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Financement du processus électoral en Côte d’Ivoire : Un gap d’environ 80 milliards de F CFA à combler de toute urgence

Publié le jeudi 17 juillet 2008 à 12h34min

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Le Comité d’évaluation et d’accompagnement (CEA) de l’Accord politique de Ouagadougou a tenu le 10 juillet dernier sa 5e réunion dans la capitale burkinabè. A l’occasion, le représentant spécial du Facilitateur du dialogue direct interivoirien, Boureima Badini, a présenté un rapport d’étape sur la mise en oeuvre de l’Accord politique. Nous vous proposons ci-dessous l’intégralité du rapport duquel il ressort par exemple qu’il y a un gap de l’ordre de 80 milliards à combler de toute urgence pour pouvoir financer correctement le processus électoral.

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Depuis la quatrième réunion du CEA (Comité d’évaluation et d’accompagnement) tenue à Ouagadougou le 21 mars 2008, le processus de sortie de crise en Côte d’Ivoire a évolué dans un contexte marqué par une amélioration continue de la situation sécuritaire confirmée par la décision prise à la mi-mars par les Nations unies de revoir à la baisse les niveaux du plan de sécurité selon les différentes zones dans le pays.

Grâce à cette embellie, les activités politiques et économiques, marquées par le dynamisme des partis politiques et les initiatives fortes du gouvernement en matière de bonne gouvernance ainsi que par un regain d’intérêt des milieux d’affaires pour la Côte d’Ivoire, se déroulent dans une atmosphère plus sereine sur l’ensemble du territoire national. L’activité diplomatique, quant à elle, a connu une intensité toute particulière avec la visite du Secrétaire général des Nations unies et la tenue de grands fora tels que la 12e réunion de haut niveau du groupe des 77 et la Chine.

Ces importants acquis sont assurément à mettre à l’actif du président Laurent Gbagbo, du Premier ministre Guillaume Soro et de son gouvernement ainsi que des acteurs de la scène politique ivoirienne qui ont toujours su démontrer leur volonté et leur détermination à mettre en œuvre l’Accord politique de Ouagadougou (APO).

C’est dans cette conjoncture que le processus de sortie de crise, en dépit de diverses contraintes, continue d’enregistrer d’importantes avancées grâce aux efforts conjugués des différentes parties concernées avec l’appui des partenaires de la Côte d’Ivoire auprès desquels des ressources supplémentaires sont attendues pour le financement des programmes urgents de sortie de crise.

Le présent rapport fait l’état d’exécution des mesures en cinq (5) points contenues dans l’APO, depuis la tenue de la dernière réunion du CEA, et consacre un point particulier à la question du financement du processus de sortie de crise.

I - De l’identification générale de la population

Les opérations liées à l’identification générale de la population sont exécutées à un rythme relativement satisfaisant tandis que le processus électoral connaît une bonne évolution.

Les opérations exceptionnelles d’audiences foraines débutées le 25 septembre 2007 ont clôturé le 15 mai 2008, conformément aux dispositions de l’APO. Il ressort du bilan officiel que six cent cinquante-huit mille cinq cent soixante-six (658 566) jugements supplétifs d’actes de naissance ont été délivrés.

Devant les succès indéniables de ces opérations et au regard des besoins exprimés, le gouvernement a décidé d’organiser incessamment des audiences foraines de rattrapage sur toute l’étendue du territoire national avec cinquante (50) équipes qui travailleront sur une durée maximum de quinze (15) jours. Cette décision, il faut le rappeler, fait suite à une recommandation de la troisième réunion du Cadre permanent de concertation (CPC) tenue à Yamoussoukro le 9 mai 2008.

Quant à la reconstitution des registres d’Etat civil perdus ou détruits, il faut souligner que la première phase de cette opération a été lancée le 19 mai 2008 et a permis la désignation de l’opérateur du projet, en l’occurrence le Bureau d’appui aux services de projets des Nations unies (UNOPS) qui a démarré la supervision du recrutement et de la formation des agents chargés de l’opération, en même temps que l’acquisition du matériel et la mise en place de la logistique.

Il faut toutefois espérer que le couplage de cette opération avec le projet de modernisation de l’Etat civil n’entraînera pas des retards par rapport aux objectifs premiers liés au processus électoral.

Il - Du processus électoral

Depuis la dernière réunion du CEA, les étapes décisives suivantes ont été franchies dans la mise en œuvre du processus électoral :

- fixation de la date de l’élection présidentielle au 30 novembre 2008 ;

- installation à plus de 95% des 430 Commissions électorales indépendantes (CEl) locales ;

- recrutement en cours de 20 000 agents pour le recensement électoral ;

- signature de textes fondamentaux (trois décrets et une ordonnance) relatifs au processus électoral ;

- signature de la Convention entre l’Etat ivoirien et la société Sagem¬-Sécurité pour la mise en œuvre des opérations d’identification de la population et du recensement électoral.

Toutefois, en ce qui concerne l’application du décret portant mode opératoire de l’identification, l’on pourrait envisager la création d’un mécanisme de veille afin d’éviter que les éventuelles difficultés qui pourraient surgir de son exécution ne soient source de blocage de nature à compromettre le bon déroulement du processus électoral.

Concernant l’élaboration du Plan de sécurisation global du processus électoral, un "Plan d’initiation de la sécurisation du processus électoral" a été élaboré par les Forces impartiales et soumis à la réflexion des différentes parties. L’on s’interroge cependant sur l’opérationnalité du Centre de commandement intégré (CCI) dont la contribution à l’élaboration du Plan de sécurisation est attendue.

Pour la mise en œuvre de la certification, l’ONUCI et la facilitation sont en concertation permanente dans le cadre d’un organe de veille qui a déjà tenu cinq (5) réunions. Les deux parties partagent les informations et l’analyse sur l’évolution du processus et proposent d’anticiper si nécessaire les actions à mener sur les questions cruciales.

III - Des forces de défense et de sécurité

Au titre des FDS, si le regroupement des ex- combattants FAFN se poursuit avec des contraintes liées au paiement des allocations mensuelles forfaitaires, le démantèlement des milices attend toujours d’être opérationnalisé. La réflexion sur la restructuration et la refondation de l’Armée a été lancée. La question des quotas, des grades, des soldes et des carrières doit être urgemment réglée. Je voudrais ici, avec votre permission, féliciter le Premier ministre pour la sérénité et l’efficacité avec lesquelles il a su gérer les récents événements survenus en zone CNO. Quant au Programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire (PNRRC) et au Programme de service civique national (PSCN) qui ont démarré leurs activités mais fonctionnent difficilement, il faut affecter rapidement à ces deux programmes qui déterminent la réussite du DDR et du DDM, des ressources financières conséquentes et immédiatement disponibles pour leur bonne exécution.

Dans cette dynamique de la réinsertion des ex- combattants, le représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, monsieur Choi, annoncera sûrement de bonnes nouvelles dont il est le porteur.

IV - De la restauration de l’autorité de l’Etat et du redéploiement de l’administration sur l’ensemble du territoire national

Concernant le redéploiement de l’administration, il convient de saluer les efforts du gouvernement et des autres parties concernées pour rendre effective cette importante opération (réhabilitation en cours des tribunaux, mise en place d’un cordon douanier mixte) ; et de les encourager à intensifier ces efforts pour l’installation et le fonctionnement effectifs dans les meilleurs délais de l’administration judiciaire et de l’administration fiscale et douanière dans le cadre du rétablissement de l’unicité des caisses de l’Etat en zone CNO.

V - Des mesures visant à consolider la réconciliation nationale, la paix, la sécurite et la libre circulation des personnes et des biens

Il convient ici de saluer et d’encourager toutes les initiatives prises par le gouvernement, les forces politiques et les organisations de la société civile pour la consolidation de la paix et de la cohésion nationale, à travers une promotion accrue du dialogue inclusif et la mise en œuvre scrupuleuse d’autres mesures de régulation telles que le Code de bonne conduite des partis politiques et le Guide des médias en période électorale.

VI- Du financement du processus de sortie de crise

S’agissant en particulier de cette question préoccupante, les efforts appréciables déjà déployés par le gouvernement ivoirien pour la mobilisation des ressources budgétaires, dans un contexte économique difficile (paiement d’arriérés de dettes extérieures, mouvements sociaux relatifs à la vie chère notamment), méritent notre soutien et nos encouragements.

Aussi convient-il de saluer la normalisation des relations de coopération de la Côte d’Ivoire avec les institutions financières internationales, notamment la Banque mondiale, le FMI et la BAD, qui ont toutes pris de nouveaux engagements avec ce pays pour l’accompagner dans la sortie de crise et la reconstruction.

J’ai souvent pensé, peut-être à tort, qu’un pays qui sort d’une si longue crise pouvait bénéficier d’un différé de paiement de ses dettes afin de le soutenir dans l’effort de normalisation.

Excellence, je tiens à réitérer mes remerciements aux partenaires techniques et financiers de la Côte d’Ivoire pour leur appui constant au processus de sortie de crise et de les exhorter à accompagner sans relâche les efforts de la Côte d’Ivoire par des financements additionnels nécessaires au bouclage des programmes en cours d’exécution.

A défaut d’un élan de solidarité immédiat, le chronogramme du processus électoral court le risque de ne pas pouvoir être respecté ; ce qui pourrait remettre en cause l’échéance de l’élection présidentielle du 30 novembre 2008.

Il s’agira de résoudre la question cruciale du financement du Service civique, du PNRRC, et du paiement à la société Sagem, ainsi que le financement du processus électoral. Un gap important de l’ordre de 80 milliards de F CFA à combler urgemment a été dégagé par le gouvernement ivoirien. Comme solution interne, il pourrait s’agir pour le gouvernement de prioriser le financement des programmes urgents devant conduire à réaliser la date de l’élection présidentielle du 30 novembre 2008. Le reste pouvant être intégré dans des financements ultérieurs à budgétiser ou à rechercher.

De même, le gouvernement ivoirien devrait être encouragé à prendre de nouvelles initiatives pour mobiliser davantage de ressources en vue de financer les différentes opérations, en travaillant par ailleurs à lever une des entraves à la mobilisation des ressources qu’est la faiblesse du taux d’absorption.

Conclusion

Tous ces défis demandent un engagement sincère des acteurs et partenaires pour une mise en œuvre réussie du processus.

Au moment où une aide plus importante est attendue de la communauté internationale, la Facilitation devrait plus que jamais œuvrer à une mobilisation accrue des principaux acteurs de la sortie de crise pour assurer la mise en œuvre de l’Accord politique de Ouagadougou, notamment en ce qui concerne le financement et la sécurisation du processus, sans oublier la relance économique et la réunification effective de la Côte d’Ivoire.

Boureima BADINI
Officier de l’Ordre national

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