LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Manifestations contre la vie chère : Ouagadougou entre casse et pillage

Publié le vendredi 29 février 2008 à 10h46min

PARTAGER :                          

Etablissements scolaires, marchés, boutiques, magasins fermés par-ci, pneus brûlés sur des voies publiques, panneaux arrachés, feux tricolores détruits par-là. Tel était le décor que présentait la ville de Ouagadougou dans la journée du jeudi 28 février 2008. C’est une manifestation qui entrait dans le cadre de la lutte contre la vie chère.

Un peu plus d’une semaine après la manifestation suivie de casses à Bobo Dioulasso le mercredi 20 février 2008 et dans d’autres localités du Burkina, ce fut au tour de la capitale, Ouagadougou, de prendre le relais le jeudi 28 février dernier. Au commencement, on avait parlé d’une marche, puis il était question, en lieu et place, d’une opération ville morte, pendant que les autorités faisaient savoir qu’il n’en serait rien du tout et que chacun pouvait vaquer à ses occupations en toute quiétude. Mais c’est tout un autre spectacle que la ville de Ouagadougou a présenté dans certaines zones au cours de la journée du jeudi 28 février dernier. En effet, si des stations d’essence ont ouvert tôt dans la matinée, elles ont dû se raviser par la suite en fermant compte tenu de l’évolution de la manifestation.

A première vue, certains lieux de la ville respectaient bien le mot d’ordre de ville morte. Ainsi, sur l’avenue de l’UEMOA, les boutiques, ateliers de couture, kiosques, restaurants, agences de voyage avaient fermé. Certains de leurs responsables patientaient devant leur lieu de travail, et lorsque nous leur avons demandé pourquoi ils ont fermé , ils répondaient : "Nous observons parce que nous ne savons pas ce qui se passe. Nous sommes dans la désinformation, c’est pourquoi nous avons fermé et attendons de voir."

Non loin de là, toutes les boutiques de Zabré Daaga avaient les portes closes. Devant une d’elles, Antoine Yao, Damien Kaboré et des camarades étaient assis sur un banc, expliquant : "Si nous devons fermer et que cela arrange la population, c’est tant mieux." Pour eux, le gouvernement avait la solution de tous ces problèmes et a laissé faire jusqu’à ce qu’on arrive à cette situation. Un d’entre eux dira que "nos autorités marchent avec des bons, ont des facilités et font semblant de ne pas savoir comment la population souffre". Un autre ajouta : "Nous sommes d’accord avec l’archevêque de Ouagadougou qui dit qu’il faut consulter les gens avant de prendre des décisions." A peine avons-nous fini d’échanger avec eux que nous apprenons que ça bouge du côté du quartier Dapoya, et dès le rond-point des Nations unies, nous apercevons des flammes sur l’avenue Dimdolobsom. C’étaient les flammes de pneus qui ont été brûlés sur le bitume de cette avenue et il en était de même sur toute la rue Didier Kiendrebéogo où, en plus de ces pneus, des jeunes lançaient des pierres sur des éléments de la gendarmerie qui s’exerçaient à éteindre les feux, engendrant parfois une course poursuite entre eux. Le marché de Sankariaré était fermé et, quelques mètres plus loin sur l’avenue de l’armée, tout ce qu’il y avait comme boutiques, services et autres avait baissé pavillon au niveau du rez-de-chaussée des bâtiments de la cité An III.

Des manifestants arrêtés

La ville de Ouagadougou, dont il avait été dit que rien ne s’y passerait, était-elle en train de suivre les traces de Bobo Dioulasso ? Sur le boulevard France-Afrique, à partir du rond-point de la Patte d’oie, au croisement de l’avenue Pascal Zagré, des jeunes étaient devenus maîtres de la circulation où ils brûlaient des pneus, cassaient les feux tricolores, pierres et bâtons en main, sous le regard des forces de l’ordre. Mais, par la suite , policiers, éléments de la Compagnie républicaine de sécurité, gendarmes, militaires, ont été mis à contribution et ont chargé les manifestants avec des gaz lacrymogènes.

Certains manifestants ont été arrêtés. Il en était de même avec d’autres jeunes sur tout le long du boulevard de la Circulaire , à partir du rond-point de la Patte d’oie où le marché Paag-Layiri avait fermé jusqu’après le pont de Cissin. Il était difficile d’emprunter cette voie que jonchaient de grosses pierres, des pneus enflammés et d’autres objets utilisés comme obstacles. Pour passer en certains lieux, des jeunes exigeaient des motocyclistes et automobilistes de l’argent avant d’avoir un passage ouvert . Sur toute l’avenue du Kadiogo à Gounghin, boutiques, alimentations et autres lieux de commerce avaient également fermé et des débris jonchaient la voie. Des jeunes avaient pris possession de l’avenue El hadj Oumarou Kanazoé et guidaient la circulation jusqu’à la place de la Bataille du rail où ils ont mis le feu et cassé les feux tricolores. Il a fallu l’intervention des forces de défense et de sécurité pour les disperser. Sur l’avenue Kwame N’krumah, les vitres du hall d’entrée du bâtiment du groupe Bolloré avaient volé en éclats et rien n’y avait échappé juste au rez-de-chaussée en face de ce bâtiment.

En effet, des vitres de la boutique de l’équipementier Tovio ont été brisées et, selon les explications d’un des responsables, des manifestants ont tenté de forcer mais n’ont pu y entrer. Ils ont emporté ce que leurs mains pouvaient prendre par les vitres. Juste à côté, c’est la boutique Haroun chic du jeune Harouna qui a fait les frais des manifestants qui se sont volatilisés avec tous les portables qui s’y trouvaient en vente, de nombreuses chemises et pantalons jeans-Sous le choc, Harouna nous a fait savoir qu’il ne pouvait pas sur-le-champ évaluer les pertes subies. Ainsi, certains quartiers de Ouagadougou ont vécu entre casses, pneus enflammés et autres dégâts le jeudi 28 février dernier.

Par Antoine BATTIONO


LARLE : Soumaïla prend une balle dans la jambe

Des jeunes surchauffés, pneus et bâtons en main, ont pris d’assaut plusieurs artères des quartiers Tanghin, Larlé et de l’arrondissement de Sig-Noghin. A Larlé, Soumaïla Zaré a pris une balle dans la jambe. Evacuée aux urgences à l’hôpital Yalgado Ouédraogo au service Traumatologie, la victime raconte : "J’étais chez moi quand j’ai entendu du bruit. Je suis sorti pour garer mon véhicule chez un voisin et c’est à ce moment que j’ai vu arriver un véhicule de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS). L’un des occupants a pointé son arme sur moi et avant que j’aie compris ce qui se passait, il m’a tiré à bout portant une balle dans la jambe." Le sieur Zaré, aux environs de 14h, était assisté d’amis et de membres de sa famille, attendant de faire une radio de la jambe bandée. Son pantalon, troué par l’impact, était maculé de sang. Il n’aurait pas eu de fracture, fort heureusement. Plus tôt, aux environs de 11 heures, plusieurs dizaines de jeunes dont l’âge avoisinaient 15 ans incendiaient des pneus de part et d’autre après avoir barricadé la voie jouxtant le barrage de Tanghin. Des pneus jonchaient le bitume et des poteaux téléphoniques étaient tordus. Une fumée noire montait dans le ciel et les habitants étaient sortis suivre le spectacle servi par les gamins.


La faim à la cité universitaire de Tampouy

Toutes les grandes voies ont été bloquées et il fallait casquer, à certains endroits, avant de pouvoir passer. Un deal juteux puisqu’un conducteur à bord d’une Mercedes neuve n’a pas hésité à filer un billet de 5 000 F CFA à des jeunes qui l’on escorté. Les étudiants de la cité universitaire de Tampouy n’ont pu recevoir leur ration quotidienne. Le véhicule transportant leur repas a été intercepté et des badauds ont pillé la pitance des malheureux étudiants. De leurs balcons, tous criaient famine. Un habitant nous informa que la mairie de Sig-Noghin était en flammes. Nous y avons fait un tour mais non sans avoir lâché quelques pièces à des jeunes qui n’avaient que faire de notre titre de journaliste. "Journaliste ou pas, vous devez payer quelque chose", nous dit un jeune tenant une bûche qu’il venait de sortir du feu. Devant la mairie de Sig- Noghin attendaient des éléments de la CRS dans un véhicule. Des jets de pierres par-ci et des jets de gaz lacrymogènes par-là. Des jeunes en civil pourchassaient des manifestants. Le maire de Sig-Noghin, Pascal T. Ouédraogo, et ses collaborateurs (il était 12h30) étaient restés enfermés dans leurs bureaux. Le maire a indiqué que certains voulaient brûler la mairie mais en ont été empêchés par des jeunes organisés pour la circonstance. Des feux tricolores ont été endommagés. Un hangar, non loin de la maire, est parti en fumée et tous attendaient que le calme revienne avant de regagner leurs domiciles.

Par Philippe BAMA

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique