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Nomination des gouverneurs : La montagne a accouché de 13 souris

Publié le lundi 2 août 2004 à 14h32min

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Le conseil des ministres en sa session du 30 juillet 2004 a procédé à la nomination des gouverneurs des 13 régions du Burkina Faso. Décision tant attendue et qui suscite bien des commentaires. Car, si le suspense est fini, force est de reconnaître que l’opinion s’attendait à des personnalités de plus grande envergure. Mais qui sont ces nouveaux gouverneurs ?

On l’attendait depuis longtemps cette nomination des gouverneurs. Au point qu’on se demandait si elle allait avoir lieu un jour. La nature ayant horreur du vide, Dame Rumeur avait pris place. Dans les gargotes et les lieux de service, chacun y allait de son pronostic, misant sur telle où telle personnalité qui ferait un bon gouverneur. Ne sommes-nous pas au pays du PMU’B ?

Mais depuis la réunion du conseil des ministres du 30 juillet 2004, présidé par l’enfant de Tansarga, le premier ministre Ernest Paramanga Yonli, les 13 gouverneurs de régions sont connus. De ces postes de gouverneur, beaucoup d’analystes politiques pensaient que ce seraient des garages pour des politiciens en perte de vitesse ou encore qu’ils seraient destinés à des ministres déflatés des précédents gouvernements. Finalement il n’en est rien. La plupart des nominés sont montés en grade, en commençant par les hauts-commissaires. Quatre des 13 l’étaient.

Les hauts-com. montent en grade

Fatimata Legma des Balé a été à l’époque révolutionnaire présidente de l’Union des femmes du Burkina (UFB). D’abord directrice régionale de la Promotion sociale du Centre, cette ressortissante de Diabo qu’on dit battante a été député du Gourma avant d’être nommée haut-commissaire. C’est désormais le nouveau gouverneur du Centre-Nord, Kaya. Ruth Savadogo pour sa part a été successivement haut-commissaire du Kourwéogo, du Kadiogo et du Bazèga. Boureima Bougouma, lui, était le prédécesseur de Ruth au haut-commissaire du Kadiogo. Celui qui, à l’inauguration du siège du haut-commissaire avait dans son discours annoncé que le futur gouverneur allait établir ses pénates dans cet immeuble savait sans doute de quoi il parlait puisqu’il n’aura pas besoin d’aménager un bureau pour ce dernier.

Youssouf Roamba quant à lui a fait successivement le Namentenga, l’Oudalan, le Boulgou et le Ziro. Le voici à présent Gouverneur de la région des Cascades (Banfora). Parmi les anciens ministres, notons le grand retour de Banworo Seydou Sanou. Pour lui, on peut parler d’un come back retentissant et pourquoi pas la fin d’une traversée du désert. Car après avoir été ministre, il n’était devenu qu’un simple fonctionnaire de l’Administration. D’abord secrétaire général du MEBA, il fut député à la première législature. A la 2e mandature de l’Assemblée nationale, il est ministre de l’Enseignement de base remplaçant Alice Tiendrébéogo qui est allée à la Promotion de la femme. Aujourd’hui, c’est le gouvernorat du Centre-Ouest qui l’attend.

De lui, les journalistes retiennent une phrase célèbre à lui prononcée lors de l’inauguration d’une école construite par le Gomiss Naba à Tenkodogo : "Aujourd’hui, l’origine de l’argent importe peu. C’est l’utilisation qu’on en fait qui compte". Pascal Benon, le tout nouveau gouverneur de la région de la Boucle du Mouhoun (Dédougou), est originaire de la Sissili (Léo) ; ancien député CDP, inspecteur d’Etat, il fut secrétaire général du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Soit dit en passant ce farouche opposant à la peine de mort a été autrefois SG du Syndicat des agents de l’Administration générale (SAPAG).

Ouangrawa : de commissaire à gouverneur

L’armée et la police n’ont pas été non plus oubliées dans ce partage de gâteaux à travers la nomination du commandant Victor Emmanuel Kam et celle d’un commissaire, bien connu des commerçants de Rood-Woko, l’ancien patron du Commissariat central de Ouaga et précédemment directeur régional de la police du Centre, Rasmané Ouangrawa. Qualifié d’assez humble, il est originaire du village de Doundoulma. Bila Dipama, nommé gouverneur de la région du Sahel (Dori), est du sérail de l’Education depuis belle lurette.

Inspecteur de français, il a été conseiller technique du ministre des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique avant d’en être le secrétaire général. C’est un cadre dont on dit qu’il maîtrise bien son boulot. Parlant de come back à propos de Banworo Seydou Sanou, nous pourrions mettre dans cette même catégorie, celui de Bêbrigda Mathieu Ouédraogo, juriste de formation. Il a été secrétaire général du CBC en remplacement d’Augustin Karanga. Originaire de Yako, il était comme qui dirait sur la pente raide, pour cause de divergences politiques dans sa région avec les puissants du CDP.

Son nouveau collègue, Jacob Ouédraogo, avant d’être nommé gouverneur du Centre-Est, avec pour chef-lieu Tenkodogo, a fait comme haut-commissaire le tour de deux provinces, le Yatenga et l’Oubritenga, la province "présidentielle". L’ancien directeur de l’Office national pour la promotion de l’Emploi (ONPE), Dieudonné Marie Yaméogo, lui s’en va gérer le gouvernorat chez les Yadsés au Yatenga. Enfin, Mme Hien Pauline Marie Antoinette Winkoun née Somé, socio-économiste, semble être l’illustre inconnue du lot. Elle va désormais s’atteler à la fonction de femme gouverneur dans la région du Centre-Sud, à Manga.

Des postes administratifs de plus ?

Aujourd’hui, nous avons donc "nos gouverneurs" avec tout ce que cela comporte comme augmentation de dépenses pour le budget de l’Etat (locaux, personnel, véhicules de fonctions...). C’est vrai que ces nominations sont censées rapprocher l’administration de l’administré, mais le gain n’est pas évident. D’aucuns voient plutôt ces gouvernorats comme une stratégie pour mieux conforter des assises politiques surtout pour l’échéance présidentielle à venir.

Par ailleurs, au vu du suspense entretenu autour de cette nomination, beaucoup s’attendaient à de meilleurs poids lourds du landerneau politico-militaire. Comparaison n’est certes pas raison, mais reconnaissons que pour mieux ancrer ces régions dans le paysage politico-administratif du Burkina, des personnalités dotées d’une stature certaine auraient mieux fait l’affaire. Banworo, Bêbrigda, Bougouma et compagnie ont certes beaucoup de mérite et d’expérience des choses et des hommes, mais convenons que devant un Bongnessan, un Mélégué, un Kilimité ou un Lougué, que certains s’attendaient à voir, ils n’en mènent large.

Mais peut-être les Eléphants ne sont-ils pas intéressés par ces nouveax machins, car pour une grosse légume, même en perte de vitesse, ça peut ressembler à un exil intérieur. Contrairement à ce qu’enseigne cette locution proverbiale, il vaut mieux parfois être second en ville que premier au village. Sans oublier qu’à un an de la présidentielle, l’heure n’était peut-être pas aux grands déménagements. Au vu de toutes ces considérations, nous pouvons à juste titre dire que la montagne a accouché d’une souris, pour ne pas dire de treize souris.

Issa K. Barry


C’est quoi un gouverneur ?

L’organisation actuelle du territoire est consacrée par la loi n° 041/98/AN du 6 août 1998 modifiée par la loi n° 13/2003/AN du 2 juillet 2003, portant création de région. Au terme de ces lois, le Burkina Faso est organisé en collectivités décentralisées et en circonscriptions administratives. Les circonscriptions administratives sont des cadres de représentation de l’Etat et de coordination des activités des services déconcentrés de l’Etat. Elles sont des subdivisions du territoire national, non dotées de la personnalité morale. Ce sont de démembrements de l’Etat.

Les circonscriptions administratives sont les régions et les provinces. Le territoire de la région comprend des provinces, des départements, des communes et des villages. Il existe 13 régions. Le siège des services de la région est un gouvernorat. La région est administrée par un gouverneur nommé en conseil des ministres. Le gouverneur de région est le dépositaire de l’autorité de l’Etat dans la région. Il est délégué du gouvernement et représentant direct de chaque ministre dans la région. Le gouverneur est administrateur des crédits de l’Etat alloués à la région et aux services déconcentrés de l’Etat dans la région. Il reçoit du gouvernement les directives et les instructions concernant la politique nationale et régionale.

Le gouverneur de région veille à l’exécution des lois, des règlements et des décisions du gouvernement dans la région. Il a la charge des intérêts nationaux et de l’ordre public dans la région. Il coordonne l’activité des services régionaux de l’Etat. Le gouverneur assure la mise en œuvre des politiques de l’Etat en matière économique, de planification et d’aménagement du territoire. Il est officier de police judiciaire. Il est créé auprès du gouverneur un organe consultatif appelé conseil consultatif régional pour le développement et dont le rôle principal est de donner son avis sur les plans et programme de développement de la région.

I.K.B.

Source : Communication sur l’organisation administrative actuelle du territoire au Burkina Faso. Présentée par Ernest Diarra et Idrissa Soré

L’Observateur

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