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Crise nigérienne : Ne devrait-on pas en faire un peu moins au Burkina ?

Publié le lundi 27 août 2007 à 08h17min

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Blaise Compaoré et l’ancien président, Mahamane Ousmane, lors des négociations sur la rébellion touarègue en 1995

La situation que vit le Niger en ce moment, est préoccupante. Lorsque dans nos Etats en manque chronique d’intégration nationale, il y a des contestations de ce genre, ça peut mener très loin et compromettre même la stabilité sous régionale.

On comprend donc qu’au Niger et ailleurs, il s’en trouve pour supplier le gouvernement Tandja de reconnaître l’état de rébellion afin d’engager au plus tôt des négociations. Ce point de vue est soutenu par tous ceux qui pensent qu’il faut négocier rapidement pour éviter la généralisation du chaos.

C’est dans ce sens que réagissent certaines ONG de droits de l’homme au Niger notamment l’ANDDH (Association nigérienne de défense des droits de l’homme) à travers un communiqué qui fait ressortir toutes les défaillances de l’application de l’Accord de 1995. l’ANDDH demande par conséquent que les autorités acceptent d’appeler les choses par leur nom, de reconnaître officiellement la rébellion et de négocier. Cette exigence butte devant l’intransigeance du gouvernement à ne pas reconnaître la rébellion et à écarter la médiation proposée par le Burkina Faso.

On peut en penser ce qu’on veut de ce débat qui provoque marches et contremarches au Niger mais en ce qui nous concerne, nous autres Burkinabé, nous devrions avoir une attitude plus réservée.

Chez nous en effet, la crise semble empêcher plus d’un de fermer l’œil et qui ne tarissent pas de critiques contre l’impéritie des autorités nigériennes, leur tendance coupable et irresponsable à faire la politique de l’autruche. Pour ces derniers, Tandja et son équipe ont tort de ne pas vouloir appeler un chat, un chat et de se livrer à une querelle sémantique sur les notions de bandit et de rebelle alors que le pays brûle. Cette furia compassionnelle, qui souffle si fort au pays des hommes intègres, n’est pourtant pas à l’abri de réserves.

En tout premier lieu, on peut se démarquer de cette façon de mettre pratiquement toute la responsabilité sur Niamey. Pourquoi ne pas regretter aussi cette explosion touarègue qui semble bénéficier d’armes, de moyens financiers et communicationnels importants, comme en attestent les ravages qu’ils causent ? Comment ne pas se poser les questions essentielles sur cette alliance transnationale qui se crée entre Touarègues du Niger et du Mali et qui a des chances, compte tenu de la répartition géographique des Touarègues sur le continent, de ne pas s’arrêter en si bon chemin ?

Une telle inquiétude est d’autant plus fondée que l’on connaît les faiblesses qu’éprouve le « Guide » par rapport à ces Touarègues qu’il considère comme les mal-aimés de l’Afrique. Que le Colonel soit donc tenté, par humanisme, de les aider ou qu’il veuille en jouer comme moyen de pression ou de déstabilisation, qui pourrait en être étonné surtout que des générosités, des coups de pouce faits par le Colonel à ces Touarègues, ici et là (au nez et à la barbe des Etats, par fraternité ou pour les aider dans leur entreprise), ne manquent pas ?

Tous ceux qui n’ont de cesse de condamner les autorités nigériennes, devraient, pour plus de crédibilité, équilibrer leur jugement.

Par ailleurs, harceler les autorités nigériennes comme on le fait pour qu’elles reconnaissent la rébellion touarègue et acceptent sans délai les bons offices de Ouagadougou, est gênant pour nous. Comme le dit l’adage, « c’est plus facile de dire donne-lui que donne-moi ». C’est encore plus gênant car nul n’ignore notre pedigree en matière d’interventions extérieures. On pourrait nous soupçonner, en tant que « médiateur maison », de nous agiter pour venir -avec la bénédiction de la France ou de la Libye- éteindre un incendie provoqué ensemble et de concert avec les éternels pyromanes que nous connaissons.

Nous devons enfin être encore plus prudents dans ce dossier en nous souvenant que même si les Touarègues et assimilés ne sont pas nombreux au Burkina Faso, ils ont, bien que de façon modeste et non violente, toujours fait connaître leur différence et leurs frustrations depuis la 1ère République jusqu’à nos jours.

Ayons le souci de nous prémunir contre leur ralliement à l’Internationale touarègue en constitution en aidant à la recherche des solutions de fond à ces contestations, dans le cadre d’une gouvernance responsabilisée. C’est vrai qu’on ne peut pas, devant des problèmes du genre, recourir à la sagesse des trois singes chinois (rien dire, rien voir, rien entendre) parce que les liens historiques, humains, économiques, institutionnels... qui nous unissent au Niger, nous l’interdisent.

Au demeurant, nos pays ont tous hérité de l’histoire coloniale et plus particulièrement du partage de Berlin, de structures étatiques affligées par des problèmes d’intégration nationale. Que les Touarègues, à cheval entre plusieurs Etats, puissent éprouver des difficultés d’intégration, ce n’est pas une vue de l’esprit. L’Afrique est traversée, depuis la colonisation et l’indépendance, par moult problèmes du genre.

Encore faudrait-il en rechercher les solutions durables au plan externe par une bonne politique d’intégration et au plan intérieur par une vraie politique de décentralisation démocratique, et en tous les cas, dans un cadre démocratique et républicain préservé des récupérations politiques et des ingérences extérieures aux fins de domination.

San Finna

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