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POIGNEE DE MAINS ENTRE CELLOU DALEIN DIALLO ET ALPHA CONDE : Le baiser de Judas ?

Publié le mercredi 13 octobre 2010 à 03h07min

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Alpha Condé (à g.) et Celloun Dalein Diallo (à dr.) le 26 juin, à Conakry

Le fait est rare ces derniers temps et mérite d’être relevé : Cellou Dalein Diallo, candidat de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) et Alpha Condé du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) se sont publiquement serré la main lundi dernier à Conakry. De plus, à la demande du général Sékouba Konaté, les deux candidats se sont engagés, en cas de victoire, à former un gouvernement d’union nationale avec des éléments du perdant. Reste à savoir si les deux candidats au second tour du scrutin présidentiel guinéen ont convaincu. La question qui se pose aussi est de savoir qui assurera la présidence de la Commission électorale au moment du scrutin.

Un précédent existe qui ne milite pas en faveur des deux leaders politiques : le non- respect de sa propre signature et de la parole donnée. Il y a un peu plus d’un mois, ils avaient signé un protocole d’entente à Ouagadougou qui venait boucler ainsi d’intenses périodes de négociation visant à organiser des élections apaisées au deuxième tour. Nous étions alors en plein ramadan et l’on avait espéré que les deux protagonistes, tous deux musulmans, allaient respecter leurs engagements. C’était mal les connaître.

En effet, sitôt retournés à Conakry, Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé ont superbement ignoré le protocole d’entente. Comme si on pouvait leur donner le bon Dieu sans confession, chacun a renié sa signature, mobilisé ses partisans et embouché la trompette de la discorde. Tant et si bien que d’escalade en escalade, les deux camps avaient fini par donner le sentiment que ce scrutin allait finir par être reporté. Ce fut effectivement le cas une première fois. On semblait tendre vers un second report lorsque le chef de la junte par intérim a dû taper du poing sur la table.

Cela semble avoir porté fruit. Le général qui connaît bien son monde aura encore une fois mis son pays à l’abri de surprises désagréables. Reste à savoir si l’on n’a pas un peu forcé la main à Diallo et Condé, lesquels, il est vrai, avaient fini par prendre la Guinée et le peuple guinéen en otage. Il semble aujourd’hui que les choses bougent dans le bon sens. Entre finalistes du second tour de l’élection présidentielle, on semble avoir compris la nécessité de dialoguer directement. On y aura mis du temps mais c’est bon signe. Surtout qu’un tête-à-tête était prévu hier mardi à Conakry entre Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé. On espère que la polémique autour de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) prendra fin assez rapidement même si les choses ne sont pas aussi faciles.

Sans doute les échanges entre Diallo et Condé traduisent-ils de bonnes intentions, chacun s’étant montré favorable à la constitution d’un gouvernement d’union nationale. Mais peut-on vraiment leur faire confiance, eux qui ont déjà à leur actif le viol du protocole d’entente de Ouagadougou ? A moins qu’ils n’aient compris que leur mission est de sauver la Guinée et non de défendre des intérêts égoïstes. De nos jours, les élites politiques africaines manquent cruellement d’éthique. Versatiles dans leurs comportements, elles ont tôt fait de détruire le capital chèrement acquis des années de lutte durant.

Dans le cas de la Guinée, on le constate avec la bagarre autour de la CENI. En effet, dans le camp d’Alpha Condé, on estime que Loucény Camara doit être maintenu à la tête de la CENI au nom du respect de la légalité. Cellou Dalein Diallo et ses partisans menacent quant à eux de boycotter le vote si le syndicaliste président de la CENI n’est pas récusé. Ils accusent Loucény Camara d’être à la solde d’Alpha Condé. A moins de deux semaines du second tour, on semble ne pas beaucoup s’investir dans la campagne. Peu d’énergie lui est consacrée par la classe politique davantage tournée vers le contentieux. Certes, avec la liste électorale, la CENI constitue de nos jours la mère de toutes les batailles. Devenue l’épicentre des tumultes du second tour, sa gestion et son contrôle sont constamment questionnés.

Pourtant, il faut savoir raison garder. Aussi, faut-il se féliciter de la diligence et de l’habileté avec lesquelles le chef intérimaire de la junte a réuni les deux candidats. Cela donne le sentiment qu’il pourrait s’agir de tractations de la dernière chance.

N’empêche, on peut toujours se demander s’il y aura vraiment des élections en Guinée à la date convenue. L’une ou l’autre partie ne serait-elle pas tentée de se livrer à un boycott en cas de désaccord ? Dans ce cas, la Côte d’Ivoire qui traînait les pieds depuis des années pourrait bien prendre les devants. La Guinée qu’on voyait en tête du peloton des pays en lice tend à faire du surplace et du spectacle. Le comportement de ses élites est tel qu’elle pourrait se retrouver loin derrière d’autres pays engagés dans l’organisation d’élections dans les mois à venir. C’est pourquoi, tout en encourageant les derniers actes posés à Conakry, les Guinéens doivent rester vigilants. La poignée de mains entre Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé est en effet loin d’être convaincante. Un vrai baiser de Judas ? Aux deux candidats et à leurs partisans de faire la démonstration contraire.

"Le Pays"

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