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« La Constitution burkinabè, 20 ans après : Bilan et perspectives »

Publié le jeudi 30 juin 2011 à 20h25min

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Le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) a organisé le samedi 11 juin 2011 à Azalai Hôtel Indépendance entre 9h et 12h, un dialogue démocratique sur le thème « La Constitution Burkinabè, 20 ans après : bilan et perspectives » à l’occasion du 20è anniversaire de la promulgation de la Constitution. Ce dialogue a rassemblé des chercheurs, des leaders de partis politiques et de la société civile ainsi que des citoyens ordinaires autour d’un panel composé des acteurs clé de la vie politique . La rencontre a également été ponctuée de témoignages authentiques des acteurs qui ont effectivement participé à l’écriture de la constitution de juin 1991.

A travers cette initiative, le CGD a voulu esquisser une évaluation critique des 20 ans de vie constitutionnelle dans une perspective d’enrichissement des débats et d’harmonisation des positions des acteurs politiques sur les réformes institutionnelles dans notre pays. Plusieurs contributions pertinentes ont été enregistrées au cours des échanges, desquelles l’on peut isoler d’une part, l’analyse des problèmes qui affaiblissent la démocratie et, d’autre part, les propositions de solution.

En vue de partager les conclusions et recommandations de ce dialogue démocratique avec l’opinion nationale, le CGD a commandité la présente insertion, dont le contenu ne reflète pas nécessairement le point de vue des membres du Centre, mais doit être considéré comme propre aux acteurs qui ont pris part au dialogue.

1) Des faiblesses du processus démocratique

Après vingt ans de vie constitutionnelle, quelques acquis ont été engrangés. C’est le cas de la relative liberté d’expression et du pluralisme politique qui sont devenus des réalités tangibles. Les conventions internationales relatives à la protection des Droits Humains ont été également signées par notre pays dans leur quasi-totalité. Cependant, les faiblesses du processus restent énormes. A cet égard, le problème de la culture de participation citoyenne a été abordé comme un des obstacles majeurs à la démocratisation dans notre pays. S’il est vrai que les élections demeurent la voie démocratique par excellence pour résorber les crises de légitimité des gouvernants, il n’en demeure pas moins que l’analphabétisme politique constitue un handicap majeur dans la construction démocratique. Les participants ont attiré l’attention des élites politiques sur « l’incompétence du corps électoral ».

En outre, de l’analyse des participants, il est apparu que la crise du système démocratique burkinabè est certes imputable à certaines faiblesses de la constitution, en particulier sa dimension présidentialiste, mais cela ne devrait pas occulter la responsabilité des acteurs politiques. La faiblesse de la culture démocratique des élites dirigeantes constitue un facteur important à prendre en compte dans l’explication du déficit démocratique au Burkina Faso. Cette difficile reconversion politique des élites se manifeste par des réflexes autoritaires dans l’exercice du pouvoir.

Toujours dans le registre des limites de la démocratisation dans notre pays, il a été relevé la fragilité des institutions politiques et leur faible institutionnalisation en raison du poids hégémonique de l’Exécutif. Ce phénomène se traduit par une personnalisation du pouvoir d’Etat et des institutions républicaines qu’il est difficile de dissocier de la personne physique des dirigeants politiques.

Une autre question qui a suscité des débats a été celle de la marginalisation des jeunes dans les instances de représentation politique et dans les partis politiques. Tous les intervenants étaient unanimes sur la nécessité de créer un dialogue fécond entre les jeunes et les anciens afin que les premiers bénéficient de l’expérience politique des seconds. Les participants se sont en outre appesantis sur les partis politiques et le système de partis comme facteur déterminant de la performance démocratique. Le nombre des partis politiques a été jugé excessif par les participants qui ont estimé que cette prolifération des partis explique la fragmentation du système de partis qui affaiblit sa capacité à renforcer le processus démocratique. La nécessité de réformer le droit des partis politiques dans la perspective de réduire à terme leur nombre dans l’arène politique a été fortement souhaitée.

En plus, il est ressorti des débats que la faible capacité électorale de la majorité des partis politiques est également liée aux stratégies du parti au pouvoir qui s’appuie sur l’appareil d’Etat et les élites traditionnelles pour s’imposer à ses concurrents. Cela ne dédouane pas pour autant les dirigeants des partis d’opposition qui manquent souvent de bonnes stratégies et auxquels l’on reproche couramment l’incapacité à s’unir pour relever le défi de l’alternance démocratique.

Par contre, le dynamisme de la société civile la plus active et la plus représentative a été salué par les participants qui ont apprécié notamment l’attitude responsable qu’elle a prise face au processus de dialogue politique en cours. Il reste que cette société civile comporte elle aussi des insuffisances qu’elle doit s’atteler à corriger pour renforcer sa crédibilité.

S’agissant de la crise nationale, il est apparu un large consensus sur le fait que le système démocratique est grippé et qu’il a besoin de réformes pour se consolider. Il faut dire que cette lecture contraste avec l’approche « techniciste » du parti au pouvoir et de ses alliés qui avaient tendance à « dépolitiser » la crise, c’est-à-dire à lui conférer uniquement une portée sociale et corporatiste. Cette position était lourde de conséquences dans la mesure elle conditionne le type de réponse à apporter pour juguler la crise. D’autant plus que les outputs (décisions) délivrées par les élites dirigeantes pour résorber la crise sont inévitablement fonction de leur perception de celle-ci. En effet, dès lors que le diagnostic s’avère erroné, il va sans dire que les remèdes proposés ne seront pas efficaces. Quelques recommandations ont été proposées par les participants pour relancer le processus démocratique.

2) Synthèse des recommandations

Les recommandations formulées par les participants peuvent se résumer en trois grands axes.

-  Le maintien de la IVe République et le rejet de la Constituante

La nécessité de renforcer la démocratie burkinabè à travers des réformes est apparue comme la tendance lourde qui s’est dégagée à l’issue des débats. Cette préférence majoritaire pour les réformes témoigne d’une part de l’existence d’acquis démocratiques, même s’ils sont insuffisants, mais surtout tranche avec le discours révolutionnaire de certains participants qui ont prôné la voie insurrectionnelle d’une part, et bat en brèche la proposition d’une Constituante avancée par certains d’autre part…

-  L’urgence de réformes substantielles

Le large consensus qui s’est dégagé en faveur du maintien de la IVe République a été assorti d’un appel à des réformes institutionnelles et politiques profondes. Celles-ci devraient viser l’approfondissement de la culture démocratique, le renforcement des institutions en vue d’asseoir les bases d’un Etat de droit véritable. La question du rééquilibrage des forces entre les institutions politiques et l’intensification de la diffusion des valeurs démocratiques dans la société restent des axes des réformes à envisager.

-  La création d’une synergie entre société civile et partis politiques

Pour faire aboutir des propositions, les participants ont recommandé une synergie d’action entre les organisations de la société civile et les partis politiques, pour créer un rapport de force favorable aux réformes politiques consensuelles et consolidantes. Sans ce rassemblement républicain, il serait illusoire de pouvoir impulser des transformations démocratiques à même de transformer le régime semi-autoritaire actuel en une démocratie véritable. Ce rassemblement ne devrait pas cependant conduire à une confusion des rôles et des logiques d’actions entre les partis politiques dont le rôle évident est la conquête et l’exercice du pouvoir politique, et la société civile qui devrait s’obliger à suivre une démarche impartiale pour influencer qualitativement les règles du jeu démocratique et les politiques publiques.

Centre pour la Gouvernance Démocratique au Burkina (CGD)

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