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Manifestations contre la vie chère : Le langage violent des citoyens oubliés

Publié le lundi 3 mars 2008 à 11h20min

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La rue a encore dicté sa loi la semaine dernière dans notre pays. Après Bobo-Dioulasso, Ouahigouya et Banfora les 20 et 21 février derniers, le bon petit peuple, composé de marginaux, d’enfants de la rue, de crève-la-faim, de sans-grade, de désœuvrés, de despérados et de jeunes gens de bien désabusés, …ont manifesté dans les rues de Ouagadougou, le jeudi 28 février 2008. Comme à Bobo-Dioulasso, une semaine plus tôt, Ouagadougou, comme par réplique, a aussi connu son jeudi noir.

Donnant libre cours à leurs rancœurs et à leurs pulsions d’agressivité jusque-là refoulées, les manifestants ont perpétré des actes réprouvés de violence et de destruction, à travers des incendies, des casses, des pillages de biens publics et privés... Nombre de rues, dégradées par les pneus enflammés, n’ont plus de feu de signalisation. Téléguidés ou non, les dégâts sont là, hideux et regrettables, provoquant la nausée. Manipulés ou non, ils ont tenu un langage à des années-lumière de la stratégie adoptée par les autorités gouvernementales et les forces vives organisées de la Nation qui ont emprunté le chemin du dialogue et de l’apaisement, après avoir, à l’unanimité, déploré les casses des 20 et 21 février 2008 dans la ville de Bobo-Dioulasso et appelé à la retenue et à la mesure.

Comme pour donner suite immédiatement aux mesures envisagées par le conseil de cabinet du 7 février dernier et à sa stratégie de concertation avec les différents groupes socio-professionnels, le gouvernement, au cours du conseil des ministres du 27 février, a décidé à titre exceptionnel d’exempter des droits de douane pour une période de trois mois les produits de grande consommation importés et appelé les industriels burkinabè à rendre compatibles les prix des produits de fabrication locale avec les conditions d’exploitation et du marché. Rien de tout cela n’a empêché les manifestations violentes du 28 février de se produire.

Tout se passe comme si les manifestants, au-delà de la vie chère, visaient aussi autre chose. Certaines destructions manifestement s’apparentent à des règlements de compte et à des opérations de vindicte populaire, perpétrés à dessein et à des fins inavouables et obscures.
La mentalité du lumpen-prolétariat, qui forme en réalité le gros de la troupe des manifestants, n’a décidément pas varié depuis le XVIIIe siècle, époque où les grands éducateurs du prolétariat international ont théorisé sur la lutte des classes.

Cette catégorie sociale de citoyens, sans base sociale et économique stable, serait prête à servir toutes les causes, des plus nobles aux plus viles. Cette folie destructrice d’un jour, pour elles s’apparente à une séance de psychothérapie collective, apte à lui permettre de se libérer de son trop plein de frustrations et de complexes refoulés. L’effet catharsis obtenu, le calme est revenu aussitôt dès le lendemain. Le positionnement massif des forces de l’ordre à tous les points de la ville les jours suivants ayant eu du reste un effet dissuasif. L’inconvénient majeur de ces événements est que petit à petit, les Burkinabè intègrent dans leur inconscient que rien ne peut s’acquérir que par la violence. Les enfants qui grandissent avec cette mentalité d’iconoclastes pourraient être amenés à perpétuer les pratiques répréhensibles de vandalisme et de rapine pour revendiquer et se faire entendre.

Il faudra alors s’habituer à reconstruire sans fin, ce qu’on a péniblement et patiemment construit, puisque périodiquement, des mécontents, à la moindre occasion feront la casse pour revendiquer ou pour manifester leur insatisfaction ou leur mal-vivre. Un travail de Sisyphe en quelque sorte. Le gouvernement et les élus locaux en particulier ne devraient-ils pas par conséquent instaurer des canaux de communication adéquats, aptes à leur permettre de consulter et d’entendre ces couches de citoyens souvent oubliés, à savoir les gens du secteur dit informel notamment, afin de prendre en compte leurs revendications légitimes pour éviter que les changements souhaités ne s’obtiennent que par la violence ? Il est temps aussi que les bonnes pratiques citoyennes retrouvent leurs droits et reprennent leur place dans la conscience de la jeunesse. Et que le respect du bien public et privé devienne une culture, en lieu et place de la pratique de la casse et de la violence urbaine.

Les manifestations et les revendications légitimes dans l’ordre et la discipline, selon la loi et les règlements en vigueur, honorent leurs auteurs et les placent au rang de citoyens consciencieux et responsables. La violence et la destruction par contre sont des actes de délinquance réprouvés et réprimés. Tout bien considéré, y aurait-il un divorce entre les corps constitués de la Nation et le petit peuple ? Les autorités politiques, à savoir, gouvernement, élus parlementaires, élus locaux, les autorités administratives, coutumières et religieuses ainsi que les forces sociales organisées se seraient-elles coupées des réalités au point d’être débordées de ne plus avoir de prise sur la rue ?

Les questions ne manquent pas, mais les réponses ne sont pas toujours faciles et évidentes. C’est l’opposition qui doit boire du petit lait, les difficultés de la majorité faisant en principe son bonheur.
Tant il est vrai que, selon l’adage, la vie du lion, c’est la mort de la gazelle et vice-versa. Fair play et le triomphe modeste, l’opposition ne semble pas vouloir tirer outre mesure parti de cette passe difficile que connaît le gouvernement. Sans doute en raison du fait que non seulement la voie empruntée par les manifestants sur lesquels elle n’aurait peut-être pas de prise, n’est pas recommandable, mais encore elle est probablement consciente que la conjoncture internationale telle qu’elle se présente de nos jours ne donne pas beaucoup de marge de manœuvre aux tenants du pouvoir, qu’ils soient burkinabè ou autres.

Les industriels et les producteurs burkinabè, dans cette situation, devraient eux, se frotter les mains, car la cherté des marchandises importées devraient leur permettre d’augmenter leur production et de vendre plus facilement les produits locaux tels que le sucre, le riz, le savon, les pneumatiques pour deux-roues, les piles, les huiles alimentaires…Les nationaux devraient pouvoir profiter de cette situation pour liquider leurs stocks et réaliser une plus-value substantielle. L’augmentation de la production locale au détriment de l’importation massive est, de ce fait, susceptible de doper l’économie nationale, créer de nouveaux emplois et redistribuer davantage de revenus à un plus grand nombre de Burkinabè. Alors comme dit l’adage “à quelque chose, malheur est bon”.

Par Jean-Paul KONSEIBO

Sidwaya

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