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Décès du pape : Jean-Paul l’Africain

Publié le lundi 4 avril 2005 à 09h21min

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Le pape Jean-Paul II, on le sait maintenant, s’est éteint le samedi 2 avril 2005 à 19h37, heure de Ouagadougou, dans ses appartements du Vatican, près du tombeau de st Pierre, dont il était le 264e successeur.

Au-delà du fait universellement admis que ce fût le souverain pontif le plus charismatique de l’histoire de la papauté, le plus grand communicateur des chefs d’Etat contemporains, qui a su saisir et s’approprier les signes annonciateurs de la société de l’information, quelle autre épitaphe, s’il fallait à tout prix n’en retenir qu’une résumerait le mieux ce que fût et fit Jean-Paul II ?

Le vicaire-voyageur du Christ ? En quelque 26 ans de pontificat, il a fait et refait le tour du monde. Rompant plus radicalement que Paul VI d’avec la fameuse formule qui voulait que qui a besoin du pape se rendît en Rome. Lui est allé spontanément vers le monde et les autres, même ceux qui, a priori, ne désiraient pas forcément le voir et dont il s’est fait par la suite de grands amis.

Le Pape des encycliques ? Son pontificat fut le plus long à l’exception de ceux de saints Pierre et de Pie IX (32 ans). Jean-Paul II a signé entre autres "Rédemption hominis" portant sur la dignité humaine, et "Fides et ratio" (des rapports entre la foi et la raison) en vertu de quoi on comprend qu’il ait réhabilité Galilée.

Le miraculé du 13 mai 1981 ? Qu’il ait survécu ce jour-là aux 4 balles du terroriste des "Loups gris", Mahomet Ali Alcça, relève à tout le moins du prodige.

Le tombeur du Mur de Berlin ? Peu après son intronisation le 22 octobre 1978, consécutivement à une élection acquise un jour plus tôt au 8e tour de scrutin, Jean Paul II lançait sur la place de St Pierre de Rome cette exhortation biblico-prophétique : "Nayez pas peur". En Pologne, ses compatriotes reprirent courage et il y eut le mouvement "Solidornosk" et sa figure emblématique, Lech Valessa. Ce fut surtout la première fissure dans le glassis soviétique, et la chute quelque 10 ans plus tard du mur de Berlin, et sous ses décombres, du communisme totalitaire.

Le pape de l’œucuménisme et du dialogue interreligieux ? Sous son pontificat, ses idées et son programmes, déjà présents dans les recommandations conciliaires de Vatican II, reçurent leurs lettres de noblesse à travers des symboles forts comme le rapprochement avec les Eglises orthodoxes et anglicanes ; son repentir au mur des lamentations pour tous les torts infligés par les catholiques aux juifs. Et que dire du dialogue islamo-chrétien ? Rappelez-vous ce chef de l’Eglise romaine se décoiffant de sa céleste papale par respect pour les disciples de Mohamed quand le papa-mobile parvint aux abords de la grande mosquée de Ouagadougou, ce 10 mai 1980, dote de sa première visite dans notre pays.

Le Papy des jeunes ? Qui oserait nier qu’entre Jean-Paul II et les jeunes du monde entier, toute religion confondue, le courant soit bien passé ? En témoigne à souhait les grandes effusions quasi charnelles, dont ses "Journées mondiales de la jeunesse", dont il était la grande vedette, ont chaque fois donné lieu.

Mais, envers du décor, d’autres ne retiendront de Jean-Paul II que son orthodoxie en matière morale et familiale. Par éthique de conviction, pour reprendre le mot de Max Weber, il a prôné en ces domaines des positions jugées rétrogrades dans nombres de milieux. En témoignent ces admonestations contre le préservatif et l’avortement quelles qu’en soient les circonstances, le tout au nom du caractère sacré et inviolable de la vie. Bref, de ce pape hors du commun il y a tant et tout à dire, qu’on ne sait par où commencer, ni par quelle formule lapidaire ramasser son extraordinaire personnalité.

Et si nous autres du continent nous contentions de l’appellation : Jean-Paul l’Africain ? Certes, il fut évêque de Rome, et non d’Ippone comme st Augustin, mais l’Afrique n’en resta pas moins au cœur de ses préoccupations et de son action. Sur le plan purement religieux, ce symbole de l’humanisme ne fut pas oublié, bien au contraire.

A l’exception de l’Amérique Latine, notre continent aura reçu l’essentiel de ses visites pastorales (12 périples contre 16). Outre qu’il éleva beaucoup d’Africains à la dignité d’évêque et de cardinal, il aura confié à certains d’entre eux les fonctions les plus élevées au sein de la curie romaine : le Béninois Bernadin Gantin, longtemps doyen du collège des cardinaux ; le Nigérian Francis Arinzé, préfet de la congrégation du culte divin, cité parmis les papabili, c’est-à-dire ceux qui sont considérés comme ses successeurs potentiels.

Enfin, on retiendra le cynode spécial sur l’Afrique, organisé en 1994 et qui se pencha, entre autres, sur l’approfondissement de l’inculturation de l’Evangile. Sur le plan profane, le bilan est tout aussi éloquent pour un Jean-Paul II qui s’est voulu "la voix des sans voix", autre version de la doctrine sociale de l’Eglise, qui se veut désormais aux côté des pauvres et des opprimés depuis l’encyclique "rerum novarum" de Léon XIII.

Rappelons-nous ses multiples exhortations sur les droits de l’homme, ses deux appels de Ouagadougou en mai 1980 et janvier 1990 en faveur du Sahel et de l’Afrique et qui se sont concrétisés par la création d’une fondation qui porte son nom, et dont notre capitale abrite le siège. Enfin, nous entendons encore retentir sa demande de pardon dans la Maison des esclaves de l’île de Gorée en 1992 à cause de toutes les victimes du commerce triangulaire qui saigna comme on sait notre continent.

Pour nous autres Africains, en tout cas, c’est un vieux sage qui s’en est allé, avec la certitude, pensons-nous, que la voie est toute tracée qui mène aux ancêtres. Mais au regard de sa foi chrétienne, nous pensons également qu’il peut reprendre à son compte ce mot de Châteaubriand : "Grâce à l’exorbitance de mes années, mon monument est achevé (...). II ne me reste qu’à m’asseoir au bord de ma fosse, après quoi je descendrais hardiment, le crucifix à la main, dans l’Eternité". (1)

(1) Châteaubriand, Mémoires d’outre tombe

Observateur Paalga,

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