Bingo ! En attendant que la Cour constitutionnelle confirme ces résultats provisoires de la CENI, les 2 challengers qui, vraisemblablement, vont croiser le fer le 18 juillet prochain sont Celloun Dallein Diallo et Alpha Condé. Le premier, qui est à son baptême du feu, a engrangé 39,70% des suffrages exprimés, tandis que le deuxième, qui s’est plusieurs fois brûlé les ailes à ce genre de compétition, se taille 20,6% des voix des votants. Le 3e à l’arrivée de cette course à la magistrature suprême, Sidya Touré de l’Union des Forces républicaines (UFR), lui, totalise autour de 15%.

Ce Gnakanké, une ethnie minoritaire de la Basse-Côte guinéenne, jouit d’une bonne réputation au sein des populations depuis son passage à la tête de la Primature (1996-1999), années au cours desquelles il a rétabli la fourniture d’électricité et d’eau, d’où son sobriquet de “Sidya Courant”. Il a assaini les finances du pays et l’Administration, notamment la fonction publique.

A vrai dire, et en attendant le verdict de la Cour constitutionnelle, la logique électorale a été plus ou moins respectée à ce vote du 27 juin. Et on s’étonne que “Sidya Courant” donne une voix discordante devant ces résultats provisoires. Mais connaissant l’homme, qui a toujours cultivé la pondération, on ose espérer qu’il ne va pas endosser les habits d’un mauvais perdant.

A une présidentielle, il y a un seul fauteuil, qui n’est pas comme un banc d’école où 2 ou 3 élèves peuvent s’asseoir. On met donc l’ire actuelle de Sidya sur le compte d’une frustration passagère, qui s’apparente à un combat d’arrière-garde.

Du reste, cette 3e place à ce premier tour lui ouvre de bonnes perspectives : il pourrait ainsi “dealer” chèrement ses voix et faire un bon placement politique de ses suffrages. Au demeurant, il n’a que 65 ans et 2015, date de la prochaine présidentielle, c’est déjà demain. Il pourrait ainsi se remettre sur la ligne de départ. Pour le moment, il doit dépasser son amertume et jouer les faiseurs de rois. C’est toujours tout bénéfice pour lui.

Ce qui ne serait peut-être pas le cas pour l’ex-kidnappé de Piné, le professeur Alpha Condé, en cas de défaite. Dans 5 ans, c’est-à-dire à 78 ans, on voit mal comment le vieux leader du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) pourrait encore solliciter l’onction de ses compatriotes. On cite le cas d’Abdoulaye Wade du Sénégal en contre-exemple ; mais, c’est connu, comparaison n’est pas raison : la Guinée de Sékou Touré n’est pas le Sénégal de Senghor.

Si les choses devaient en rester là, le patron de l’Union des Forces démocratiques de Guinée (UFDG) serait plus proche du Palais de Sékou Toureya que tout autre candidat, ce qui ne laisserait pas d’autre choix à son second dans l’ordre d’arrivée, l’opposant historique Alpha Condé, qui aurait intérêt à marchander chèrement ses résultats, par anticipation, avec quelqu’un qui est proche de la victoire finale qu’avec les 22 autres, qui en sont éloignés.

A l’évidence, le président du RPG, icône de l’opposition guinéenne, est, à 73 ans, en fin de carrière politique. Pour lui, c’est l’ultime combat politique et, désormais, ses choix seront décisifs. Selon qu’il aura fait une bonne ou une mauvaise alliance, il connaîtra une heureuse ou une malheureuse suite dans sa lutte.

En effet, selon des indiscrétions, il aurait ficelé un accord avec un illustre descendant peul (35% des Guinéens) afin de tailler des croupières, dans son vivier électoral (Conakry, Fouta Djallon), à Celloun, présenté à tort ou à raison comme le candidat poular. Car hélas, on l’a beau déplorer, le vote du 27 juin 2010 fut surtout ethnique. C’est de bonne guerre, et Alpha Condé pourrait faire mouche à ce deuxième round.

Une décision raisonnable voudrait aussi qu’en cas de déroute électorale à ce second tour, le professeur Condé se tourne vers Dallein pour négocier (tout comme Sidya), pourquoi pas, la Primature ou l’Assemblée nationale et quelques maroquins-clés. Au demeurant, le président de l’UFDG appelle tous les candidats malheureux à faire chorus derrière lui, car il entend gouverner avec tous.

Si donc Sidya Touré doit songer à reporter ses voix sur l’un ou l’autre des candidats, la présente présidentielle sonne pour Alpha Condé comme le requiem d’une vie politique bien remplie. Et il serait bien inspiré d’emprunter le boulevard (2e à l’arrivée à ce scrutin) à lui ouvert par les Guinéens pour sortir par la grande porte. A défaut de la présidence, qu’il a cherchée plus de deux décennies, il pourrait bien participer, ce coup-ci, à la gestion du pouvoir en obtenant de grands postes de responsabilités.

Quant à Celloun Dallein Diallo, si dans 2 semaines son succès se confirmait, il lui faudrait beaucoup de tact pour gouverner. Ses passages au département des Mines, puis à la Primature, sous Lansana Conté, l’y aideraient sans doute. Mais un ministère et un Premier ministère ne sont pas la Présidence.

Dans une Guinée qui revient de loin, les contentieux à gérer les attentes des populations constituent autant de défis immédiats que le futur président devra relever. Mais arrêtons-nous là dans ce journalisme-fiction ( ?), tout de même proche de la réalité, pour souhaiter que le second tour du 18 juillet 2010 se passe sans castagne et que la période postprésidentielle soit consacrée au développement du pays.

La Rédaction

L’Observateur Paalga