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Mgr Philippe Ouédraogo, évêque de Ouahigouya : "2008, plus de justice et de paix"

Publié le lundi 31 décembre 2007 à 12h40min

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Mgr Philippe Ouédraogo

Plusieurs grands événements ont marqué la vie de l’Eglise catholique au cours de l’année 2007. Monseigneur Philippe Ouédraogo, évêque de Ouahigouya, revient ici sur ces grandes dates.

"Au niveau de notre organisation, à savoir la conférence épiscopale Burkina Niger, d’abord au plan national, nous avons vécu des événements marquants tout au long de l’année 2007. Nous avons eu trois rencontres importantes qui ont marqué la vie des évêques-mêmes, et au-delà, la vie des diocèses et la vie de l’Eglise au Burkina et au Niger. D’abord en janvier, nous avons eu la rencontre plénière sur la vie et l’organisation des séminaires. Nous avons 4 grands séminaires et 10 petits séminaires, donc il y a 10 diocèses sur les 13 qui ont un petit séminaire et nous avons de grands séminaires qui regroupent les candidats au sacerdoce de tous les 13 diocèses avec les 2 diocèses du Niger.

La deuxième a eu lieu au mois de février et elle a concerné les dossiers pastoraux, donc nous y avons discuté d’un certain nombre de problèmes, entre autres, les questions sur la contribution de l’Eglise au développement des populations, la vie des communautés chrétiennes, la vie des prêtres, celle des religieux et religieuses. Enfin, la troisième assemblée qui a eu lieu au mois de juin nous a permis de réorganiser nos commissions. Il y a une vingtaine de commissions et chaque évêque est titulaire de 2 ou 3 commissions, le clergé, les laïcs, les séminaristes, les jeunes, etc. Nous avons fait une session de formation en matière de planification stratégique et nous avons essayé de nous organiser pour plus d’efficacité. C’est aussi à cette assemblée du mois de juin qu’a pris fin le mandat du président de la conférence épiscopale et j’ai dû passer le témoin à l’archevêque de Koupéla, Monseigneur Séraphin Rouamba, après avoir passé 6 années à la tête de la conférence épiscopale.

Je peux aussi mentionner qu’au cours de l’année 2007, nous avons été gratifiés d’un nonce apostolique. Jusque-là nous avions un nonce apostolique pour la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Niger. Depuis le mois de juin, le pape Benoît XVI nous a nommé un nonce apostolique résident, en l’occurrence Monseigneur Vito Rallo, qui est un Italien. Il est désormais nonce résident pour le Burkina et le Niger. C’est un ambassadeur, un pont entre l’Eglise du Burkina et du Niger et le Saint siège, c’est-à-dire le pape. Il sert aussi de pont entre les autorités publiques, l’Etat et le Saint siège qui est aussi considéré comme un Etat. Il faut aussi ajouter que nous avons eu des ordinations sacerdotales ; nous avons donc eu au total une cinquantaine de jeunes diacres qui ont été ordonnés prêtres à travers tous les diocèses de notre conférence épiscopale.

Enfin, nous avons eu à célébrer le jubilé de l’évêque de Koudougou, nous avons aussi accueilli une assemblée assez importante au niveau de l’Afrique de l’Ouest, c’est un congrès missionnaire, et en octobre, nous avons vécu le mois missionnaire. C’est un mois de conscientisation, de prières, d’offrandes et de sacrifices, pour la mission universelle de l’Eglise, donc les chrétiens du Burkina, à l’instar des autres chrétiens du monde entier, ont donné leurs contributions pour la caisse de solidarité pour l’évangélisation du monde. Ces collectes sont réunies à Rome et redistribuées au mois de mai à la rencontre des directeurs nationaux de l’oeuvre pontificale missionnaire, en vue de soutenir la mission universelle de l’Eglise.

En Afrique

Au niveau de l’Afrique, je retiens 3 événements majeurs. Premièrement, en janvier, à Dar Es Salam en Tanzanie, s’est tenue l’assemblée plénière du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM). C’est cet organe qui regroupe tous les évêques du continent africain avec ceux des îles adjacentes. Tous les 3 ans, les évêques, leurs délégués notamment, se retrouvent en assemblée. Au sein du SCEAM, nous comptons 9 organisations régionales, en Afrique de l’Ouest nous en avons 2. Donc à Dar Es Salam, nous avons eu notre assemblée triennale qui a porté sur l’évangélisation des peuples. A cette assemblée, nous avons élu un nouveau président en la personne de l’archevêque cardinal Pengo Polycarte, l’archevêque de Dar Es Salam, ainsi que deux vice-présidents, à savoir, le cardinal Adrien Sarh de Dakar et Monseigneur Silota du Mozambique. Un autre événement marquant, la rencontre entre les évêques de France et d’Afrique, avec quelques experts sur la coopération religieuse et socio-économique. A cette rencontre qui a eu lieu en novembre, nous avons aussi commémoré le bicentième anniversaire de l’abolition de l’esclavage. C’était un événement majeur qui a préoccupé les évêques et nous avons essayé de voir comment nous situer par rapport à ce fait historique, dramatique des siècles antérieurs, et aussi comment affronter les nouveaux esclavages auxquels sont confrontées les populations du monde entier, en particulier l’Afrique. L’égoïsme est un esclavage, ainsi que la prostitution, le commerce des enfants, et autres. Ce sont des esclavages des temps modernes. Cela ne saurait laisser indifférente l’Eglise catholique. Parmi les grandes rencontres que nous avons eues au cours de l’année 2007, il y a enfin celle des évêques de l’Afrique de l’Ouest, tenue du 5 au 10 décembre derniers à Abuja au Nigeria. A l’instar de la CEDEAO, les évêques qui constituaient deux associations différentes, d’un côté les francophones regroupés au sein de la Conférence épiscopale régionale d’Afrique de l’Ouest (CERAO) et comptant 68 évêques, et de l’autre, les 76 évêques anglophones, se sont regroupés pour créer la Conférence épiscopale d’Afrique de l’Ouest, la CEAO. Et comme disait malicieusement un Nigérian, les politiques ont organisé une unité économique, les religieux une unité spirituelle.

L’Eglise d’Afrique, c’est une église qui cherche davantage son unité, pour plus d’efficacité, pour être au service de la parole de Dieu et être aussi au service de la cité.

La vie de l’Eglise universelle en rétrospective

L’Eglise est au coeur de la vie des hommes et au coeur des défis majeurs de notre humanité. J’en veux pour preuve, les activités du Saint siège et qui sont immenses. Par rapport aux grands défis, j’en retiens trois ou quatre simplement. Il y a la justice et la paix. Ces deux éléments sont au coeur des préoccupations de l’Eglise. Nous venons de célébrer Noël et le message des anges, "Gloire à Dieu, le plus haut des cieux et paix sur la terre, aux hommes qui l’aiment" est un appel fort, Dieu veut le bonheur de tous les hommes et de tous les peuples, et l’Eglise s’implique dans tous les efforts du monde pour promouvoir la justice et la paix : "Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu". Au niveau du Saint siège, il y a eu des initiatives très heureuses, le pape Benoît XVI a publié un message le 8 décembre dernier. Je dois rappeler que depuis 40 ans, nous commémorons l’institution de la Journée mondiale pour la paix par le pape Paul VI. Alors, chaque année, pour le 1er janvier, le pape sort un message. Et le message de cette année a pour thème, "Famille humaine, communauté de paix". Effectivement, la famille humaine est éducatrice de la paix, et pour les enfants, cela commence par la famille avant l’école et la cité. Le pape vient de sortir également une lettre encyclique sur l’espérance chrétienne, "Spe salvi" qui veut dire "l’espérance sauve". L’Eglise famille est également préoccupée par la question de la famine. Cette année, la FAO a tenu une grande rencontre à Rome et les participants ont eu une audience avec le pape qui leur a laissé un message très important, "combattre la faim, c’est lutter pour la paix". Parmi les grands défis auxquels l’Eglise est impliquée, on peut citer le dialogue inter-religieux. Deux faits récents militent en faveur de cela. Il y a la visite du roi d’Arabie Saoudite au pape. C’était la première fois dans l’histoire du monde que le roi d’Arabie Saoudite vient rendre visite au Saint père à Rome au Vatican. Au coeur des débats, il y avait la question du dialogue inter-religieux, le respect des minorités chrétiennes dans les pays musulmans, comment aussi respecter les musulmans dans les pays chrétiens, comment se donner la main pour juguler un tant soit peu le terrorisme et contribuer à la paix. Il y a aussi que le 13 octobre dernier, à l’occasion de la fin du Ramadan, un groupe de 138 chefs religieux musulmans a adressé une lettre ouverte au pape Benoît XVI et aux responsables des autres églises et confessions chrétiennes intitulée, "Une parole commune entre nous et vous". On pourrait citer beaucoup d’autres interpellations du pape, notamment, sur les questions des migrants et de l’intégration des réfugiés, sur l’éducation des jeunes.

Le rôle principal de l’Eglise, c’est annoncer Jésus Christ, c’est annoncer la bonne nouvelle. Mais l’annonce de la bonne nouvelle s’adresse à des hommes précis, confrontés à des problèmes très sérieux, d’où la nécessité de prendre en compte les dimensions promotion humaine, développement. Tout ce qui touche l’homme concerne l’Eglise, les joies et les peines de l’humanité sont les joies et les peines de l’Eglise.

Interpellation

Le monde est confronté à de sérieux problèmes. Celui de la justice et de la paix. Il y a trop d’injustice dans ce monde, c’est un défi majeur, il y a beaucoup d’égoïsme, le pauvre est toujours plus pauvre et le riche est toujours plus riche. Les uns et les autres n’ont pas le sens du bien commun et cela est une catastrophe. L’autorité n’est rien d’autre qu’un service. Malheureusement, j’ai comme l’impression que beaucoup de responsables n’ont pas compris cela. On est là non pas pour se remplir les poches, mais pour être au service du peuple. Donc les chrétiens ont leur part de responsabilité en tant que chrétiens pour être sel et lumière ; les politiques et tous ceux qui exercent l’autorité ont de grands devoirs de contribuer au bien commun, au bien de leur pays, et notamment les plus pauvres doivent être pris en compte, les démunis, les laissés-pour- compte, les affamés, ces "damnés de la terre".

Nous souhaitons que les chrétiens soient toujours unis, donc l’unité et la communion ? Nous souhaitons que les chrétiens s’engagent de plus en plus au niveau de la vie de l’Eglise et qu’ils s’engagent également au niveau de la vie de la cité, parce qu’un chrétien baptisé et confirmé doit être sel, lumière et levain, pour transformer ce monde et en faire un monde toujours plus digne de Dieu, un monde toujours plus digne des hommes. Nous souhaitons que le seigneur nous aide à être une église toujours plus forte, toujours plus sainte, toujours plus missionnaire.

Des voeux pour le Burkina

Une année va, une année vient, nous souhaitons que notre peuple continue sa marche et progresse, dans le bon sens du terme. Pour ce faire, le peuple a besoin du concours de tous ses fils, qu’ils soient catholiques, musulmans, protestants ou non croyants, nous avons tous chacun sa part de responsabilité. Comme dit le proverbe, "A la palabre de la famille est convié tout membre de la famille, au travail de la famille doit s’impliquer tout membre de la famille". Nous avons tous quelque chose à recevoir, nous avons tous quelque chose à donner. Si nous avons des droits, nous aussi des devoirs et il nous faut nous mettre au travail, il faut du sérieux sur tous les plans. Au niveau de l’éducation, quand on pense aux fraudes, c’est déjà un mauvais signe que des jeunes à cet âge, avec la complicité des adultes, puissent se livrer à des fraudes. Quel type de citoyens ça va être demain ? Il faut donc moraliser un peu plus notre société dès la base, c’est-à-dire l’école. Je suis scandalisé lorsqu’on parle de ministère des Enseignements. On enseigne, mais est-ce qu’on éduque ? Nous voudrions qu’on fasse des têtes non seulement bien pleines, mais aussi des têtes bien faites. Donc, le ministère de l’Education nationale me semblait beaucoup plus significatif que lorsqu’on parle de ministère des Enseignements, etc.

Mon souhait, c’est que le seigneur nous permette d’être unis et de nous mettre au travail. Nous souhaitons aussi qu’il y ait un monde de justice et de paix et la parole de l’ange à la nativité est une interpellation très forte, "Gloire à Dieu, le plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qui l’aiment". Donc, nous devons tous être des artisans de paix : "Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu".

Propos recueillis par Lassina Fabrice SANOU

Le Pays

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