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Refondation politique au Burkina : Le pouvoir entrera-t-il dans le jeu ?

Publié le vendredi 18 avril 2008 à 01h44min

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Le concept est dans l’air du temps en Afrique de l’Ouest. La "refondation politique", prospère dans le discours des acteurs politiques, en particulier ceux de l’opposition, qui trouvent à redire au système de gouvernance en vigueur dans nombre d’Etats. Les récriminations sont à peu près les mêmes et traduisent la situation d’impasse dans laquelle se trouvent les processus démocratiques.

Au Sénégal, un front dénommé Siggil a vu le jour, pour interpeller le président Abdoulaye Wade sur certaines dérives de son régime. Une initiative similaire a émergé sur la scène politique burkinabè sous l’appellation "Manifeste pour la refondation nationale". Le constat de l’immobilisme des institutions fait par ce regroupement est partagé par nombre de Burkinabè. Le pouvoir lui-même semble être conscient des risques de cette sclérose après plus de vingt ans de règne. L’arrivée d’un premier ministre longtemps resté à l’étranger, loin des turpitudes de la vie politique nationale, sonne donc comme une volonté de renouvellement interne de l’action gouvernementale. Tel un prophète venu renverser les idoles de la corruption, de la gabegie, du clientélisme et de tous ces maux qui freinent l’avancée du pays, Tertius Zongo a en effet juré de donner un coup de pied dans la fourmilière de la malgouvernance. Malgré sa bonne volonté, force est de reconnaître que la marge de manoeuvre du Premier ministre est très limitée, sa situation ressemblant fort à celle de l’agneau au milieu d’une meute de loups.

Si donc le Burkina a des problèmes de gouvernance et si sa gestion ne donne pas pleinement satisfaction, c’est que les institutions officielles républicaines ne jouent pas correctement leur rôle. Et donc, l’arrivée d’autres structures non étatiques pour aider à débloquer la situation, n’a rien de superfétatoire.

L’histoire revaudra, de ce fait , aux "refondateurs" d’avoir assis leur projet de relance du processus démocratique burkinabè sur le socle du consensus. Le diagnostic fait est juste et la détermination à faire opérer les changements nécessaires semble manifeste. Par ailleurs, le "dialogue inclusif" prôné par les "refondateurs" est l’expression de leur volonté de donner une légitimité à leur mouvement. Plus il fera converger des structures de nature et d’obédience diverses, plus il sera représentatif de la diversité des couches sociales burkinabè. Reste à mener jusqu’au bout ce projet, en le faisant adopter par le peuple et, surtout, le pouvoir.

Les germes de l’échec sont dans la "Refondation" elle-même, si elle ne parvient pas à placer l’intérêt national au-dessus des ambitions personnelles de ses membres. Par le passé, ce genre d’initiative a plutôt pris l’allure de course à la soupe, par l’entrée au gouvernement, que d’une contribution décisive et ferme à l’avènement de l’Etat de droit. C’est en ce sens qu’il ne faut pas exclure de possibles guerres de tranchées entre politiciens dont la compréhension de l’initiative peut s’avérer contradictoire. Certes, le caractère hétéroclite de ce regroupement composé d’opposants et de mouvanciers peut être une source d’enrichissement, mais il court aussi le risque d’être miné par des divisions. Des pionniers ont mis en route l’idée et la font grandir, mais des partis importants de la vie nationale restent toujours en marge du processus. Tous réunis, les partis membres du manifeste de la refondation sont très peu représentatifs dans les institutions électives comme les conseils municipaux et l’Assemblée nationale. La plupart d’entre eux ont déjà eu, d’une façon ou d’une autre, à participer à la gestion des affaires sous ce régime qu’il traite de tous les noms d’oiseaux. D’une part donc ils ne pèsent pas lourd et de l’autre, ils peuvent ne pas être pris au sérieux en raison de leurs allégeances passées. Il faut donc craindre que ce faible poids politique sur l’échiquier national ne soit un obstacle à la prise en compte des recommandations du manifeste. On sait qu’au Burkina, certains tenants du pouvoir ne concèdent à des réformes démocratiques que lorsque les rapports de force sont en leur défaveur.

Les autorités ont toutefois intérêt à porter une attention au projet des "refondateurs". Ce ne serait nullement un signe de faiblesse . La capacité de l’Etat à faire siens, ne serait-ce qu’en partie, les résultats de la cogitation des "refondateurs" sera une marque de maturité politique. En cette période de difficultés diverses, aucune contribution n’est de trop, pour aider à remettre le navire Burkina à flot, si tant est qu’il ait dérivé. Il peut donc entrer dans le jeu de la refondation, qui est une nouvelle dynamique, sans craindre de se dépouiller des attributs du pouvoir.

"Le Pays"

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