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Quelle crise ça !?

Publié le lundi 9 juin 2008 à 12h44min

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De toute évidence, nous nageons en pleine politique politicienne et personne n’est dupe de ce que derrière les discours et les actes des uns et des autres se cachent des desseins que chacun dissimule du mieux qu’il peut. Est-ce cela qui incite les autres acteurs de la scène sociopolitique, notamment les croisés de la vie chère, à vouloir garder leur identité propre et à porter eux-mêmes leurs revendications ? On est en droit de le penser, d’autant que là aussi on fait dans la surenchère comme pour se convaincre davantage de sa légitimité.

Réformes par-ci, refondation par-là, le landerneau politique semble ne plus s’entendre parler, alors que sur le front social c’est la lutte contre la vie chère qui mobilise. Chacun fait feu de tout bois comme s’il s’agissait beaucoup plus d’un hit parade que d’autre chose, puisque malgré les atomes crochus qui devraient les attirer les uns vers les autres, ils agissent en solitaire, s’ignorant au passage comme s’ils étaient en compétition. On a l’impression d’être en présence de vautours se disputant une charogne. Le Burkina Faso serait-il aussi mal en point ? Une question, il est plus que temps, que chacun devrait se poser et tenter d’y répondre sans ses œillères. Personne ne semble vouloir en prendre le chemin comme si chacun avait un intérêt particulier à s’enfermer dans ses rêves, disons plutôt dans ses cauchemars, parce que les tableaux qu’on nous présente sont tout sauf réjouissants.

A ce jeu, la palme reviendrait sans aucun doute aux refondateurs dont les analyses sont pour le moins fort de café puisque concluant à une nécessaire « remise à plat » de toute l’architecture de la nation et de l’Etat en vue d’une refondation au prétexte que le pays serait au bord de l’implosion. Crise économique, crise dans toutes les branches de la société, crise dans l’Armée, crise des institutions, crise de la représentation nationale…, le Burkina Faso ne serait qu’un volcan en ébullition, qui explosera d’un instant à l’autre si on en croit Me Hermann YAMEOGO et ses « amis ». Comme à son habitude, il vole à la rescousse de la République pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être. C’est un avis comme tout autre, et même s’il est décapant, il est loin d’être inédit dans le domaine. En effet, un certain parti politique clandestin, qui œuvre toujours en marge de la République n’en pense pas moins avec pour lui l’avantage d’une certaine cohérence tant dans le discours, que dans l’esprit qui le fonde. Cela est loin d’être le cas pour nos refondateurs d’aujourd’hui dont, aussi curieux que cela puisse paraître, les particularités ne résident pas seulement la diversité des courants idéologiques qui les irriguent mais aussi dans le fait qu’ils sont ces grands perdants des dernières élections législatives qui les ont vu disparaître de l’hémicycle.

Ceci explique-t-il cela ? Beaucoup le pensent même si les concernés rejettent le fait et jurent la main sur le cœur n’avoir d’autres desseins que de sauver la République. D’ailleurs, même si cela était, ce ne saurait être une raison suffisante pour leur dénier le droit de rêver et d’œuvrer à une autre République qui leur ferait plus de place. Mais encore leur faudrait-il avoir les moyens de leur politique. Car même si Me Hermann YAMEOGO assure que partout où ils sont passés, c’était comme si on n’attendait qu’eux et que le peuple burkinabè serait mûr pour leur refondation, on peut raisonnablement en douter.

La partie s’annonce difficile pour eux car avec leur ton cassant, leurs analyses tranchées qui excluent de fait tout consensus, l’impression qu’ils donnent à tort ou à raison d’en vouloir à tout le monde (pouvoir comme opposition représentée à l’Assemblée nationale) alors que le rapport des forces est loin d’être en leur faveur ne milite pas pour eux d’autant que ceux-ci sont eux aussi engagés dans un processus de « refondation » à leur goût.

En effet, se tablant sur ses prérogatives constitutionnelles, l’Assemblée nationale n’a pas attendu les refondateurs pour remettre sur l’ouvrage un certain nombre de textes sur lesquels le consensus était rompu depuis quelque temps. Ainsi ont été mises en œuvre des commissions ad hoc qui ont planché sur le code électoral, le financement des partis politiques, le statut de l’opposition et les quotas de représentation des femmes dans les sphères de décisions. Même la vie chère a été auscultée. On a vu et entendu ces commissions recevoir ou être reçues par des acteurs de la scène socioéconomique et politique. On pourrait le dire, elles ont ratissé large et il semble qu’elles ont œuvré sans complaisance à telle enseigne que sur nombre de points elles ont aligné des litanies de propositions et de suggestions dont la pertinence est discutable parce que tout simplement irréalistes ou en tout cas difficilement réalisables dans le contexte actuel du Burkina Faso.

Au contraire des refondateurs, nos parlementaires ont néanmoins la chance d’avoir avec eux la légalité et surtout la légitimité car, quoi qu’on puisse dire du scrutin qui les a fait députés, les mêmes règles ayant été appliquées à tout le monde et dans le même temps, à moins d’être de mauvaise foi, on ne peut pas décemment traiter leurs actes par-dessus la jambe. Les refondateurs ne peuvent pas se targuer de tels atouts, si fait que leurs propos n’engagent qu’eux-mêmes et ils auraient gagné à convaincre d’abord de leur bonne foi car en la matière le fond et la forme vont ensemble. D’ailleurs, on se demande pourquoi ils ont choisi de se singulariser au lieu de se faire prévaloir auprès des partis représentés à l’Assemblée et d’imposer d’avoir leurs mots à dire dans les processus de réformes engagés au niveau du parlement. Dans le même sens, on est étonné que l’opposition parlementaire et celle extraparlementaire n’aient pas cherché à harmonier leurs points de vue afin de leur donner plus de poids devant la majorité. Bien malin qui pourrait expliquer ces anachronismes.

De toute évidence, nous nageons en pleine politique politicienne et personne n’est dupe de ce que derrière les discours et les actes des uns et des autres se cachent des desseins que chacun dissimule du mieux qu’il peut. Est-ce cela qui incite les autres acteurs de la scène sociopolitique, notamment les croisés de la vie chère, à vouloir garder leur identité propre et à porter eux-mêmes leurs revendications ? On est en droit de le penser, d’autant que là aussi on fait dans la surenchère comme pour se convaincre davantage de sa légitimité.

On peut donc, le dire, ce qui est en jeu actuellement c’est beaucoup plus un combat de positionnement qu’une crise générale de l’Etat ou de la Nation. Ni plus, ni moins. Chacun utilisera le vocable qu’il voudra, et les stratégies qu’il estimera les meilleures pour atteindre ses objectifs avoués ou non avoués, n’y changeront rien. Si le Burkina Faso ne se porte pas bien, d’ailleurs quel est le seul pays sur la planète qui peut prétendre être au nirvana, il est loin d’être en crise. Heureusement pour ceux qui prétendent le contraire.

Par Cheick AHMED
cheickahmed001@yahoo.fr

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