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FETE DE L’INDEPENDANCE : Toubé Dakio contre les commémorations grandioses

Publié le jeudi 14 janvier 2010 à 01h40min

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La façon dont est commémorée la fête de l’indépendance du Burkina n’est pas du goût de Toubé Clément Dakio, président du parti UDD. Il fustige particulièrement, dans le texte ci-dessous, le faste déployé et ne croit pas que la commémoration tournante développe les régions.

Au lendemain de l’indépendance du Burkina alors Haut-Volta en 1960, les dirigeants politiques se sont proclamés responsables du développement de leur pays et se sont fixé pour objectif l’indépendance économique, condition sine qua non d’une véritable indépendance politique.

Il s’agissait ainsi de libérer le peuple des différentes contraintes et domination de l’ordre colonial et lui permettre de retrouver sa dignité et sa liberté. A présent, cet objectif n’a pas été atteint. En effet, l’économie burkinabè demeure toujours une économie sous-développée, c’est-à-dire une économie pauvre et dominée. Aussi, les aspirations les plus élémentaires de l’homme ne sont pas satisfaites en ce qui concerne la majorité des Burkinabè.

A présent, le peuple burkinabè est livré à la malnutrition, à la misère, à l’ignorance, à la maladie, à la paupérisation croissante et à la dictature. Aussi, l’indépendance est cause de déception pour la majorité des "Fassodé" dont certains se demandent « à quand la fin de cette indépendance ? » car leurs attentes n’ont pas été réalisées : le peuple a déchanté. Le bilan tout à fait négatif de l’indépendance même après 49 ans devrait amener les gouvernants et les citoyens burkinabè à méditer sur ce qu’il faut faire pour redresser la situation peu reluisante actuelle du pays. Une commémoration somptueuse et pompeuse de l’indépendance nationale ne s’impose pas, car son bilan négatif est à méditer et non à fêter.

Le pouvoir (...) de Blaise Compaoré dans sa logique bureaucratique prétend que les réalisations coûteuses dans le cadre de la commémoration délocalisée de l’indépendance répondent à la logique des pôles de développement. Cela n’est pas, à notre avis, convaincant parce que le pouvoir ne peut pas imposer, par décret, le développement à partir de l’implantation d’infrastructures physiques dans certaines capitales régionales. Ces réalisations obéissent plus au clientélisme politique qu’à une volonté réelle de développement car le développement implique une transformation profonde des structures et un changement des mentalités des populations.

D’ailleurs le choix des lieux de commémoration répond avant tout à un critère clientéliste et nullement à un critère économique ou de justice sinon pourquoi ne pas commencer les commémorations par les régions économiquement en retard, c’est-à-dire injustement délaissées par le pouvoir. Autrement dit, il faut réduire les inégalités grandissantes entre les régions du pays au lieu de les accentuer. Or, il n’en est rien. Le pouvoir actuel a vidé la démocratie de son contenu réel, c’est-à-dire de sa substance, laissant ainsi prévaloir la bureaucratie, c’est-à-dire le gouvernement par les bureaux.

Or, c’est de la participation du peuple que dépend la réussite des opérations de développement. Le peuple doit être non seulement informé et conseillé, mais aussi écouté. L’expérience des pays développés montre que le progrès économique d’une population prend sa source avant tout dans son travail et son effort propres.

Or, le pouvoir bureaucratique actuel, préoccupé à se maintenir toujours au pouvoir, n’organise pas la société burkinabè en fonction de la croissance. Les anti-valeurs des civilisations industrielles (jouissance matérielle, appât du gain facile, volonté de puissance) se propagent plus vite que les valeurs de cette civilisation (travail, épargne) souvent dénaturées ou perverties.

La croissance sur la base de pôles de développement régionaux voulue par le pouvoir exacerberait les inégalités sociales, politiques et régionales déjà sécrétées par la croissance. Certes, le progrès se développe à partir de certains pôles, mais ces pôles peuvent, si on n’y prend garde, aspirer à leur profit toutes les capacités de développement économique. Ils désertifient leur environnement et l’écrasent.

Il faut donc organiser volontairement la diffusion de la croissance au Burkina. A cet égard, un développement autocentré et volontairement intégré est plus juste et économiquement plus efficace que la croissance à partir de pôles de développement. Si le pouvoir essaie de justifier les dépenses considérables dans le cadre de la commémoration délocalisée de l’indépendance nationale, si le pouvoir berne la population, c’est que ces dépenses par leurs montants élevés et la justification irrecevable de l’objectif prétendu choquent beaucoup de citoyens conscients. Mais il ne faut pas chercher midi à quatorze heures. Ces réalisations aboutissent seulement au clientélisme politique car nous ne pensons pas qu’à l’état actuel des choses, la croissance puisse partir de ces réalisations, c’est-à-dire que celles-ci puissent jouer le rôle de pôles de développement. Ce développement, soit dit en passant, est totalement en contradiction avec le développement solidaire du président Blaise Compaoré. Mais il est vrai qu’en réalité ce développement prétendu solidaire est un développement solitaire au profit du pouvoir et de sa clientèle politique. Si le pouvoir voulait vraiment promouvoir le développement du pays :

- il commencerait par s’atteler à satisfaire les besoins fondamentaux de la population : nourriture, santé, éducation, logement, vêtements, eau potable, dignité, égalité, indépendance ;
- il desserrerait les contraintes économiques et sociales qui pèsent sur le monde rural car l’agriculture vivrière reste repliée sur elle-même en dehors des circuits commerciaux et monétaires ; elle subit la domination des commerçants et des usuriers qui la privent d’une partie de sa production et l’empêchent de se moderniser.

Construire des échangeurs à Ouaga et implanter des infrastructures flambant neuf dans des capitales régionales, c’est renoncer à la réalisation de beaucoup d’écoles, de dispensaires, de routes, de petits ponts, de forages, de retenues d’eaux, etc., qui seraient disséminés sur l’ensemble du territoire national. Mais on sait qu’il est plus facile de construire des échangeurs à Ouaga et d’implanter des infrastructures dans les capitales régionales que de faire accroître la production agricole au profit de l’ensemble de la population du pays.

On sait aussi que ces réalisations prestigieuses reçoivent facilement l’aide liée de l’étranger. Cependant, il ne faut pas trop compter sur l’aide extérieure car elle sera toujours insuffisante et elle perpétue la domination dont on veut se libérer. L’aide extérieure ne doit pas être rejetée, mais elle doit être utilisée de la façon la plus efficace possible. Il faut éviter qu’elle n’engendre une situation permanente de dépendance non seulement économique mais aussi psychologique, c’est-à-dire que le Burkina ne peut concevoir son développement, son avenir que dans le cadre d’une assistance indéfinie, d’une politique de la main tendue. Et puis, on peut dissimuler des détournements de réalisations qui obéissent au clientélisme politique en prétendant que ces réalisations sont faites pour promouvoir le développement du pays. On sait encore que ces réalisations prestigieuses frappent l’imagination de la population. Elles constituent donc un excellent moyen de propagande pour le pouvoir. On sait enfin que nombre de Burkinabè vivent dans des conditions de vie extrêmement dures. Les "Fassodé" savent tout cela et cela les révolte. Ils le subissent, mais ne l’acceptent pas.

C’est pourquoi il importe que les deniers publics soient gérés dans l’intérêt de tous les Burkinabè et non seulement au profit de la clientèle politique du pouvoir. L’extrême pauvreté dans laquelle le pouvoir actuel maintient les "Fassodé" est inacceptable car on dispose aujourd’hui de techniques qui permettent d’être beaucoup plus performant en matière économique. La pauvreté est une dénégation des droits fondamentaux de l’homme contenus dans la déclaration des droits humains. Les Burkinabè qui se conscientisent et se politisent de plus en plus chaque jour ne laisseront plus longtemps leurs droits foulés aux pieds par qui que ce soit, ils se libéreront.

Toubé Clément DAKIO Président de l’UDD

Le Pays

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