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Hautes fonctions en Afrique : Pour une culture de la sanction et de la récompense

Publié le samedi 21 octobre 2006 à 10h26min

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Jacob Zuma, ex vice-président sud-africain

Sous les tropiques africains, peu de ministres répondent devant la justice pour faits de corruption ou de détournements. Des poursuites à l’encontre de ces grands commis de l’Etat pour "abus de biens sociaux", "abus de confiance", etc. n’existent pratiquement pas non plus.

Si fait que la notion de scandales, notamment financiers, dont certains pourraient être à l’origine, est quasi inconnue. Faut-il croire que la majeure partie des ministres a les mains propres ? Si tel est le cas, c’est tant mieux.

Reste qu’on peut sérieusement en douter. Ce scepticisme est d’autant plus grand et justifié que, de plus en plus, sur le continent, les affaires sales des républiques bananières, cotonnières et caféières africaines parviennent sur la place publique, du fait, généralement, du travail des médias qui arrivent parfois à lever de gros lièvres ; lesquels seront ensuite poursuivis, dans certains cas, par la société civile.

Une fois le fait de corruption ou de détournement, avéré, reste la sanction. Et c’est là que le bât blesse. En dehors de quelques Etats où les autorités politiques se montrent très fermes et disposées à faire en sorte que l’affaire connaisse un jugement, et des plus impartiaux, la tendance est généralement au laisser-faire, à l’impunité. Tout laisse penser que, d’un côté, il y a les faibles, assurés de connaître les rigueurs de la loi quand ils sont en faute, et, de l’autre côté, les intouchables. Pour les derniers, on feint d’ignorer les casseroles qu’ils traînent. Leurs dossiers "sales" sont rangés dans les tiroirs, quitte, plus tard, à être utilisés politiquement, à être retournés contre eux quand les nouveaux couplets qu’ils entonnent deviennent des plus gênants.

Il faut le dire, bien des présidents africains ont du mal à taper du poing sur la table pour dire non à la prévarication et à la concussion, dans leur entourage immédiat. Et à permettre que les présumés délinquants soient remis à la justice.

Que de hauts fonctionnaires répondent des faits de corruption et/ou de détournements devant la justice, cela participe pourtant de l’assainissement de la morale politique, donne de la crédibilité aux gouvernants et les met à l’abri d’éventuelles éclaboussures. C’est aussi un signe de bonne gouvernance.

C’est pourquoi il faut saluer cette tendance citoyenne, au niveau africain, même si elle est encore timide, à faire juger les crimes économiques et délits financiers commis par des ministres et de hauts responsables de l’Etat dans l’exercice de leurs fonctions. Pourquoi ne pas faire comme l’Occident où la fonction ministérielle, loin d’être un mythe - le ministre étant perçu presque comme un demi dieu en Afrique - est telle que le haut serviteur de l’Etat reste un citoyen comme les autres, c’est-à-dire pouvant répondre devant la justice comme tout le monde ? En France, une fois qu’ils sont mis en examen, les ministres et bien d’autres hauts responsables prennent eux-mêmes le parti de démissionner. Retirés momentanément de la scène politique, ils s’emploient à préparer leur défense, à prouver leur innocence et surtout à se mettre à la disposition de la justice. Et c’est parfois pour eux le retour en grâce.

Mais, en Afrique, le grand commis de l’Etat, dans bien des cas, est momentanément mis "en réserve de la République", le temps que l’orage passe et qu’il se fasse quelque peu oublier. Puis, pour certains, c’est le retour aux affaires, sans même qu’une quelconque juridiction ait fait la preuve de leur innocence et qu’ils aient été lavés publiquement des soupçons.

Cependant, si les hauts fonctionnaires et autres grands commis de l’Etat, auteurs de malversations financières doivent être sanctionnés, ils doivent tout aussi être récompensés quand ils font preuve d’efficacité, de probité et d’intégrité. La récompense cultivera davantage le sens de la responsabilité et de l’efficacité. Mieux, elle sera un facteur stimulant. Quant à la sanction, elle permettra de mettre certains ministres en garde, qui vivent dans un nuage et qui finissent par oublier qu’ils ont été appelés pour servir et non pour se servir et se faire servir.

Il apparaît clairement que sous les cieux africains, la haute fonction est généralement une occasion d’ascension sociale fulgurante. L’une des rares voies qui permettent de beurrer ses épinards. Ce n’est donc pas un hasard si la bataille pour accéder à un tel poste est parfois féroce en Afrique.

Il n’y a qu’à voir tout ce qui se mène comme tractations, visites nocturnes, pratiques occultes et autres, quand il plane dans l’air des rumeurs de remaniement ministériel ou quand arrivent les échéances électorales. Et la joie des "heureux élus", qui accompagne certaines nominations, est suffisamment ostensible pour que soit comprise l’idée qu’ils se font de la nouvelle fonction.

Le Pays

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