sait. Non, rien n’est joué à l’avance, même si, évidemment, le sortant peut compter, comme on le voit un peu partout, sur un certain vote légitimiste et sur bien d’autres atouts. Mais il ne faut pas oublier que ses adversaires ont eu trois semaines pour combler leur handicap, qui par leur stratégie du porte à porte qui par leur gestuelle révolutionnaire, qui par leur style iconoclaste et franc-parleur.

Qui nous dit donc que les chiffres ressortis des deux sondages de Fasobaromètre (1) ne s’en trouveront pas bouleversés ? Qui nous dit que tel candidat passera dès le premier tour ? Qui nous dit qu’il n’y aura pas ballottage ? Mais à supposer même que, comme on dit, le match ait été plié avant même d’avoir été joué, chaque candidat sortira gagnant à sa manière de cette joute présidentielle.

Chacun y gagnera à tout le moins en visibilité sinon en notoriété, toutes choses dont les sondages précités avaient fait ressortir le déficit chez la plupart des concurrents. De même que leur participation aux législatives de 2002 a modifié la représentation nationale à l’Assemblée, de même on peut penser qu’au sortir de ce 13 novembre, une nouvelle pépinière de présidentiables va pousser pour les quinquennats à venir.

Sans compter le bénéfice immédiat que chacun pourra engranger lors des municipales de février 2006. Autre motif de satisfaction, c’est par des scrutins consensuels et ouverts comme celui qui nous attend dimanche, que va s’affirmer de plus en plus l’ancrage d’une vraie culture démocratique, ce système dans lequel la dévolution du pouvoir se fait par les urnes et non par les armes.

Comment oublier également qu’à la faveur de cette présidentielle, nous avons assisté à des débats politico-juridiques de haute volée qui ont mis tous les profanes en contact de notions jusque-là réservées à une élite spécialisée : théorie de la non-rétroactivité des lois, de leur effet utile ou immédiat, procédés quasi logiques d’interprétation, raisonnement a fortiori, etc.

Quid de la presse dans tout ça ? Pour notre part, nous avons en tout cas opté, pour nos lecteurs et pour l’Histoire, de ne pas nous dérober à notre devoir de journaliste, celui d’informer quelles que puissent être les circonstances. Et donc de "couvrir" cette campagne qui s’achève, comme du reste nous l’avons toujours fait, quitte à essuyer les tirs nourris des hommes politiques qui, c’est bien connu, préfèrent battre leur coulpe sur la poitrine des hommes de médias.

Ce faisant, c’est, nous pensons, un surcroît d’expérience dans la médiatisation des grands événements, et avec nous tous ces confrères du public et du privé qui ont accepté, dans leurs limites respectives, de ne pas se soustraire à leur mission de service public.

Pour tout le monde, c’est donc tout "bénéf" et s’il y a quelque chose à souhaiter à la veille de ce scrutin, c’est que ce soit finalement la démocratie qui en sorte vainqueur au soir du 13 novembre, quel que soit celui qui aura eu la faveur des urnes.

L’Observateur

Note :

(1) : Sondages conduits par le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) et ayant porté sur la ville de Ouaga (Fasobaromètre I) et l’ensemble du territoire national (Fasobaromètre II).

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Vos commentaires

  • Le 11 novembre 2005 à 23:10, par Un Burkinabé de France En réponse à : > Scrutin du 13-novembre : Et s’il y avait ballottage ?

    Arrêtez de nous distraire car il n’y aura pas de ballottage. Vous êtes bien placés pour savoir que si une telle situation se présente, Compaoré perdra le 2è tour. Raison pour laquelle il met tous les moyens en oeuvre, y compris ruiner le pays qui va déjà mal, pour se faire élire au 1er tour.

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