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Déclaration de politique générale de Tertius Zongo : Des réactions contrastées

Publié le lundi 8 octobre 2007 à 12h46min

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Nommé à la primature le 4 juin 2007, le Premier ministre, Tertius Zongo, s’est plié aux dispositions de l’article 116 de la Constitution en présentant aux députés sa Déclaration de politique générale. C’était le 4 octobre dernier. Suite à ce speech, nous avons, à travers un micro- trottoir, recueilli les réactions de certains de nos compatriotes. Le moins qu’on puisse dire, c’est quelles sont très contrastées.

• Maurice A.M. Ouédraogo, commerçant au marché de cola "Son mot de la fin m’a frappé"

Je n’ai pas écouté tout le discours du Premier ministre, Tertius Zongo. Mais de ce que j’ai suivi, c’est le mot de la fin que je trouve important. Le fait qu’il ait souhaité que "Dieu bénisse le Burkina Faso" est une chose qu’il faut saluer à sa juste valeur. Parce que là où il y a la bénédiction de Dieu, il y a la paix, la santé et le bonheur.

• Mme Madeleine Ouédraogo, vendeuse de produits cosmétiques "Gouverner, c’est prévoir"

Mes activités ont fait que je n’ai pas pu suivre l’exposé du Premier ministre devant l’Assemblée nationale. Néanmoins, ce que j’attends de lui est qu’il revoie les taxes douanières aux frontières. Il me semble que c’est à son accession à la primature qu’on a constaté une hausse des taxes ; chose qui n’est pas de nature à favoriser l’activité économique, du moins pour les commerçants que nous sommes. Il faut également qu’il réfléchisse sur l’augmentation récente des prix des produits de première nécessité, qui ne sont plus à la portée de tous. Gouverner, c’est prévoir, dit-on. Je pense qu’il faut déjà prévoir de la nourriture, car je sais qu’avec l’excès de pluies qu’il y a eu cette année, il risque d’y avoir la disette. Enfin, il faut que le gouvernement songe à achever rapidement la réhabilitation de Rood Woko afin que chacun réintègre sa boutique.

• Abdou Zongo, grossiste "Pourvu que ce ne soit pas des paroles en l’air"

Le Premier ministre a parlé de la construction d’hôpitaux, de routes, et de l’activité économique. Nous souhaitons que ça ne soit pas des paroles en l’air. Il n’a qu’à tout faire pour respecter ces engagements-là.

• Député Blaise Lambert Kyelem (CDP) "Un discours de bonne facture"

D’abord je trouve que dans ce discours, il y a de l’originalité aussi bien dans la forme que dans le fond. Le Premier ministre a peint la situation économique et sociale du Burkina, puis il a fait des propositions réalistes. Des propositions allant dans le sens des populations, et ce, conformément à ce que le président lui a confié comme mission. En ce qui me concerne, un point aura particulièrement retenu mon attention : le problème de la corruption. Il ressort de ce discours qu’il y aura encore du nouveau, avec l’avènement d’un pouvoir de saisine directe, ce qui va régler un certain nombre de questions. Du reste, le chef de l’Etat l’avait déjà annoncé. La question de la corruption revient sans cesse, je crois qu’avec cela, c’est déjà un pas en avant dans la lutte contre ce fléau. L’autre aspect qui m’a paru important est relatif au volet genre : sur le plan institutionnel, comme sur le plan des actions, le Premier ministre a énoncé un certain nombre de choses en direction de cette frange de la population, qui constitue, comme on le dit, la colonne vertébrale de la société. Enfin, sur les volets santé, éducation, infrastructures, agriculture, il a égrené des choses qui ont été réalisées, d’autres à faire, et des financements à rechercher. Dans l’ensemble, ce fut un discours de bonne facture, qui campe la vision des premiers responsables du Burkina en matière de développement.

• Député Norbert Michel Tiendrébéogo (UPS) "Des promesses qui n’engagent que ceux qui y croient"

Sur la forme, d’abord, Tertius Zongo n’a pas trahi ce qu’on sait de lui : il a été à l’aise dans son sujet. Sur le fond, j’avoue qu’il n’y a pas de différence entre ce qu’il nous a été donné d’entendre avec notamment son prédécesseur Ernest Paramanga Yonli. On a l’impression que le gouvernement est toujours surpris par cet exercice qu’est le discours de politique générale (DPG). Il vient pour dire "voilà ce que nous allons faire", mais on ne nous dit jamais"voilà ce que nous avons fait il y a deux mois, il y a un an depuis la dernière fois que nous sommes venus devant la représentation nationale faire des promesses". A ce sujet, ce discours n’a plus d’intérêt pour nous. La conclusion est que cela n’engage que ceux qui y croient. Ce qui m’a semblé bizarre aussi, c’est que je n’ai pas entendu le P.M. évoquer la sécurité intérieure. C’est grave, car on sait que les bandits de grand chemin sont toujours les grands seigneurs de nos routes. En fin d’année 2006 et début 2007, ces bandits ont trucidé des gens à Ouaga et à Bobo et dans d’autres villes. Et si lors d’un DPG du Premier ministre, il n’en parle pas, c’est grave. Est-ce parce qu’il n’était pas au Burkina ces dernières années ? Dans tous les cas, l’Administration étant une continuité, je crois que le ministre de la Sécurité est là, et il aurait dû mettre le doigt dessus. Enfin, concernant tout ce qui a été annoncé comme promesses, on aimerait bien savoir comment cela va se faire. Car une chose est d’égrener une série de projets, une autre de les réaliser.

• Abdramane Diallo, 4e année de droit “Un catalogue d’intentions vagues”

Comme tous les discours auxquels nos autorités nous ont habitués, celui de Tertius Zongo était un catalogue de promesses vagues et de beaucoup d’intentions, mais dans le fond, on ne voit rien concrètement sur le terrain. Il s’est plu à rappeler que la pauvreté a reculé, mais nous, les étudiants, c’est au quotidien que nous la vivons. On ne se sent pas dans ce que nos autorités disent et on n’est pas prêt à leur accorder le bénéfice de la bonne foi tant qu’on ne les verra pas à l’œuvre. En écoutant son discours, on a l’impression que c’est du déjà entendu. Sur le plan de l’éducation, le Premier ministre n’a fait aucune proposition concrète. On aurait souhaité qu’il nous dise : "Voilà, on va augmenter le nombre de boursiers pour atteindre tel chiffre, on va construire des amphithéâtres de telles capacités", bref des propositions concrètes. Au lieu de cela, c’est le même plat qu’on nous sert : le gouvernement a fait des efforts, des efforts sont à faire, des dispositions sont à prendre, ils disent qu’ils sont en train de réfléchir... Ils réfléchissent, ils réfléchissent, mais ils ne trouvent jamais de solutions à nos problèmes.

• Victorien Samou Sidibé, 2e année de médecine “De bons projets”

J’ai surtout retenu le point sur la santé. Dans ce domaine, je trouve que le gouvernement envisage de bons projets. Ça va permettre d’atteindre un niveau acceptable de couverture sanitaire du pays. Le Premier ministre a parlé de la décentralisation et du renforcement des structures sanitaires. Cela permettrait d’éviter, par exemple, les évacuations sanitaires massives, car les malades pourraient être pris en charge dans la chaîne sanitaire : CSPS, CMA, CHR et CHN. Réduire le nombre des évacuations est une bonne chose, car beaucoup de malades meurent lors de cette opération. Franchement, ce que le chef du gouvernement prévoit de faire est une bonne chose.

• Assita Sidibé, 1re année de droit "Que Tertius tienne parole !"

Je trouve que le chef du gouvernement a été plus ou moins concret sur certaines questions sociales. De nombreux problèmes assaillent les populations et il est important d’y trouver des solutions. Avec ce discours, on ose espérer qu’il y aura des réponses. On peut dire qu’on est soulagé en entendant le Premier ministre même si on ne l’a pas encore vu véritablement à l’œuvre. Ça donne de l’espoir. Il y a, par exemple, la question des barrages, de l’eau potable et de l’assainissement... Je trouve que le partenariat avec le secteur privé est très positif. Les gens ne doivent pas penser que l’Etat et le secteur privé sont des rivaux. Non, il n’y a pas de rivalité entre eux, ils sont des partenaires pour un bon développement du Burkina Faso. Je souhaite que le Premier ministre tienne parole, qu’il réalise tout ce qu’il a dit et surtout dans un bref délai, car la situation urge pour tout le monde.

• Mamadou Nama SG de l’Union syndicale des travailleurs du Burkina (USTB) « La délinquance s’est intellectualisée »

A priori, je crois qu’il a évoqué l’essentiel des problèmes qui minent notre société. Mais à l’Union syndicale des travailleurs du Burkina, nous avons tout de même remarqué qu’il y a des détails sur lesquels il aurait dû insister. C’est, par exemple, le cas du réajustement du traitement des travailleurs, qui piétine. Vous vous souvenez que lors de nos différentes rencontres avec le gouvernement, de nombreuses doléances ont été déposées. Même si l’Etat a fait entre-temps quelques concessions, c’était surtout en faveur de quelques minorités, à savoir les fonctionnaires. Nous avons moins de 100 000 fonctionnaires au Burkina. Donc que les 500 000 autres travailleurs sont du privé. C’est ici que les salaires doivent être réajustés. Si on atteint un certain niveau de croissance, ce n’est pas dû seulement au fonctionnaire ! Les retombées doivent donc être pour tout le monde. Intelligemment, ce chapitre n’a pas été soulevé alors qu’il est très important. Des dossiers sont toujours en souffrance, notamment celui des victimes de violence en politique.

Le premier ministre a aussi évoqué les problèmes de sécurité, mais ceux fonciers n’ont pas été abordés dans son discours. Remarquez que le peu de forêt qui nous reste est complètement dévasté. La délinquance s’est intellectualisée avec le concours de l’Etat lui-même ! Dans les zones rurales, le développement, aujourd’hui, n’est pas promu par les paysans ni pour la paysannerie. Il l’est au profit des mêmes personnes, qui vivent dans les villes, qui ont réussi à se tailler une place au soleil, qui dévastent toute cette partie de la forêt. C’est le cas de certains groupements d’exploitation de forêts ou d’espaces qui ne profite qu’à quelques personnes. Il ne faut pas que l’Etat soit coupable de blanchiment d’argent en défaveur de la paysannerie. On assiste là à une constitution d’associations de malfaiteurs qui le font avec la complicité étatique. T

ous ces aspects, peut-être parce qu’ils sont inconnus de Son Excellence, n’ont pas été abordés. Car, aujourd’hui, dans notre pays, bien qu’il y ait une volonté affichée du gouvernement d’aller de l’avant, il m’a tout l’air qu’il y en a qui tiennent la roue et qui l’empêchent de tourner. Tertius Zongo a en outre évoqué, à juste titre, la question des lenteurs judiciaires, qui font que l’on se demande si c’est la peine de déposer une plainte. Pour conclure, je dirai que de par son contenu, le discours du premier ministre peut être apprécié positivement a priori. Mais c’est aussi ça la tactique. Quand on arrive, on est toujours animé de bonnes intentions, diluées à la longue dans les problèmes qu’on a ou que l’on a contribué à créer soi-même. Nous avons connus Yonli : il était également animé de cette bonne volonté ; malheureusement, à un certain moment, nous ne savons pas ce qui s’est passé, les choses n’ont plus fonctionné comme elles se devaient. Tertius vient d’arriver. Après la rencontre officielle que nous avons eue avec lui [Ndlr : 21 juin 2007], il n’y en a pas eu d’autres. Il est encore donc trop tôt pour le juger.

• Gabriel S. Sebgo, SG de l’Union des gens de maison du Burkina « Les beaux discours ne suffisent pas »

Le discours est très bon, mais on attend la suite. Les bonnes intentions ne suffisent pas. L’important, ce sont les actes. On a tellement entendu de beaux discours dans ce pays. Les Burkinabé veulent du concret. Je pense que le premier ministre aurait pu mettre beaucoup l’accent sur ceux qui ont été victimes des inondations. Il a parlé de la lutte contre la corruption, qui bat son plein dans notre pays. Les gens abusent du pouvoir pour faire du tort aux populations. Je suis le responsable de l’Union des gens de maison du Burkina (UGMB), laquelle a pour membres beaucoup de femmes qui font le nettoyage, et nous constatons que l’Etat ne fait rien pour leur protection. On crée des structures pour exploiter ces bonnes dames, lesquelles peuvent souvent faire six mois sans être payées. Pire, souvent, pour être embauchées, on leur réclame une forte somme pour s’inscrire. Elles travaillent souvent dans le bénévolat trois mois durant, parce que, prètent-on, elles doivent suivre d’abord un stage. N’est-ce pas de l’escroquerie cela ?

Pourtant elles courent des risques en quittant leur domicile très tôt (4 heures du matin) pour aller nettoyer des bureaux. Dans les sociétés de gardiennage, c’est aussi la même mesquinerie. Leurs patrons s’enrichissent sur le dos de ces pauvres travailleurs. Mais in fine, je trouve qu’il serait très précipité de juger de la réelle volonté du nouveau premier ministre de satisfaire la plate-forme revendicative des travailleurs. Nous avons vu ce que l’ancien a pu faire et les missions qu’il n’a pu exécuter. Tertius vient de commencer, et, comme, on le dit, c’est au pied du mur qu’on juge le maçon.

Propos recueillis par Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana San Evariste Barro Issa K. Barry Nankoita Dofini

L’Observateur Paalga

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