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Arrestation de Saddam Hussein : Redonner sa place au droit

Publié le mardi 16 décembre 2003 à 10h21min

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Après l’arrestation samedi, de l’ancien raïs irakien, le président américain George W. Bush a incontestablement marqué un point au niveau de l’opinion publique américaine. En Irak même cependant, cette nouvelle donne ne pourra influer sur la situation que si les forces anglo-américaines condescendent enfin à donner au droit toute sa place dans la résolution de la crise irakienne.

George W. Bush avait raison de jubiler après l’annonce de l’arrestation de Saddam Hussein, par les forces spécialisées qui étaient lancées à ses trousses depuis un mois. La chute de "l’as de pique" a en effet entraîné une montée vertigineuse de la cote du président américain dans les sondages.

60% des Américains trouvent que cette guerre était "justifiée", alors que les adversaires les plus résolus de George Bush à la course au fauteuil présidentiel, ont désormais un langage embarrassé. Dans le même temps, les marchés financiers et boursiers se sont stabilisés et le Dow Jones (l’indice des valeurs de Wall Street) a clôturé la séance à la hausse. Une arrestation tout bénéfice donc pour Bush-fils, qui a eu cependant le triomphe modeste. C’est une victoire et un "grand jour" pour le peuple irakien s’est-il contenté de dire.

Faire place au droit

Une modestie dans la victoire qui se justifie pour trois raisons principalement. La première c’est qu’au regard des circonstances de son arrestation, Saddam Hussein n’était apparemment plus le chef de la "résistance" irakienne.

Même si ce sont ses feddayins qui font mal aux Américains, lui-même vivait terré et coupé du reste du monde. Ce sont les tribus bédouines de son terroir natal (Tikrit) qui étaient ses seuls "contacts" en raison de la méfiance dont il faisait montre depuis la mort de ses fils.

Les plans de guerre sont donc tracés par d’autres "cerveaux" qui se recrutent parmi les personnes les plus insoupçonnables.

Deuxième raison qui n’est pas sans rapport avec la première, la résistance irakienne s’est fortement diversifiée depuis huit mois. Nonobstant les "commandos" d’Oussama Ben Laden, et les "forces arabes de libération", des mercenaires vendent leurs services à certaines personnalités irakiennes.

Le "deal" consiste à obtenir 500 dollars américains, par soldat étranger abattu. Toutes ces phalanges, les mercenaires mis à part, ont en commun leur haine des "Infidèles" qui profanent la terre sainte d’Arabie et empêchent l’autonomie du peuple palestinien. C’est du reste la "plate-forme" de combat du réseau terroriste Al Qaïda, dont la capacité de nuisance entière. Troisième raison enfin, la politique américaine en Irak et plus généralement aux Proche et Moyen-Orient doit changer. Avec le primat qu’a pris la force sur le droit dans la région et avec l’aliénation de l’autodétermination du peuple irakien, "la guerre de libération" ne peut que continuer. On oublie souvent de le dire, mais avant qu’il ne devienne le dictateur haï de son peuple et abhorré des Américains, Saddam Hussein était un leader nationaliste populaire. Raison principale, c’est lui qui a, en 1979, nationalisé le pétrole irakien, au grand dam des compagnies américaines Total-Texaco et Chevron-Mobil. Du reste, le contentieux irako-américain date de cette période, mais le parapluie du "grand-frère" soviétique (l’équilibre de la terreur) empêchait l’Oncle Sam de débarquer manu militari en Irak. La première guerre du Golfe a du reste coïncidé avec la chute du mur de Berlin, qui préfigurait le délitement de l’empire soviétique.

Cette guerre de reconquête de l’eldorado perdu, ne peut donc connaître une issue heureuse pour ces raisons historiques. Qui plus est, en étant centré sur les intérêts américains, la reconstruction de l’Irak ne peut qu’entraîner des grincements de dents, parmi les autres grands de la planète. Les Russes et les Français sont les premiers lésés, car, la chute de Saddam a mis à mal leurs intérêts dans le pays. Le raïs déchu leur avait en effet concédé l’exploitation de près du quart du brut irakien, concession dont les Américains ne veulent plus entendre parler. Au-delà de la rhétorique sur le respect du droit international, ces deux pays défendent donc leur "beef-steack". Pour autant, ils sont fondés à surfer sur cette vague politico-juridique car, la Guerre du Golfe II, a introduit un précédant dangereux en matière de relations internationales. Pour la Russie l’arrestation de Saddam Hussein "contribue au renforcement de la sécurité en Irak et à l’activation du processus de règlement politique dans le pays sous l’autorité des Nations unies".

En somme, cette "très bonne nouvelle" (José Maria Aznar dixit) doit permettre d’éviter la "libanisation" du pays, en créant les conditions de l’avènement d’un régime véritablement démocratique. Avec l’actuel conseil de gouvernement par l’administrateur civil américain Paul Bremer, c’est la porte ouverte à toutes les insoumissions. De plus en plus des milices chiites et sunnites se forment dans le pays sous la direction des mollahs et imams.

Une conflagration entre ces deux confessions religieuses, éclabousserait toute la région, avec l’Iran majoritairement chiite, sans oublier la "question" Kurde qui concerne des pays comme la Turquie, la Syrie, l’Iran... Le "building nation" à l’américaine tournerait au cauchemar. Et comme ce n’est pas le but de cette guerre, il y a urgence à redonner toute sa place au droit international, avant qu’il ne soit trop tard. Pour l’heure, l’équation irakienne demeure entière.

Boubacar SY
Sidwaya

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