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Attentats d’Al-Qaïda : Quand l’Algérie paie pour les injustices au monde

Publié le jeudi 13 décembre 2007 à 10h56min

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Mardi matin, la capitale algérienne a encore été frappée par la violence meurtrière des attentats terroristes : à quelques minutes d’intervalle, deux attentats particulièrement sanglants ont secoué Alger jusque dans un quartier diplomatique très sécurisé. Le premier a eu lieu devant les locaux de deux institutions hautement symboliques, la Cour suprême et le Conseil constitutionnel ; le second a été dirigé contre le siège algérois du Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés.

Très vite, les autorités ont attribué ces attentats à Al-Qaida dont le mode opératoire est resté le même : des voitures piégées avec kamikaze.

On dénombre plus de 60 morts et plus de 200 blessés. C’est incontestablement l’attentat le plus meurtrier de tous ceux qui ont endeuillé l’Algérie depuis 2000. Et la fin d’une accalmie qui, en octobre et en novembre, a pu laisser croire à la fin de la violence de grande ampleur en Algérie. On s’était laissé aller à penser que désormais, la violence était désormais contenue, et que ne demeurait que cette violence résiduelle qui devait être les derniers soubresauts d’un monstre dont le pouvoir avait fini par avoir raison.

Faut-il voir dans ces attentats, comme certains voudraient le penser, la conséquence d’une mauvaise répartition des richesses ? Les injustices sociales, on le sait, suscitent toujours des rancoeurs, et parfois des actions désespérées et inconsidérées. On ne le répétera jamais assez : l’une des meilleures armes contre le terrorisme, c’est la justice qui ôtera du moins aux recruteurs, des argumentaires et des possibilités d’embrigadements. Faut-il plutôt incriminer le pouvoir algérien et sa politique de réconciliation nationale qui recélerait des faiblesses à l’égard des islamistes ? On sait que les mesures d’apaisement de ce genre impliquent, souvent sinon toujours, des grâces et des pardons pour des gens qui, après avoir assassiné des innocents à tour de bras, s’en tirent avec des repentirs plus au moins sincères et des engagements, parfois difficiles à contrôler, à renoncer définitivement à la violence. Et il y a toujours des esprits intransigeants pour demander l’éradication de la violence par l’extermination de ses agents.

Mais on ne peut pas contester le fait que cette politique de réconciliation nationale a porté des fruits. Après les redditions dont certaines ont été étonnantes, les groupes terroristes ont été affaiblis de façon décisive, et le pays a pu s’extirper des années noires où les groupes islamistes avaient mis le pays à feu et à sang. Depuis un certain temps, le pays avait retrouvé une allure, de la tenue, et une place inespérée dans la scène internationale. Le gaz et le pétrole, à travers une gestion assez responsable, avaient fini par faire de l’Algérie un pays qui compte, susceptible de jouer un grand rôle dans un monde arabe en pleine difficulté. On se bouscule à l’aéroport d’Alger. Les Etats-Unis font de l’Algérie leur allié au Maghreb dans leur croisade contre le terrorisme. Les Chinois débarquent et raflent des marchés : bâtiments, routes, ils raflent la mise à des entreprises françaises. Leur présence ne fait pas que des heureux dans la population. Fraîchement élu, Nicolas Sarkozy fait un saut à Alger, prend langue avec les autorités et surtout le président Bouteflika avec lequel il tient à avoir des relations cordiales.

Puis il revient conclure des contrats de 3 milliards d’euros. Bien que réticent à présenter des excuses à propos de la colonisation, il est obligé de prononcer solennellement la condamnation d’un système d’injustices, de brimades... On pense : l’Algérie est de retour ! C’est peut-être, dans une certaine mesure, ce qui ne convient pas aux islamistes. Les attentats de ce genre ont pour effet d’affecter l’image du pays à l’extérieur. Et pour objectif de faire douter de sa stabilité, de la capacité des autorités à assurer la sécurité des personnes et des biens. Alors, on se dit : le pays n’est plus fiable. Non seulement, il ne peut plus jouer un rôle majeur sur le plan international, mais encore, il assiste, impuissant, à la fuite des investisseurs.

Mais pourquoi l’Algérie ?

Dans tous les pays du Maghreb, il y a des islamistes qui mènent des actions plus ou moins violentes. La chasse aux islamistes figure en bonne place sur la carte de visite des chefs d’Etat tunisien et égyptien. Au Maroc, il y a eu des attentats ; et des citoyens marocains ont été arrêtés en Espagne, jugés et condamnés dans l’affaire des attentats de Madrid. Mais il n’y a pas de doute que l’Algérie est la terre la plus meurtrie.

Il faut reconnaître que la violence s’inscrit, ici, dans un arrière-fond historique. L’Algérie est une terre de colonisation. Romains, Arabes et Français sont les acteurs de cette histoire de conquêtes et de domination coloniale. La décolonisation, notamment la dernière, a été violente. Le conflit algérien a fait des dizaines de milliers de morts. Les Français partis, la guerre civile fut plus de morts encore. Enfin, à la suite de l’annulation des législatives qu’ils devaient remporter, les islamistes ouvrirent une nouvelle page sanglante que l’on croyait refermée, mais qui continue de s’écrire en lettres de sang.

C’est en fonction de cette histoire tourmentée et de ces déchirements sanglants que l’on a pu penser que les autorités avaient fait le bon choix quand elles ont fait l’option symboliquement et politiquement forte de la réconciliation nationale qui devait panser les blessures, apaiser les coeurs et ressouder les morceaux de la nation. Malheureusement, il y a l’environnement international. Les attentats de mardi ont visé deux cibles : l’Etat algérien à travers la Cour suprême et le Conseil constitutionnel, mais aussi les Nations unies à travers le HCR. La date, le 11 du mois, est en elle-même une signature ; la revendication d’Al Qaida achève de donner une indication claire : c’est l’ordre mondial, tout autant que l’ordre local algérien, qui est en cause. Al-Qaida a décidé de frapper ce qu’il considère comme les "régimes corrompus" du Maghreb, c’est-à-dire ceux qui lui apparaissent comme des alliés des Occidentaux.

Et l’Algérie lui semble la plus à blâmer sur ce point. Nous avons dit que le pouvoir algérien est l’allié du président Bush dans sa guerre mondiale contre le terrorisme. L’échec de la dernière conférence aux Etats-Unis sur le Moyen Orient, l’appui traditionnel de l’Amérique à Israël, tout cela n’est pas du goût d’Al-Qaida. Et les accointances avec le président Sarkozy dénoncé à Alger même comme un agent du lobby juif, ont fini par convaincre Al-Qaida de frapper l’Algérie pour une mise en garde sanglante contre les injustices que subissent les peuples palestinien et arabe.

Le Pays

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