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Côte d’Ivoire : "La grave erreur de Gbagbo"

Publié le mercredi 10 novembre 2004 à 07h31min

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Dans la déclaration qui suit, l’association le Tocsin condamne la reprise de la violence en Côte d’Ivoire. Elle dénonce les agressions contre les étrangers ainsi que le racisme fait à l’encontre des Français.

hostilités décidée unilatéralement par les autorités du Front populaire ivoirien. Mettant ainsi fin aux accords de Marcoussis et d’Accra III, le régime du Président Laurent Gbagbo, fort des dernières acquisitions en matière d’armement, a pensé venue l’heure de reconquérir le centre, l’ouest et le nord du pays par la seule logique des armes et de la force militaire.

Fort de son soi-disant « bon droit », le régime ivoirien estime que le refus de désarmer des Forces nouvelles à la date du 15 octobre 2004 doit être considéré comme une trahison qui mérite d’être punie.

Certes, mais faut-il alors que les thuriféraires du régime oublient toutes les entraves développées par l’Assemblée nationale ivoirienne, dominées par les députés FPI et alliés, à l’adoption des réformes institutionnelles telles que préconisées par Accra III ?

Si les Forces nouvelles ont une responsabilité dans la crise ivoirienne, la responsabilité des autorités est beaucoup plus importante, car elles sont seules comptables devant le peuple ivoirien de la bonne marche du pays.

En dépit des conditions « calamiteuses » de l’accès de Gbagbo à la magistrature suprême de son pays, il est juridiquement le chef de l’Etat. Soit, mais cela lui impose, en principe, plus de devoirs que de droits !

Pour ne l’avoir pas compris, le pays s’est enfoncé dans la fracture sociale et a exacerbé les injustices, les préférences ethniques et les favoritismes politiques. Ce n’est certes pas en l’honneur de Gbabgo de n’être en réalité que le président d’une moitié de la Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002.

Pouvait-il en être autrement avec la mise en œuvre de la politique de l’ivoirité qui refuse aux Ivoiriens dits de circonstance ou encore d’origines douteuses de jouir de la nationalité ivoirienne ? Pouvait-il en être autrement lorsque des Ivoiriens, pour cause de leur patronyme, n’ont plus droit qu’à des cartes d’identité provisoires, sans possibilité de bénéficier d’un certificat de nationalité ?

Pouvait-il en être autrement quand des millions d’étrangers (Nigériens, Nigérians, Sénégalais, Guinéens, Togolais, Béninois, Maliens, Burkinabè, etc.) sont victimes d’exactions, de violences, de sévices et de rackets inqualifiables, assortis de menaces d’expulsions massives ? Pouvait-il en être autrement quand tout le monde a tort et seul le FPI a raison et toujours raison ? Non, malheureusement !

Le sucre vise seulement à flatter

La volonté de reconquérir le pays par le seul fait des armes est une erreur grave, et une faute lourde, car elle ne tient pas compte des vies d’innocentes victimes des zones sous contrôle des Forces nouvelles. Sur le plan diplomatique, il s’agit d’un désaveu de la communauté internationale qui s’est investie, plus que de raison, pour empêcher le pays de sombrer dans le chaos.

Il faut citer les différentes rencontres (Libreville, Lomé, Accra, Paris, Bamako, Bobo-Dioulasso, Conakry, etc.) au cours desquelles il a été examiné les causes du mal ivoirien et proposé des thérapies appropriées. Alors que l’on pensait qu’avec la rencontre de Marcoussis, suivie plus tard du sommet international de Kléber, la Côte d’Ivoire retrouverait sa vitalité d’antan, ne voilà-t-il pas que le chef de l’Etat ivoirien traite les solutions consensuelles de médicament amer qu’il faut seulement essayer.

La communauté internationale aurait dû alors comprendre que l’on ne peut nullement soigner et guérir un patient qui doute de son médecin et de ses ordonnances. Un médicament a-t-il pour vocation d’être sucré ? Tous les pédiatres vous le diront, le sucre vise seulement à flatter le palais de l’enfant.

Un chef d’Etat est pourtant tout, sauf un enfant dont il faut flatter le palais ! Pour ne l’avoir pas compris, la communauté internationale a multiplié, presque inutilement les sommets. Mais au sommet d’Accra III, l’on avait des raisons d’espérer, dans la mesure où le président Laurent Gbagbo a apposé sa signature sur le document final, manifestant ainsi son engagement.

Même si cet acte a été obtenu après moult tergiversations, le fait est là : le chef de l’Etat s’est personnellement engagé à respecter les termes de l’accord. Comment peut-il donc reprocher aux Forces nouvelles de ne point respecter leur parole, lorsque lui-même se montre incapable de faire adopter, au sein de l’Assemblée nationale, les différentes réformes institutionnelles et politiques préconisées à Accra ?

L’association le Tocsin condamne une fois de plus les dérives xénophobes dont les responsables politiques ivoiriens sont les principaux artisans. Elle condamne avec véhémence les appels aux meurtres lancés par les responsables politiques du FPI à l’encontre de la communauté française et étrangère.

Elle appelle tous les véritables patriotes de la Côte d’Ivoire à se démarquer des propos haineux et nationalistes qui n’honorent nullement le pays de Félix Houphouët-Boigny, qui avait pourtant fait de la paix son seul credo. Le Tocsin invite les intellectuels ivoiriens à faire montre d’un dépassement des intérêts de classe afin d’inscrire, dans leurs réflexions et luttes, la prise en compte des faibles, des pauvres, des femmes, des enfants, des délaissés, des étrangers ; en somme de tous ceux et de toutes celles qui n’ont pas la possibilité de se faire entendre et qui pourtant souffrent des décisions prises par les autorités politiques.

Les peuples de la sous-région et d’Afrique doivent se montrer solidaires vis-à-vis du sort des Français aujourd’hui réduits à trouver refuge dans des camps de fortune (43e BIMA), dans des hôtels sécurisés (Pergola) et en bien d’autres endroits afin de sauver leur vie, tandis que leurs biens sont pillés ou livrés aux flammes. Quels que soient les reproches qui puissent être faits aux atermoiements de la politique française, il faut reconnaître que n’eût été l’intervention des forces de la Licorne depuis deux ans...

C’est dire qu’une telle intervention a épargné des milliers de vies. L’association le Tocsin lance un appel à toutes les ONG et associations de protections et de défenses des droits humains à protester contre la reprise des hostilités en Côte d’Ivoire et la poussée du racisme à l’encontre des ressortissants français et des étrangers.

Les jeunes patriotes haineux et xénophobes

A la suite du président Abdoulaye Wade, qui affirmait, au début de la crise ivoirienne, que « Les Burkinabè vivent en ce moment en Côte d’Ivoire ce qu’aucun Africain ne vit en Europe », il faut admettre qu’aujourd’hui, les Français connaissent maintenant ce qu’est être un immigré.

Avec la chasse aux Français, la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo vient de basculer de la xénophobie au racisme ! Toutes les communautés étrangères installées en Côte d’Ivoire doivent savoir se montrer solidaires, car la xénophobie est une gangrène qui n’épargne, à la longue, aucune partie du corps. Il revient donc aux parties encore saines du corps social de se ressaisir afin d’épargner à la Côte d’Ivoire, alors qu’il est encore temps, le suicide collectif.

Hier, lorsque des Burkinabè, des Maliens et des Nigériens se faisaient massacrer, dépouiller, humilier, violer et chasser par milliers, certaines communautés ne se sentaient nullement concernées. Nul ne doit se réjouir du malheur d’autrui ! Aussi, faut-il aux victimes d’hier se souvenir qu’après la traque aux Français, il n’est pas exclu que les « jeunes patriotes », les différentes milices et les forces de l’ordre s’en prennent aux Nigériens, aux Maliens et aux Burkinabè.

En ces moments de grande inquiétude et de désolation, l’association le Tocsin voudrait ici exprimer sa grande solidarité avec les Français et tous les étrangers vivant en Côte d’Ivoire. Elle tient à leur témoigner sa compassion et à les inviter à garder espoir, car le peuple ivoirien est foncièrement bon et accueillant.

Seules l’instrumentalisation politique et l’exacerbation des différences ethniques ont transfonné certains Ivoiriens (de loin les moins nombreux) en escadrons de la mort et en « jeunes patriotes » haineux et xénophobes. L’association Le Tocsin invite les autorités burkinabè à prendre les mesures nécessaires afin de contenir tout afflux massif de nos compatriotes qui vivent dans une grande insécurité.

Elle les invite à prendre les mesures, à l’instar de la France, pour protéger les populations burkinabè prises souvent comme les cibles expiatoires des problèmes de la Côte d’Ivoire. Des dispositions appropriées doivent être prises pour éviter aux Burkinabè de continuer à affluer vers la Côte d’Ivoire et pour faciliter le retour de tous ceux et de toutes celles qui le désirent.

L’association le Tocsin tient à saluer la manière dont la communauté internationale (Conseil de sécurité, l’Union africaine, l’Union européenne) s’est sentie interpellée par le dossier ivoirien et formule le vœu de voir prendre les véritables mesures qui permettront à ce pays frère de retrouver la paix et la prospérité, au grand bonheur de tous les Ivoiriens, de tous les Africains et de tous ceux qui sont épris de paix et de justice.

Tous pour le combat de la solidarité et de l’intégration !

Le Tocsin

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