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IIe sommet Union européenne/Afrique : Petite victoire pour Papy Bob

Publié le lundi 10 décembre 2007 à 12h49min

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Et de deux ! Mais cette fois-ci a été la bonne après moult reports et on est tenté de dire qu’il était grand temps que ce 2e sommet Europe/Afrique se tienne après le premier, tenu il y a 7 ans au Caire (Egypte).

En effet, durant deux jours (8-9 décembre 2007), les 53 pays de l’Afrique et les 27 de l’Europe se sont retrouvés à Lisbonne pour discuter. Plus d’une soixantaine de chefs d’Etat et de gouvernement ont pris part à cette grand-messe Europe/Afrique qualifiée "d’historique" par José Socratès, le Premier ministre portugais et président en exercice de l’Union européenne. Economie, développement, environnement et bien d’autres sujets ont été à l’ordre du jour de ce second rendez-vous entre les dirigeants de ces deux continents.

Grand plat de résistance de cette rencontre, les Accords de partenariat économique (APE) seront au cœur des débats, pour la simple raison qu’en principe, c’est le 31 décembre 2007 que les Accords préférentiels de Cotonou, signés en 2000, prennent fin, devant laisser libre cours à une zone de libre échange. Un sujet à polémique qui divise Africains et Européens : pour les premiers, avec ces APE, il y aura un déferlement de produits européens concurrentiels, plus compétitifs, une probable disparition des industries nationales et une réduction des recettes fiscales pour les Etats. (Par exemple, la Commission économique des Nations unies (UNECA) chiffre les pertes fiscales en Afrique à 1,3 milliards d’euros par an).

Pour les seconds, il s’agit d’atteindre les objectifs de Bruxelles, qui sont : favoriser le développement des économies par une augmentation des échanges, se mettre en conformité avec les règles de l’OMC, promouvoir l’intégration des économies africaines par une suppression progressive des barrières douanières.

Nul besoin d’être sorti de la London economic school ou de Harward pour savoir que les débats ont été âpres, car à l’évidence, il y aura une seconde dérogation après celle de 2001, introduite par l’UE auprès de l’OMC. Surtout avec la déclaration du docteur Mohamed Ibn Chambas, président de la Commission de la CEDEAO le 4 novembre 2007 : "Nous allons saisir l’Union africaine pour dire que notre zone n’est pas prête à conclure les accords en l’état actuel des choses".

Véritablement, on s’achemine vers un "Plan B", qui semblait donner de l’urticaire à Peter Mandelson, le commissaire européen au commerce, lequel ne voulait pas en entendre parler. Et ce plan B semble connaître un début de débandade, car certains pays tels la Côte d’Ivoire ont déjà signé un accord intermédiaire pour ne pas perdre beaucoup d’argent selon Louis Michel, commissaire européen au développement. C’est dire que le duo économie/développement a été au cœur de ce jamboree, qui n’a certes pas épuisé les débats, mais qui a le mérite de chercher des thérapies à des pathologies déjà diagnostiquées.

Le présent sommet UE/Afrique aura permis également de mettre à nu le regain d’intérêt commercial de l’Europe pour le continent noir. N’en déplaise au président français, qui disait que la France peut se passer de l’Afrique, l’Europe de plus en plus montre une frénésie commerciale pour l’Afrique.

"La stratégie conjointe" dont doit accoucher ce sommet devrait en tenir compte en principe. Louis Michel, le commissaire européen au développement, n’a-t-il pas lâché, réalisme oblige, que "l’Afrique est devenue aujourd’hui un enjeu véritable, géostratégique..." ?

Les Européens se sont rendus à l’évidence : d’autres puissances s’installent subrepticement en Afrique et marchent de plus en plus sur leur plate-bande commerciale.

En particulier, les pays dits BRIC (Brésil, Russie, Inde, et Chine), surtout le dernier cité, qui a carrément pris pied sur le continent. A la recherche de matières premières et de pétrole pour alimenter son extraordinaire croissance économique, la Chine en effet y a accru massivement son influence politique et économique au moment où l’Afrique subsaharienne semble engagée sur la voie de la croissance, qui a été de l’ordre de 6% du PIB en 2006.

Mais si des sujets normaux tels le commerce ou le développement sont connus d’avance, comme inscrits sur l’agenda de ce sommet, il y a un autre qui s’y est invité forcément : la présence de Robert Gabriel Mugabe, président du Zimbabwe. Comme nous l’écrivons dans notre édition du 24 septembre 2007 (cf. Commentons l’événement), "...ces problématiques hautement stratégiques ne valent-elles pas qu’on tolère Bob le "pestiféré" à ce raout de Lisbonne ? Surtout quand on sait qu’ils sont nombreux, les Mugabe, dont les mêmes Occidentaux s’accommodent...".

Perclus depuis 5 ans par le "Travel ban" (interdiction de visa) décrété par les 27 pays de l’Union européenne, auto-exclu du Commonwealth, classé sur la liste des chefs d’Etat "voyous" par les USA, "Papy Bob" a pourtant assisté à ce second rassemblement des premiers responsables des pays d’Europe et d’Afrique.

Arrivé le 7 décembre 2007 à l’aéroport international de Lisbonne, c’est par une porte dérobée que José Manuel Barroso l’a "exfiltré" vers son hôtel, sans qu’il croise journalistes et photographes. Une image qu’a dû suivre outre-Manche Gordon Brown, tout enragé qu’il devait être puisque devant l’alternative "ce sera lui ou moi" qu’il avait posée à ses pairs européens, le choix a été clair : le président zimbabwéen est parti à Lisbonne, ce qui fait que le locataire du 10 downing street, lui, est resté à Londres.

Qui l’aurait cru ? Au regard de la pression de la Grande-Bretagne et d’autres pays européens, personne ne pariait sur le déplacement du zimbabwéens au Portugal. Du reste, son "cas" est une des raisons des nombreux reports de ce sommet.

Cette "victoire" de Bob, il l’a doit à ses pairs de l’Union africaine (UA), qui ont fait chorus derrière lui, arguant que si ce sommet concerne des chefs d’Etat de l’UA, il n’y a pas de raison que Robert Mugabe n’y soit pas. Mais à vrai dire également, les Européens ont préféré contenter les Africains pour des raisons bassement économiques.

En tout cas, on ose espérer qu’après Lisbonne, Bob se résoudra à lâcher du lest, pour ne pas dire le pouvoir, ou du moins agir pour sortir son pays de la banqueroute dans laquelle il est empêtré depuis des années.

L’Observateur Paalga

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