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ONU : Les indésirables soldats de la paix

Publié le lundi 7 juin 2004 à 07h41min

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La faiblesse des forces d’interposition de l’ONU depuis leur existence réside dans leur objectif : créer les conditions de paix entre les belligérants sans leur faire la guerre. Certes, dans l’exécution de cette mission, elles ont la possibilité d’user de leurs armes mais toujours pour se défendre et jamais pour attaquer.

Elles ont toujours souffert et souffrent encore aujourd’hui de cette position délicate, entre le marteau et l’enclume, dans la gestion des conflits.

Le rôle de l’ONU est encore rendu plus difficile dans la recherche et le maintien de la paix quand des enjeux économiques, géopolitiques ou stratégiques opposent des pays membres très influents.

On l’a vu à maintes occasions et récemment à propos de l’Irak. Les divergences entre les Etats-Unis et la France principalement se sont répercutées sur les instances des Nations unies. C’est finalement sans mandat onusien que les Etats-Unis ont envahi l’Irak créant un précédent dangereux pour la communauté internationale.

En effet, l’unilatéralisme américain dans cette crise a confirmé l’émergence d’un monde unipôlaire sous le leadership des Etats-Unis. De fait, les Américains influencent grandement les décisions de l’ONU, n’hésitent pas à user de leur droit de veto contre les décisions contraires à leurs intérêts ou tout simplement à faire fi de ces décisions. C’est l’image de l’ONU qui en souffre grandement. Accusée d’être partiale et d’être un instrument de la politique américaine, l’organisation est attaquée sans ménagement le plus souvent dans la presse mais des fois de façon tragique.

On se souvient de l’attentat meurtrier de Bagdad qui a coûté la vie à M. Xavier Perez De Muelo, alors secrétaire général adjoint chargé des opérations de maintien de la paix. En RDC c’est un casque bleu onusien qui vient de perdre la vie dans une attaque à l’Est du pays. D’autres avant lui avaient perdu la vie en Bosnie et au Liban.

Malgré ces situations tragiques, les casques bleus n’ont jamais employé la force pour désarmer des belligérants et imposer par ce moyen la paix. Elles ont le plus souvent surveillé des lignes de démarcation et veillé au respect de l’embargo sur les livraisons d’armes. La cessation des hostilités, le maintien de la paix et le désarmement ont toujours été des opérations négociées par les politiques.

La mission des Nations unies en Côte d’Ivoire, MUNUCI, n’est pas différente des précédentes qui ont géré ou qui gèrent des crises dans d’autres pays. Les récriminations des partisans de Gbagbo Laurent contre la MUNUCI sont donc totalement injustifiées.

On ne peut pas dire que les casques bleus en Côte d’Ivoire font moins pour la paix qu’elles font ou le feraient ailleurs. C’est pourquoi il faut craindre que les attaques dans la presse appuyées par les manifestations de rue contre la présence des casques bleus ne soient la continuation d’un refus de dialogue. En vitupérant contre la mission des Nations unies pour qu’elle désarme par la force les Forces Nouvelles, le pouvoir en place à Abidjan confirme sa lecture parcellaire et très partiale de la situation. Il n’y a pas de solution militaire pour résoudre la crise ivoirienne. La victoire d’un camp sur l’autre est très hypothétique malgré l’armement nouvellement acquis par le pouvoir ivoirien. Il ne faut cependant pas exclure une reprise des hostilités à court ou moyen terme si le dialogue de sourds actuel persiste.

En effet, le raidissement actuel des positions - limogeage de trois ministres des Forces nouvelles, rejet de l’autorité du président Laurent Gbagbo, menaces de démission du Premier ministre - n’augure rien de bon. La MUNUCI sera-t-elle alors en Côte d’Ivoire le bouc-émissaire d’un conflit mal géré comme ce fut le cas, dans d’autres pays ? Quelle est la prochaine étape de cet imbroglio qui en dernière analyse offre un alibi en béton pour le clan Gbagbo de faire main basse sur les richesses du pays ? Blé Goudé à ce qu’on dit, ne descend pas dans la rue pour rien. Alors question, que cache cette nième surenchère des politiques en Côte d’Ivoire ? On attend de voir ! Pour sûr, c’est la crédibilité de l’ONU qui, bafouée impunément, continue de s’effriter.

Djibril TOURE
L’Hebdo

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