LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Journée nationale de Pardon : Sus aux démons de la haine !

Publié le samedi 31 mars 2007 à 09h42min

PARTAGER :                          

Ce 30 mars sera célébré le sixième anniversaire de la Journée nationale de Pardon. A trois jours de l’événement (nous sommes le mardi 27 mars) rien d’officiel ne donne à croire que l’événement sera entouré de la grande solennité qu’il mérite.

Pourtant ce 30 mars 2001, c’était un stade du 04-Août archi comble qui avait accueilli la cérémonie œcuménique qui institua la Journée nationale de Pardon. La ferveur, la solennité, le symbolisme étaient au rendez-vous. Tout indiquait que la grande majorité des Burkinabè avait décidé de tourner la page des sinuosités dramatiques qui ont jalonné l’histoire politique du Burkina de 1960 à nos jours.

L’option d’exorciser les démons de la haine et de la division était tout à fait pertinente dans un Burkina qui était alors en proie à l’une de ses plus graves crises sociopolitiques consécutive au drame de Sapouy. Six ans après, que reste-t-il de cette décision de se donner la main pour construire notre cher Burkina dans la paix, la fraternité, le pardon et la solidarité ?

En vérité, il y a comme un reflux ces derniers temps de la volonté des Burkinabè de vivre dans un climat social apaisé. La révolte des casques en septembre 2006, les revendications des soldats armes au poings et plus récemment la vindicte populaire contre la chaîne des bars dancings « Kundé » font craindre un retour des vieux démons. Certains analystes ont vite fait de voir dans ces émeutes successives un raz-le-bol des populations qui n’ont plus confiance en l’Etat et à ses institutions, notamment le système judiciaire accusé de tous les péchés d’Israël.

Ce que l’on oublie de dire, c’est que, si aujourd’hui, le système judiciaire a mauvaise presse, cette réputation est surfaite par la surmédiatisation du drame de Sapouy. La lutte contre l’impunité s’est fourvoyée dans l’invective haineuse d’une partie des Burkinabè, les bons, contre une autre partie, les mauvais.

Ce schéma caricatural a été mis en avant par le Collectif dans toutes ses activités au point de créer non plus la soif d’une justice équitable pour tous les Burkinabè mais bien plus le réflexe de la vengeance. C’est là un grave recul dans la promotion des droits de l’homme, les mêmes pour tous les citoyens. Un recul en grande partie imputable au Collectif, qui en voulant dénoncer les tares de la justice burkinabè, a fini par créer une autre tare chez le citoyen lambda autrement plus préjudiciable à l’égalité de tous devant la loi.

En effet, la tendance à lyncher son voleur au Burkina ne date pas de la IVe République. Depuis bien longtemps des citoyens de ce pays notamment les commerçants aiment à tabasser à mort les voleurs pris en flagrant délit. Aujourd’hui nous en sommes à des actes d’auto-justice encore plus violents et organisés tout comme si les Burkinabè avaient reçu cinq sur cinq le message du Collectif contre l’impunité qui pourrait se résumer en ceci : la justice est pourrie et ne punit pas les vrais coupables, surtout quand ils sont riches ou proches des pontes du pouvoir. Mine de rien c’est un « fatwa » qui vient amplifier la tendance déjà existante de lyncher son voleur. Les conséquences, on en a une idée après la vindicte organisée contre les bars « Kundé ».

Doit-on continuer dans cette logique de la loi du Talion ? Si oui les perdants ne seront pas forcément ceux à qui on pense. C’est pourquoi il faut avoir le courage de redymensionner la lutte contre l’impunité à l’aune des lois républicaines. Tout le monde y gagne. Que le sixième anniversaire de la Journée nationale de Pardon soit une opportunité de pousser notre réflexion dans cette bonne direction : sus aux démons de la haine.

Djibril TOURE

L’Hebdo

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique