Noufou Ouédraogo (militant ADF/RDA) : « Gilbert Ouédraogo est très jeune »

La politique est un domaine complexe. Notre président Gilbert Noël Ouédraogo est très jeune. Même si l’opinion voulait qu’il se présente, il est trop jeune pour prendre le pouvoir des mains de Blaise Compaoré. Au congrès, nous nous sommes dit qu’il était mieux que l’ADF/RDA soutienne Blaise Compaoré parce que les autres partis de l’opposition ont abandonné notre parti depuis longtemps.

Je ne sais pas si c’est un dénigrement ou pas. Ils sont nombreux à avoir présenté des candidats. Mais s’il s’agissait de vrais partis d’opposition, ils seraient venus consulter leur chef de file d’abord avant de présenter leur candidature. Nos militants ne doivent pas se sentir fustrés et pour cela, nous allons leur expliquer pourquoi cette décision a été prise.

Amidou Ouédraogo (militant ADF/RDA) : « Gilbert a échoué »

Le Yatenga ne s’attendait pas à cette décision. Nous ne sommes pas d’accord avec le fait de soutenir Blaise Compaoré. C’est le président et le président d’honneur eux seuls qui ont pris cette décision. Ils n’ont pas pensé à la masse. Gilbert Noël Ouédraogo a échoué en partant avec Blaise Compaoré. Tout le monde le soupçonnait, mais il a commis l’erreur de se déclarer cette fois-ci. L’ambition de Gilbert, c’est d’être ministre. Mais il ne sait pas qu’il fait souffrir nos parents ici. Tout le monde est analphabète et les gens suivent Gilbert à l’aveuglette.

Madi Ouédraogo (militant ADF/RDA) : « Gilbert comme Wade »

Je suis entièrement d’accord avec la décision du congrès. Le pouvoir nous a tendu la main et nous ne devons pas laisser cette main tendue car, en politique, il faut souvent faire de la concession.

L’ADF/RDA n’est pas allée au CDP. La preuve en est que l’ADF/RDA est un parti qui a 46 ans. C’est aussi le seul parti ressuscité après le régime d’exception et c’est aussi le parti le plus combattu par le pouvoir. Voyez les cas de la CNPP/PSD, du GDR, du RSI ! Tous étaient de l’opposition radicale mais ils ont fini par rejoindre le CDP.
Cependant, l’ADF/RDA n’est pas encore dissoute dans le CDP. Mais il faut souvent être souple.

C’est comme le cas de Abdoulaye Wade, Président actuel du Sénégal. Au temps où il était opposant, il a parfois participé au gouvernement d’Abdou Diouf. Et cela ne l’a pas empêché de réussir l’alternance politique au Sénégal. Actuellement, vu aussi ce qui se passe en Côte d’Ivoire, il me semble tout à fait normal que nous soutenions notre Président actuel, à savoir Blaise Compaoré, pour sauver la paix sociale dans ce pays.

Du reste, nous soutenons uniquement la candidature de Blaise Compaoré et non le CDP. Mon souhait est qu’à la suite de la présidentielle, mon parti présente des candidats dans les communes. C’est l’alternance que nous voulons et peut-être que dans cinq ou dix ans, nous allons présenter un candidat à la présidentielle car il faut se dire que Blaise Compaoré ne va pas rester éternellement au pouvoir.

Adama ‘’Dupoum’’ Ouédraogo (citoyen) : « L’éléphant du RDA dans le parc animalier de Ziniaré »

Dans la mesure où la décision de battre campagne pour Blaise Compaoré émane du congrès de l’ADF/RDA, je ne peux que respecter ce choix souverain. Mais il faut reconnaître que c’est en même temps un coup donné en dessous de la ceinture à toute l’opposition, à toute la classe politique burkinabè et à notre démocratie.

C’est vrai que politique et morale s’excluent mutuellement, mais tout de même ! On ne vit pas seulement de pain. Le chef de file de l’opposition ne peut pas trouver une justification convaincante à ce jet d’éponge même si, semble - t-il, il a décidé de surseoir à la jouissance de ses prérogatives. Il est comme une locomotive derrière laquelle sont attelés les autres partis d’opposition. Dans ces conditions, Me Gilbert Noël Ouédraogo et les siens ne peuvent pas abandonner les autres à l’heure de la bataille pour s’engouffrer allègrement dans le giron de Blaise Compaoré et du CDP sous prétexte que c’est une décision responsable.

Je me demande quel dividende politique Me Gilbert pense-t-il récolter, quelle assurance a-t-il eue avec le pouvoir pour s’auto-flageller au lieu de saisir cette aubaine qu’est l’élection présidentielle pour s’affirmer et mériter véritablement son titre de chef de file de l’opposition ? Dans tous les cas, l’histoire retiendra que c’est Me Gilbert Noël Ouédraogo qui a attaché l’éléphant du RDA dans le parc animalier de Ziniaré.

Idrissa Diallo (Animateur radio) : « Une très bonne décision »

Je pense que Gilbert Ouédraogo et son parti ont su prendre une très bonne décision. Parce que si nous considérons la situation politique du Burkina Faso aujourd’hui, on constate qu’elle est plus que décevante. Imaginez-vous un pays comme le Burkina avec un corps électoral de moins de 8 millions et dont les responsables politiques se permettent d’aligner près de 14 candidats pour une élection présidentielle. C’est trop. Cela signifie que chacun veut se tailler une part du gâteau sans se soucier de ses militants, ces citoyens qui souffrent pour avoir le minimum vital. La décision n’est pas surprenante. Je pense que l’idée a été bien mûrie dès le départ. Et il faut reconnaître que l’ADF/RDA reste un grand jusqu’à demain au Burkina Faso.

Issouf Ouédraogo (bibliothécaire) : « Gilbert doit se faire un auto-procès »

Cette décision est suicidaire. Nous avons connu des vieux au sein de l’ADF/RDA qui ont toujours refusé de partir avec le CDP. L’avenir de l’ADF/RDA tout comme celui de Gilbert est sombre. Les revirements de ce genre en politique ont toujours payé négativement. Il serait intéressant pour Gilbert de se faire un autoprocès.

Djibrilou Diallo (habitant du secteur 13) :« Les hommes politiques sont imprévisibles »

C’est une décision qui m’a beaucoup surpris parce que je me disais qu’en tant que chef de file de l’opposition, il devait naturellement se présenter face au président sortant. Mais si lui-même vient dire de soutenir Blaise Compaoré, j’avoue que je suis déboussolé. Je vois déjà une division à l’horizon parce que je sais qu’il y a des gens à l’ADF/RDA qui ne vont jamais accepter de voter Blaise. Ces gens peuvent créer un autre parti. Quant à l’avenir politique du président de l’ADF/RDA, je ne saurais le prédire. Peut-être que lui seul sait ce qu’il fait. Les hommes politiques sont imprévisibles. Premièrement, ils ont chassé Hermann Yaméogo et aujourd’hui, on nous dit de voter Blaise Compaoré ; sûrement, il faut s’attendre à une autre surprise. Mais pour le moment il n’y a plus d’opposition au Burkina Faso.

Awa Ouédraogo (étudiante) : « Une grande surprise »

Franchement, je ne m’attendais pas à ce qu’il se range du côté du parti au pouvoir. C’est une grande surprise et ça n’honore pas l’opposition burkinabè. Et s’il veut un avenir politique, il va falloir nécessairement qu’il revoie sa copie. La grande partie des militants de Ouahigouya sera déçue.

Propos recueillis par Lassina SANOU
Le Pays