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Union africaine : Reste à trouver le nerf de la paix

Publié le jeudi 27 mai 2004 à 07h53min

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L’Union africaine (UA) ne pouvait trouver date plus symbolique pour lancer officiellement son Conseil de paix et de sécurité (CPS). C’est en effet le 25 mai 1963 que l’Organisation de l’unité africaine (OUA), son ancêtre, a été portée sur les fonts baptismaux, et cette date est devenue la Journée de l’unité africaine.

Mais 41 ans après les premiers jalons posés par les pères fondateurs, force est de reconnaître que la paix et la sécurité demeurent une chimère sur un continent où les foyers de tensions sont encore légion.

De fait, l’OUA a toujours été paralysée par sa politique de non-ingérence et dès sa création en 2002, l’UA a voulu rompre d’avec cette inaction par la création du CPS. En attendant la mise en place de la Banque centrale africaine, de la Cour africaine de justice, de celle des droits de l’homme ou du Conseil économique et social panafricain, le Conseil de paix et de sécurité est le cinquième des dix-sept organes prévus à voir effectivement le jour.

Bâti sur le modèle du Conseil de sécurité des Nations unies, le CPS se veut, comme son nom l’indique, un "organe permanent chargé de la prévention pour la paix et la sécurité, du rétablissement de la sécurité et de la reconstruction après les conflits".

Pour le président de la Commission de l’Union africaine, le Malien Alpha Oumar Konaré, "ce précieux instrument a le pouvoir d’anticiper et de prévenir les politiques qui peuvent conduire à un génocide" , et ses décisions "doivent être rigoureusement appliquées par tous les Etats concernés".

Voilà pour les objectifs généraux, nobles, de cet organe qui voit grand. Et ce n’est pas le boulot qui lui manquera sur ce continent noir dans tous les sens du terme, où aux guerres qui ont trouvé des solutions ou en voie de l’être succèdent de nouveaux volcans en éruption comme si l’Afrique était condamnée à naviguer de Charybde en Scylla.

Hier, c’était le Liberia, la Sierra Leone, l’Angola, le Rwanda, la RDC, aujourd’hui c’est le Darfour, la Côte d’Ivoire, le Burundi toujours, ou même le Nigeria (puisqu’on parle de prévenir les génocides) où, à intervalles réguliers, les affrontements interethniques ou interreligieux font des centaines de morts, comme ce fut le cas les 11 et 12 mai courant à Kano. Mais si le CPS peut, sans trop de difficulté, déployer une partie de ses futurs 15 000 soldats dans de petits pays comme la Côte d’Ivoire ou le Burundi, pourra-t-il intervenir par exemple sur le territoire du géant Nigeria ?

Il faut craindre en effet que le CPS ne connaisse les tares de son homologue onusien, où les puissants de ce monde, particulièrement ceux qui ont le droit de veto, font la pluie et le beau temps, choisissant, au gré de leur humeur et de leurs intérêts, d’appliquer ou non telle ou telle résolution tout en imposant leur volonté aux Etats faibles ou pauvres. On l’a vu l’année passée quand Washington a royalement ignoré l’ONU et son Conseil de sécurité (où il était en minorité) pour aller guerroyer en Irak.

Alors, les décisions attendues du CPS seront-elles "rigoureusement appliquées" par de grandes nations comme l’Afrique du Sud, le Nigeria, et dans une moindre mesure, l’Egypte ou l’Algérie, qui pourraient regimber si leurs intérêts étaient menacés ? On verra bien.

Cela dit, le plus gros problème qui pourrait se poser au CPS pourrait être les ressources financières. Car si l’argent est le nerf de la guerre, il est aussi celui de la paix. Et on se demande bien où trouver l’argent pour envoyer les troupes pacificatrices sur les différents théâtres d’opérations du continent quand on sait que déjà, l’UA, comme c’était le cas hier de l’OUA, connaît d’éternelles tensions de trésorerie, principalement parce que les cotisations ne rentrent pas.

Comme d’habitude donc, on risque de se retourner, pour financer nos opérations de maintien de la paix, vers les bailleurs de fonds occidentaux qui, il est vrai, préfèrent délier les cordons de la bourse que d’envoyer leurs enfants mourir dans des contrées et pour des causes qui leur paraissent souvent étrangères.

Déjà, c’est grâce aux euros français, que le système RECAMP a pu être expérimenté, et si en Côte d’Ivoire les soldats de l’ECOMOG n’avaient pas troqué leurs casques blancs contre les bérets bleus de l’ONU, il y a fort à parier qu’ils auraient plié bagages, faute de moyens.

Donc si l’UA doit ériger un Conseil de paix et de sécurité pour ensuite aller quémander le pognon de son fonctionnement chez les Blancs, il y a comme une partie de notre souverraineté et notre orgueil nègre qui s’effrite.

Il est vrai qu’on ne sera pas à un bafouement près de notre dignité africaine, surtout qu’en fonction de leurs intérêts, les contributeurs peuvent choisir de banquer telle intervention plutôt que telle autre. Et tant pris pour les Négrillons impécunieux.

A moins que, pour une fois, les Africains, comme l’a souhaité Konaré, soient à la hauteur de leurs ambitions. Mais bien imprudent sera celui qui osera parier, fût-ce le moindre CFA dévalué, sur cela.

Ousséni Ilboudo
L’Observateur

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