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GABON : La transition joue déjà les prolongations

Publié le mercredi 24 juin 2009 à 04h31min

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L’article 13 de la Constitution gabonaise stipule que l’élection du Président de la République doit s’effectuer, une fois faite la constatation de la vacance du pouvoir, au plus tôt après 30 jours et au plus tard 45 jours, sauf cas de force majeure. Forts de cette disposition constitutionnelle, les potentiels candidats à la succession de feu Omar Bongo Ondimba, et sans doute de nombreux gabonais avec eux, s’activaient et fourbissaient leurs armes.

Il fallait juste attendre que les obsèques du défunt prennent fin. Mais bien vite, la réalité du terrain finit par s’imposer aux uns et aux autres, car les contraintes de temps imposées par ladite disposition constitutionnelle se sont révélées bien vite aux yeux de tous. Et alors, au Gabon, comme ailleurs, on se met à s’interroger au sujet de la future présidentielle : aura-t-elle lieu dans le délai imparti ou non ?

Les récents propos du Premier Ministre Jean Eyéghé Ndong viennent faire la lumière sur la question et permettent de voir que les autorités gabonaises auront opté pour la voie du réalisme : l’élection présidentielle n’aura plus lieu dans les 45 jours et il faut s’attendre à un report certain. A vrai dire, presque tout le monde s’attendait à cette décision qui relève du simple réalisme. Car, à y voir de près, on ne perçoit pas comment, au vu de l’immensité de la tâche qui entoure l’organisation de cette présidentielle, le Gabon aurait pu s’obliger à tenir raisonnablement ces échéances, et réaliser la prouesse d’offrir des scrutins sains et crédibles à ses ressortissants. Et ce, pour plusieurs raisons. Dans d’autres pays, la période de transition s’étend sur un temps beaucoup plus large : 90 jours. Mais même là, nul ne s’est jamais plaint de la longueur des délais accordés par la Constitution de ces pays. Bien au contraire, il y a tant et tant à faire que les 3 mois passent bien vite ; et bien souvent même, ne semblent pas suffire. Le délai imparti par la loi fondamentale gabonaise étant plus court de moitié, on se doutait bien qu’il lui faudrait à tout le moins une prolongation.

Et puis, il y a que cette élection devra se tenir au Gabon, un pays qui a, 40 années durant, connu le seul et même chef d’Etat. Au plus bas mot, on dira que ce pays n’a pas vraiment l’habitude d’organiser des élections présidentielles. Tout y sera presque neuf pour beaucoup d’acteurs, et la prudence recommande dans des cas similaires, de bien prendre le temps pour bien faire les choses. La grande tâche qui attend les différents protagonistes ayant en charge l’organisation de ce scrutin, demeure sans doute la mise à jour du fichier électoral. Des révisions devront voir le jour. Nécessairement. Et elles devront prendre en compte, de façon effective, les électeurs décédés, ainsi que les nationaux ayant 18 ans révolus. Et sans doute, plus tard, ce fichier devra être actualisé, si toutefois il se trouvait de potentiels électeurs qui constatent que leur nom n’y figure pas. Une tâche titanesque, assurément et qui est d’extrême importance. Car, dans de nombreux pays du continent africain, la question de l’acceptation du fichier électoral constitue régulièrement la pierre d’achoppement, car les fraudes électorales tant redoutées y trouvent souvent leur origine. A cette difficile question de remise à jour du fichier électoral, viennent s’ajouter les procédures d’établissement et de délivrance des cartes électorales impératives pour tout électeur.

Elles ne s’établissent pas en un tournemain. Sans oublier la mise en place du matériel électoral, ainsi que la fabrication des imprimés électoraux. Dernier obstacle et pas le moindre, la proposition par la Commission électorale nationale autonome et permanent (CENAP) des 118 commissions électorales locales et autres 52 commissions électorales consulaires, proposition qui devra être faite au gouvernement, et pourrait prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Le premier ministre Jean Eyéghé Ndong aura vu juste. Les Gabonais dans leur ensemble l’auront d’ailleurs compris, qui accueillent le report du scrutin présidentiel avec un soulagement non simulé. Et les candidats potentiels auront sans doute un peu plus de temps pour fourbir leurs armes. Mais existent toujours de véritables interrogations quant à celui ou celle qui sera le successeur de feu Omar Bongo Ondimba.

Qui sera le digne héritier de celui qui aura dirigé le Gabon, une quarantaine d’années durant et qui s’en est allé sans laisser vraiment de dauphin désigné ? Le PDG veut-il forcément quelqu’un qu’il choisira à l’intérieur du clan présidentiel ? Et surtout, y aura-t-il un vrai consensus en la matière ? Il n’est pas inutile de se poser pareilles questions car même lorsqu’on sait que beaucoup pensent que Ali Bongo est le successeur presque désigné, des candidatures parallèles ne sont pas toutes à exclure. Des pontes dudit PDG trouveront là une excellente occasion de saisir leur chance et il faudra sans doute user de beaucoup de talents de persuasion pour les en dissuader. Sans compter que subsiste la possibilité du vote ethnique, manœuvre qui, pour être dangereuse, n’en est pas moins réelle. Le pouvoir se trouvant essentiellement entre les mains des Batékés, pourtant groupe ethnique minoritaire, il n’est pas saugrenu de penser que les Fangs majoritaires décident de jouer, à l’occasion de ce scrutin présidentiel, la carte de l’appartenance ethnique. Mais demeure une grande question : car s’il est à présent certain que les élections ne se tiendront pas dans les 45 jours prévus par la Constitution, il n’existe pas encore de précision quant à la date exacte de leur tenue.

C’est peut-être là une brèche qu’il faudra songer à rapidement combler. Car même en politique, la nature peut avoir horreur du vide. Le report de ce scrutin présidentiel est déjà un excellent point à mettre à l’actif des autorités gabonaises, car elles font preuve de leur détermination à offrir des élections qu’elles auront préparées et mûries dans la sérénité. Il faut espérer que ce qui reste à faire suive la même voie de la recherche de l’excellence et refuse de sombrer dans la précipitation trop facile certes, mais malheureusement bien dangereuse. La sagesse commande de bien prendre le temps pour bien faire les choses. Refuser de s’y appliquer paie souvent cash : ce qu’on décide de faire sans le temps, le temps se charge de le détruire.

"Le Pays"

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