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Démocratie : Etat de droit apaisé

Publié le mardi 23 octobre 2007 à 08h48min

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L’Etat de démocratie dans lequel nous vivons aujourd’hui vient de très loin. Après avoir traversé des périodes d’exceptions qui ont eu à affecter profondément le tissu sociopolitique, le Burkina Faso s’est résolument installé, depuis son retour à une vie constitutionnelle normale, dans une culture de paix sociale dont le couronnement a été la tenue d’une journée nationale de Pardon.

Entre la première République et la quatrième sous laquelle nous vivons, le chemin parcouru a été celui du combattant tant les régimes d’exception – six au total – et les insuffisances dans la pratique démocratique avaient marqué des sillons profonds dans la société burkinabè. La période révolutionnaire (entre le 4 août 1983 et le 15 octobre 1987) a été la plus génératrice de germes d’exclusion socio-politique. Les frustrations politiques étaient vives entre des leaders enclins aux clivages idéologiques, tout comme la répression systématique était la forme de gouvernance. Autant d’écueils qui ont éprouvé la paix sociale.

Dès son premier mandat présidentiel, Blaise COMAPORE a affiché une volonté réelle de rassembler tous les fils de la Nation burkinabè pour inventer un avenir différent de celui des tâtonnements et des exclusions déchirantes connus de par le passé. C’était le bien-fondé du programme de Large rassemblement pour le développement et la démocratie sur la base duquel il a été élu. Il avait lui-même résumé cet impératif en ces termes : « Lorsqu’en 1991, je plaçais mon premier programme septennal sous le signe d’un large rassemblement pour le développement et la démocratie, j’avais pour ambition, d’une part, de créer les conditions pour permettre à notre peuple de se réconcilier avec lui-même et avec ses dirigeants ; et, d’autre part de dégager un consensus minimum pour affronter les grands chantiers de développement… ». Ce pari, il faut le souligner, a été gagné par le président comme en attestent le bon fonctionnement des institutions républicaines et la tenue, dans la foulée, des premiers scrutins législatif et municipal avec la forte implication des partis politiques d’opposition.

On venait d’ouvrir une nouvelle page de notre histoire où les exclusions ou répressions pour différences politiques ou idéologiques sont devenues de vieux souverains. Les acteurs politiques ou les leaders d’opinion ont ainsi pu s’accommoder à la culture du débat contradictoire même si les résurgences du passé tumultueux confinaient certains d’entre eux à une opposition radicale stérile. Néanmoins le Burkina Faso est parvenu à baliser le chemin pour une démocratie participative qui se construit dans le dialogue permanent avec toutes les forces politiques et sociales du pays.

Le tournant de la Journée nationale du pardon.

Comme l’a si bien dit un prix Nobel de la paix : « La paix s’acquiert aussi grâce à la capacité de travail et au sens de la responsabilité des uns et des autres ».Cela suppose une vigilance de tous les instants d’autant que la sous-région bruissait de bruits de bottes et que certains acteurs n’avaient pas totalement désarmés. En effet, au regard des résultats, on était loin de penser que des ennemis de la paix pouvaient tout gâcher. Tapis dans l’ombre ils ont tenté de troubler la paix sociale en assassinant notre confrère Norbert ZONGO, le 13 décembre 1998.
Ils croyaient ainsi ébranler tous les efforts de paix, discréditer l’environnement démocratique afin de mieux pêcher en eau trouble. Mais peine perdue.

Face à la cristallisation de certaines positions radicales dans la gestion de la crise consécutive à ce drame de Sapouy, Blaise COMPAORE a agréablement surpris tout le monde en jetant l’idée d’une journée nationale de Pardon (JNP) après celle de la création d’un Collège des Sages qui mis à plat tous les problèmes susceptibles d’annihiler la paix sociale.

Ce qui devrait être un moment solennel d’assainir davantage la vie sociopolitique tout en pansant les stigmates des Etats d’exception. Une idée favorablement accueillie par le peuple entier dans toutes ses composantes sociales, qui s’est retrouvé le 30 mars 2001 pour se demander pardon. COMPAORE, qui avait su en son temps, face aux dérives qui justement ont conduit inexorablement aux situations que l’on a déplorées, rectifier le tir, s’est fait le devoir d’assumer et de demander pardon au nom de la continuité de l’Etat.

Au lendemain de ce sursaut salvateur du 30 mars, chacun s’est persuadé définitivement que l’Etat de droit a supplanté l’Etat d’exception même si certains sont restés scotchés à leurs rancœurs. Plus que jamais, cette journée nationale de pardon a été un appel à un sursaut national pour voir et comprendre que les divisions, la haine, les rancœurs, les anathèmes qui étaient devenus le ferment du débat d’idées n’avaient plus droit de cité dans la société burkinabè.


Faut-il réformer ?

Vingt ans après le déclenchement du mouvement de Rectification le 15 octobre 1987, la question qui se pose est de savoir s’il faut réformer le système politique ou le garder en l’état, ce, au regard des nombreux acquis après les « les révolutions successives » qui l’ont fait passer de l’Etat d’exception au multipartisme intégral. Naturellement les avis sont partagés tant il est constant qu’en matière politique l’unanimisme relève de la chimère.

C’est connu, tout système qui n’évolue pas est condamné à la sclérose et à terme, à une mort inéluctable. La question de la réforme du système politique et institutionnel burkinabè se pose donc, malgré les acquis politiques et économiques immenses engrangés. Au nombre de ces acquis, le retour à la légalité politique, la consécration du multipartisme intégrale, la promotion du monde rural, le maintien du cap de la croissance et le rayonnement international du Burkina Faso entre autres et les multiples relectures de la loi fondamentale et de certains textes normatifs organisant la vie socio-politique. C’est dire que si le système est dynamique et s’autoajuste en fonction de l’évolution des réalités.

Il existe donc de nombreux motifs de satisfaction, qui ne doivent pas cependant pousser à un optimisme béat. En effet, le fonctionnement du système au plan politique, surtout, a montré de nombreuses sources de nuisance, la première étant paradoxalement ce multipartisme intégral que l’on a instauré.

C’est peu de dire que la scène politique est envahie par des partis politiques dont on ne perçoit pas l’utilité pour la démocratie, encore moins pour les populations qu’ils sont censés servir. Le pays compte une bonne centaine de partis politiques et l’on peut raisonnablement se demander si cela répond à de réelles nécessités nationales. Sortant de leur torpeur juste à l’orée des élections pour « capter » la manne de l’Etat pour ensuite sombrer dans leur « coma », de nombreux partis ont fait la preuve que le « ventralisme » est la doctrine (?) qu’ils défendent. On ne s’en serait pas plaint outre-mesure si par leurs prises de position parfois vindicatives et surréalistes, ils ne contribuaient pas à pourrir le climat social par moments. Des mouches du coche dont on devra tôt ou tard débarrasser l’attelage démocratique pour permettre à celui-ci d’avancer.

Autre source de nuisance, ces candidatures « intempestives » à l’élection présidentielle du fait d’un système trop « laxiste » qui permet au premier quidam venu de prétendre à cette noble fonction. On en a eu une démonstration lors de la dernière présidentielle avec cette kyrielle de candidats fantaisistes, parmi lesquels certains avaient du mal à décliner leur programme politique. Du coup, nous ne pouvons que faire chorus avec ceux qui disent qu’à défaut d’un système « censitaire » (qui tient compte de la capacité financière du candidat), il faudrait qu’à l’instar de la France, chaque candidat soit cautionné par un certain nombre de maires ou autres personnes jouissant d’un mandat électif. Cela aurait le mérite d’établir leur base sociale, et, à défaut, d’éviter les pitreries on aurait au moins des « pitres de poids ».

Il en est de même dans une moindre mesure pour les autres élections (municipales, législatives) où de nombreux partis s’avèrent incapables de trouver des candidats pour ne serait-ce qu’un tiers des circonscriptions électorales et bien pire des postes à pourvoir. Il apparaît ainsi clairement qu’ils se limitent à des régions, des provinces, voir, à des villages ou agglomérations si ce n’est à quelques familles ou des individus. Assurément cette situation est anticonstitutionnelle puis que celle-ci interdit les partis régionalistes et claniques, alors que ces prétendues formations politiques en sont de fait. Reformer dans ce pan de l’action politique est donc une véritable œuvre de salubrité politique.

Mais, la réforme la plus capitale à notre sens concerne la Constitution elle-même, notamment au niveau de la répartition des pouvoirs de l’Exécutif entre le président du Faso et le Premier ministre.
Ce n’est pas tant que cette répartition n’est pas claire et nette, mais du fait qu’il pourrait y avoir des difficultés d’interprétation en cas de cohabitation.

Un Premier ministre qui n’aurait pas les mêmes idéaux politiques que le président du Faso, pourrait-il mettre en œuvre la politique de ce dernier ? On ne le sait trop, le système politique burkinabè empruntant à la fois au parlementarisme rationalisé et au régime semi-présidentiel. Les experts es sciences juridiques devront rapidem
ent se pencher sur cette question qui, à terme, pourrait constituer un goulot d’étranglement.

On le voit, il y a matière à débat pour perfectionner notre jeune système démocratique. Au regard des nombreux acquis qu’il a permis d’engranger, il faudrait vite ouvrir ce débat pour des lendemains encore meilleurs pour notre peuple.

Par Alpha YAYA

L’Opinion

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