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Fin de règne en Afrique : Le destin peu enviable des chefs d’Etat

Publié le mercredi 24 août 2005 à 07h12min

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Quelle vie après les palais dorés des présidences, pour les anciens chefs d’Etat africains ? Beaucoup d’entre eux, craints et vénérés hier, ont été contraints à l’exil, loin de leur terre natale, s’ils n’ont pas été traînés, ou menacés de l’être, devant les tribunaux, une fois le pouvoir perdu.

L’ancien président libérien, Charles Taylor, qui a abandonné le pouvoir, le 11 août 2003, est exilé à Calabar au sud du Nigeria. Hissène Habré, l’ex-président tchadien, vit lui aussi en exil au Sénégal depuis son éviction en 1990 par Idriss Deby.

Idem pour le Malgache Didier Ratsiraka qui, lui, est en terre française depuis juillet 2002, après plus de 20 ans de pouvoir. Ange Félix Patassé, chassé par le Général François Bozizé, a trouvé réfuge au Togo. Le dernier cas en date est celui du Mauritanien Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, qui vient de déposer ses baluchons au Qatar. Très loin le paradis d’après-pouvoir. Sur le continent, les exemples sont légion. Il n’est peut-être pas insensé de croire que c’est un phénomène propre à l’Afrique.

Une chose au moins dont il faut se réjouir : les coups d’Etat en Afrique sont de moins en moins accompagnés d’effusion de sang. Ils sont plus raffinés. C’est une bonne chose, ce d’autant que ces brusques changements de régimes permettent au moins aux présidents déchus d’avoir la vie sauve et de vivre, pour certains en tout cas, une retraite paisible, parfois même dorée.

Ceci étant, le recours à l’asile politique est-il honorable pour un chef d’Etat ? Ce destin est-il enviable ? Surtout que, comme des pestiférés, bon nombre d’entre eux sont interdits de séjour dans leur propre pays qu’ils ont bien souvent contribué à bâtir ? Quoi qu’on dise, cette retraite forcée à l’extérieur des présidents déchus est révélatrice de l’état de la démocratie sous leur régime. Les présidents africains devraient comprendre que c’est un risque qu’on prend à vouloir briguer plusieurs mandats, au-delà de ceux que leur autorise la Constitution.

Certes, il n’y a rien de scandaleux qu’un dirigeant aimé par son peuple, élu démocratiquement, veuille briguer autant de mandats qu’il le souhaite. Mais, l’Europe n’est pas l’Afrique, quand on sait que dans le continent noir les règles du jeu démocratique ne sont pas toujours respectées et que, finalement, tout ne baigne pas comme on voudrait le faire croire.

Sous nos tropiques en effet, les institutions de la République ne fonctionnent pas toujours comme il se doit. Les pouvoirs judiciaires ne convainquent pas toujours de leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs en place. Pour tout dire, les démocraties africaines sont taxées, parfois à juste titre, d’être au rabais. D’autant plus que les élections donnent très souvent lieu a des contestations diverses, parce que entachées d’irrégularités.

Aux fraudes électorales, il faut ajouter les violations répétées des Constitutions, la mal gouvernance, etc., qui sont autant d’entraves à la démocratie. Comment, dans ces conditions, où les règles du jeu sont modifiées à la hussarde et la démocratie prise en otage, souhaiter que les mandats soient illimités ? Autant accepter la perpétuation des tares des systèmes en place. Comment s’étonner, dans ces mêmes conditions, que les coups d’Etat répondent finalement à un désir d’alternance très largement partagé ? C’est peu dire qu’il faut établir de « véritables institutions démocratiques ».

Mais aussi et surtout, travailler à la limitation des mandats. Autrement, ce sera encourager le pouvoir à vie, le culte de la personnalité. Des chefs d’Etat africains, au terme de deux mandats, ont montré qu’ils n’étaient pas indispensables. Ils ont remis le pouvoir en jeu et se sont mis ensuite en retrait des affaires. S’en portent-ils plus mal ? Est-il d’ailleurs écrit, dans les Constitutions, qu’ils ne peuvent pas revenir aux affaires s’ils le souhaitent ? Le Bissau-Guinéen Nino Viera, le Béninois Mathieu Kérékou, le Malien Amadou Toumani Touré sont des exemples vivants de ces grands retours.

Même s’ils se comptent sur les doigts, des chefs d’Etat ont réussi une formidable reconversion, après s’être retirés volontairement de la scène politique. Ils font partie du club restreint des « démocrates africains ». Jerry Rawlings s’est reconverti dans l’humanitaire. Abdou Diouf s’est repositionné sur l’échiquier international en devenant, en 2003, Secrétaire général de la Francophonie. Alpha Oumar Konaré, l’actuel président de l’Union africaine, comme bien d’autres anciens chefs d’Etat encore, se sont mis au service de la paix et du continent. Leur rôle dans la résolution de nombreuses crises est déterminant.

On peut certes incriminer ces chefs d’Etat qui s’éternisent au pouvoir. Mais force est de constater que la France y a une grande part de responsabilité, surtout dans son pré carré. Car si certains dictateurs se sont accrochés à leur fauteuil, c’est aussi grâce à son soutien et à sa complicité. Elle qui, sans pour autant faire de l’ingérence, devrait dénoncer ces régimes dictatoriaux, se comporte plutôt en véritable fossoyeur de la démocratie, quand ses intérêts doivent être préservés coûte que coûte. La règle, on la connait, pour beaucoup de dirigeants africains, est de faire allégeance à l’Occident pour préserver leur pouvoir. Ceux qui ont refusé de s’inscrire dans cette logique ont fait long feu.

Il est de bonne guerre que les Occidentaux défendent leurs intérêts. Mais il appartient aux dirigeants africains, pour autant qu’ils aiment vraiment leur peuple, de ne pas perdre de vue les intérêts de leurs peuples.

Mais faut-il trop en vouloir à ces chefs d’Etat quand leur Etat a accédé à une pseudo souveraineté, jouit d’une indépendance factice en raison notamment de la domination sans faille des multinationales ? Les Etats africains se trouvent de plus en plus fragilisés par les institutions financières internationales, par des injustices mondiales de toutes sortes imposées par les grands de ce monde. La faiblesse des Etats africains s’inscrit dans la logique d’un ordre mondial inégalitaire.

C’est pourquoi, un rééquilibrage du système mondial est d’une grande nécessité. Evidemment, les Occidentaux ne peuvent pas l’accepter, eux qui sont jaloux de leur supériorité en tous domaines. Mais quid des élites africaines ? Par incurie ou par démission, ils n’ont pas toujours été capables de jouer leur rôle, préférant le confort et les compromissions au combat pour l’éveil et la consolidation des consciences citoyennes.

Le Pays

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