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Réforme de l’ONU : Quand l’Afrique mérite son mépris

Publié le lundi 27 juin 2005 à 07h26min

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C’est en principe en septembre prochain, que doit se tenir la
prochaine assemblée générale de l’ONU. Parmi les sujets qui
seront débattus, figure en bonne et due place la réforme de
l’Organisation.

Tout le monde est unanime à reconnaître que
l’ONU, née il y a 60 ans dans un contexte particulier, tout juste
après la fin de la seconde guerre mondiale, souffre aujourd’hui
d’un péché de vieillesse.

Entre-temps en effet, le "machin",
selon le Général De Gaulle, s’est enrichi de l’émergence en son
sein, de plusieurs autres pays ayant accédé à l’indépendance. A
titre d’illustration, le continent africain compte actuellement à lui
seul, 54 membres sur les 182 représentés à l’ONU.

L’Organisation a donc besoin d’un toilettage de ses textes qui la
régissent et d’une nouvelle virginité pour épouser l’époque
actuelle, fondamentalement différente de celle qui l’a vu portée
sur les fonts baptismaux par les Etat-Unis, la Grande-Bretagne
et la Russie, les trois puissances victorieuses de la seconde
guerre mondiale contre l’Allemagne nazie.

Si aujourd’hui, l’ONU
fonctionne selon le principe démocratique "un pays, une voix", il
n’en demeure pas moins qu’elle est prise en otage par cinq
grandes puissances (Chine, France, Grande-Bretagne,
Etats-Unis et Russie) détentrices du droit de veto au sein du
Conseil de sécurité. Composée de 15 membres permanents,
les autres membres non permanents apparaissent comme de
simples figurants car n’ayant aucun moyen d’infléchir la position
de ceux qui détiennent la redoutable arme absolue du droit de
veto.

La réforme proposée par le secrétaire général de l’ONU
vise à briser cette forme de dictature des cinq en admettant
d’autres pays, notamment africains, désespérément obligés de
subir sans moyens de riposte, le comportement sur fond
d’appétits hégémoniques, de calculs géostratégiques et de
manoeuvres géopolitiques, des grandes puissances.

C’est pour
tenir compte de ce déséquilibre qui plombe le bon
fonctionnement des relations internationales et des risques
d’une étouffante unipolarisation, que l’idée est née de rendre
enfin justice à tout un continent, l’Afrique, en lui octroyant deux
sièges avec droit de veto au sein des membres permanents de
l’ONU. Quatre pays appelés "groupe des quatre (G4)" et
comprenant l’Allemagne, le Brésil, l’Inde et le Japon,
eux-mêmes candidats au poste de membres permanents, ont
proposé cet élargissement à dix nouveaux membres dont six
permanents et quatre non permanents. Ce schéma
d’élargissement vise donc à réhabiliter l’Afrique.

Malheureusement, avant même que l’idée ne prenne corps,
l’Afrique, comme d’habitude, étale au grand jour ses
divergences. Incapable de parler d’une seule voix, depuis que
l’idée est lancée, on assiste à une sorte de diplomatie du
désordre, ce qui présage de futures empoignades autour du
choix des deux pays censés représenter l’Afrique.

Le moins que
l’on puisse dire est que les Africains nous offrent le spectacle
d’une foire où chacun défend ses intérêts égoïstes. Initialement,
deux pays semblaient avoir les faveurs de l’opinion africaine
pour défendre les couleurs du continent au sein du club des
membres permanents. Mais le droit de veto, ce gros marteau
qui décide du sort du monde, risque d’échapper à l’Afrique. En
effet, le Nigeria et l’Afrique du Sud viennent d’être rejoints par
l’Egypte, le Kenya et le Sénégal qui ont exprimé leurs intentions
de se porter candidats.

De telles rivalités ne font que le jeu des
grandes puissances, notamment des Etats-Unis, qui
n’attendaient que l’occasion pour annoncer les couleurs.
Washington en effet, ne s’est pas embarrassé de propos
courtois pour faire comprendre que cet élargissement devrait
être "limité au Japon et à un pays en développement", sous
entendu l’Inde. Les Etats-Unis s’opposent non seulement au
droit de veto à accorder aux nouveaux arrivants mais également
militent pour la reconduite du statu quo actuel en vue d’une
marginalisation de l’ONU, comme on l’a vu lors de l’invasion de
l’Irak.

Le sommet de l’Union africaine prévu à Syrthe en Libye en
juillet prochain et qui doit débattre du sujet, pourra-t-il imposer
son arbitrage et faire taire les querelles de leadership qui
apparaissent, chaque fois que les Africains sont appelés à agir
de façon unitaire pour peser de leur poids sur les grands défis
d’une mondialisation qui ne laisse plus de place aux
chamailleries à la petite semaine ? Rien n’est moins sûr quand
on sait que l’Union africaine sort affaiblie de la récente crise
togolaise où la politique politicienne a pris le pas sur le droit.

Le
doute est d’autant plus permis qu’on connaît les ingérences
extérieures sur fond de querelles d’influence auxquelles vont se
livrer les grandes puissances pour consolider leurs positions
dans un continent non encore débarrassé de son réflexe
d’assisté. En somme, on risque d’assister à un sommet
tam-tam, selon la formule du Roi Hassan II pour qualifier les
sommets de la défunte OUA.

Encore une fois, ce comportement
à propos du Conseil de sécurité, est révélateur de l’incapacité
des dirigeants africains à surmonter leurs subalternes
querelles pour avoir à coeur les intérêts du continent. Pourquoi
alors s’étonner que les pays riches leur opposent leur mépris ?
Un mépris, est-on tenté de dire, bien mérité et bien justifié
quand on ajoute à ce tableau déjà sombre, l’instabilité
chronique, les guerres fratricides et la mal gouvernance dont le
continent se rend coupable.

Un mépris triplement mérité quand
l’Afrique se montre incapable d’avoir ce supplément d’âme et de
reconnaître qu’il ne peut y avoir en son sein que peu d’élus et
que le mérite doit revenir à ceux des pays qui ont une forte
personnalité, capable de dire non à l’évangile des prédateurs du
continent.
Avec cet avant-goût amer du spectacle de l’incurie que l’Afrique,
encore une fois, va nous servir, ce n’est pas seulement le
développement que refuse le continent, comme dirait un expert,
mais aussi l’honneur et le respect.

Le Pays

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