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Désarmement en Côte d’Ivoire : La déclaration inopportune de Simone Gbagbo

Publié le jeudi 8 mai 2008 à 10h52min

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Simone Gbagbo, la première dame de Côte d’Ivoire, aurait dû se taire. Quel besoin avait-elle de jeter l’huile sur le feu en déclarant que la décision prise d’accord commun de donner cinq mois aux Forces nouvelles pour achever le désarmement étaient excessivement long et qu’un mois suffisait pour terminer ce processus ? Il faut rappeler des choses simples. Son pays connaît, depuis de longues années, une crise qui est passée par des périodes de violences dramatiques.

Cette crise a de graves conséquences sur l’économie du pays et de la sous-région et sur la vie d’hommes et de femmes qui aspirent à un bien-être légitime. Depuis deux ans, heureusement, sous les auspices de la communauté sous-régionale, africaine et internationale, un processus de paix a été enclenché qui va son chemin, un chemin évidemment difficile. Tout le monde croise les doigts. On s’avise que, dans un processus de ce genre, les différents acteurs doivent faire preuve de patience et de pondération.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Simone Gbagbo n’est pas dans cet esprit quand elle a fait cette déclaration qui a eu, comme elle pouvait s’en douter, le don d’irriter sérieusement les Forces nouvelles qui demandent des explications et prévoient que cela pourrait avoir des répercussions négatives sur le processus de paix. Décidément, on ne se refait pas. Celle dont nous parlons est une habituée des déclarations péremptoires. Tout de même, on peut se demander si le contexte hautement sensible n’aurait pas pu l’amener à réfléchir par deux fois avant d’user ainsi de sa liberté d’expression. D’autant plus que l’on peut légitimement douter de ses compétences dans le domaine militaire. Il est clair par exemple que l’on ne désarme pas au pied levé. Quand des gens se sont armés et se sont battus, la question de leur désarmement se pose en termes de conditions à remplir, de garanties à obtenir. Ces conditions sont-elles réalisées ? Les Forces nouvelles ont-elles obtenu les garanties suffisantes ? Une analyse politique véritable n’aurait-elle pas dû consister à insister pour que tous les obstacles à un désarmement confiant puissent être levés dans des délais raisonnables ?

On se prend à penser que le désarmement désiré avec tant d’impatience n’est pas un désarmement considéré comme un élément qui participe à la dynamique de la paix. Il est probable que beaucoup de gens dans le camp présidentiel ayant vécu la rébellion comme un affront pour leur pouvoir et pour leur honneur, attendent le désarmement, quel qu’il soit, comme une victoire personnelle, comme une capitulation de fait des Forces nouvelles. D’où la fébrilité et l’impatience du clan Gbagbo. En effet, Simone Gbagbo n’est pas isolée dans l’expression de cette opinion. Avant elle, Pascal Affi N’Guessan et Mamadou Koulibaly avaient fait des déclarations du même genre. C’est donc sans exagération que l’on peut dire que le clan présidentiel attaque le processus tel qu’il a été planifié d’accord commun par les parties prenantes. On peut dire qu’il s’agit d’un positionnement politique dans la préparation, déjà, des échéances futures. Du coup, ces déclarations apparaissent comme étant des propos sectaires, des actions militantes et pas du tout, comme on aurait pu s’attendre, des déclarations responsables. La fragilité d’un tel processus demande de la part des acteurs un minimum de sang-froid et de retenue. Il faut éviter de se livrer à des manoeuvres politiciennes qui ne sont pas du niveau des enjeux du moment, et qui sont susceptibles de provoquer un déplorable retour en arrière.

Et Laurent Gbagbo dans tout ça ? Il est co-auteur du chronogramme qui est dénoncé, avec tant de véhémence, par son entourage le plus proche. Il en est co-auteur avec des partenaires auxquels il doit des explications. C’est bien le moins. On conçoit aisément que les Forces nouvelles se demandent si elles peuvent compter sur lui, si son engagement est réel et fiable, et qu’elles demandent des assurances pour pouvoir faire d’autres pas avec lui en vue de la paix. Et l’on se souvient qu’il est arrivé à Laurent Gbagbo de signer des accords du bout de la plume, et puis d’entrer à Abidjan et d’organiser la résistance ou lui donner de la consistance. On peut donc s’attendre à ce que les partenaires de Laurent Gbagbo se posent des questions. Ce dernier ne joue-t-il pas un jeu trouble ? N’inspire-t-il pas lui-même les attaques de ses partisans contre un processus qu’il gère avec eux ? Si tel n’est pas le cas, d’une part, il doit dire un mot qui calme les esprits ; d’autre part, on peut penser qu’il n’est pas maître en sa demeure. Dans tous les cas (qu’il soit le véritable chef d’orchestre de ces manifestations d’humeur, ou que les choses échappent à son contrôle), il risque d’apparaître comme un partenaire peu fiable.

En tout état de cause, Simone Gbagbo aurait dû se taire. La construction de la paix demande que chacun mette de l’eau dans son vin. Et le bon sens veut que dans une phase aussi délicate d’un processus aussi complexe, chacun agisse dans un esprit de responsabilité en ayant en vue le bien commun qui demande un dépassement de soi. Le code de bonne conduite dont il est justement question dans ce processus est l’exigence que tous les acteurs agissent avec une bonne foi et une bonne volonté. Les populations ivoiriennes paient lourdement le prix de cette crise. La communauté africaine et internationale a, accord après accord, scénario après scénario, soutenu des dispositifs divers pour rétablir la paix. Il est inconcevable que les hommes politiques ivoiriens ne s’élèvent pas au niveau de responsabilités conformes aux attentes légitimes des populations ivoiriennes, de leurs frères et de leurs amis. Le moins qu’on puisse attendre de celui qu’on aide en lui frottant le dos sous la douche, est qu’il daigne se laver la figure.

"Le Pays"

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