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Elections en Afrique : Un archaïsme volontairement entretenu

Publié le mardi 14 novembre 2006 à 08h57min

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Pourquoi les périodes électorales sont-elles toujours sources d’inquiétudes en Afrique ? Parce qu’elles ne sont pas toujours frappées du sceau de la transparence et parce que les batailles pour le pouvoir vont jusqu’à des affrontements parfois meurtriers.

Ainsi donc va le continent noir, à l’heure où tous les peuples du monde utilisent à fond ce formidable levier de la démocratie multipartiste qu’est l’élection. Récemment encore, aux Etats-Unis, les élections de mi-mandat ont permis aux Américains d’influencer la politique irakienne de leur pays en propulsant les démocrates au Sénat et au Congrès. Et cela, sans que personne n’ait eu quoi que ce soit à redire. Au contraire, les vaincus ont été les premiers à reconnaître leur défaite, à en assumer les responsabilités et à accepter de se remettre en cause pour épouser le désir du peuple.

Mais surtout, la publication des résultats s’est effectuée avec une telle rapidité qu’on croirait rêver. En dehors de l’Afrique du Sud, on n’imagine pas un seul pays africain capable de ce qui peut être considéré comme une prouesse, à savoir livrer le verdict des urnes dans les heures qui suivent l’élection. Au meilleur des cas, il faut attendre plusieurs jours. Le pire des cas, c’est ce que donne à voir la RD Congo où plusieurs semaines sont nécessaires pour le dépouillement des bulletins et la publication des résultats. Ce pays a toutefois des circonstances atténuantes car il est au stade zéro de la démocratie, après des années d’une guerre civile très meurtrière.

Mais que dire des Etats ayant une expérience confirmée en matière d’organisation des élections, et qui continuent de végéter dans l’archaïsme le plus total ?

L’argument du manque de moyens pour justifier les élections bâclées dont on est coutumier ne peut plus prospérer. Après plus d’une décennie d’ouverture démocratique, la plupart des pays en Afrique subsaharienne ont pu accumuler une expertise à même de leur éviter les spectacles d’urnes transportées à dos d’âne ou sur des bicyclettes sans aucune garantie de sécurité. Le misérabilisme est savamment entretenu par les régimes au pouvoir en matière d’organisation des élections parce que certainement ils y ont intérêt.

Alors qu’ils sont capables de déverser des milliards dans des campagnes à l’américaine, certains chefs d’Etat rechignent à mettre un seul kopeck à la disposition des instances (généralement indépendantes) d’organisation des élections. C’est même à contrecœur que l’agenda électoral est respecté. Il est très souvent malmené à travers des reports ou des manipulations diverses des codes électoraux. Ce volet est délaissé à la communauté internationale, comme pour dire qu’en tant qu’inspiratrice du multipartisme, elle doit en supporter le coût financier.

Pourtant la fracture numérique et technologique qui sépare les pays pauvres des riches peut être comblée. Déjà, la publication sur Internet, dans certains pays, des listes électorales, est une avancée remarquable qui montre que technologies et élections font bon ménage. Même si elles peuvent connaître des couacs, les nouvelles technologies sont un outil efficace dans des pays où les communications routières sont en mauvais état et retardent considérablement la collecte, le dépouillement et la publication des votes.

La preuve est que certains partis mettent en place d’importants moyens de communications qui leur permettent d’obtenir les résultats en temps réel. Pendant ce temps, la commission électorale doit se battre avec des méthodes rudimentaires voire archaïques pour acheminer certaines informations.

On a l’impression que tout cela est délibérément fait pour que les commissions électorales pataugent dans la misère. Or, il est de notoriété publique que plus les résultats d’une élection tardent à être publiés, plus ils sont susceptibles de manipulations. Les oppositions tombent très souvent dans le piège des débats sans fin sur les modes de scrutin et les circonscriptions électorales, oubliant l’importance de la publication rapide des résultats.

Au regard des difficultés que continuent de connaître les pays africains dans l’organisation des scrutins, l’on n’est pas loin de penser que la culture de la démocratie est loin d’être partagée dans certains milieux. En cela, il y a un véritable marché de dupes qui fait croire que la démocratie existe alors qu’il n’en est rien.

On constate même un recul dans certains pays, notamment francophones, sans doute en raison des relations parfois ambiguës qu’entretiennent les pays de cette sphère avec la France. Si bien que les urnes ne suffisent pas pour légitimer un dirigeant nouvellement élu tant qu’il n’a pas reçu l’onction de l’Elysée. Le sacre, pour bon nombre de dirigeants d’Afrique francophone, c’est d’être accueillis sur le perron de l’Elysée.

La satisfaction est à son summum lorsque Chirac tapote l’épaule, un geste qui peut signifier qu’on est dans les grâces du président français. Cette image traduit cependant aux yeux du monde les rapports de condescendance qui continuent de prévaloir entre la France et ses ex-colonies. Cette diplomatie personnalisée peut contribuer à maintenir l’Afrique dans sa situation d’arriération politique parce que les régimes au pouvoir doivent leur survie, non pas à la volonté du peuple, mais au bon vouloir de Paris.

Les anglophones se montrent en revanche plus indépendants vis-à-vis de l’ex-puissance coloniale. Ce qui leur permet de s’en remettre à leur peuple pour leur avenir à travers le respect des règles démocratiques. Au Ghana, le président Rawlings est le prototype des dirigeants qui ont su mener une politique de rupture en redonnant au pays sa fierté.

Les exemples sont malheureusement rares de dirigeants profondément acquis à la démocratie. Une situation qui fait désespérer de l’avenir car peu d’indices laissent croire à une amélioration des prestations du personnel politique tant de l’opposition que du pouvoir. Il ne nous reste qu’à continuer à admirer ces électeurs occidentaux dont personne ne s’aviserait à détourner ou à manipuler le choix.

Le Pays

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