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Assemblée nationale : hommage au Pr Joseph Ki-Zerbo

Publié le mercredi 27 septembre 2006 à 08h28min

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Pr Joseph Ki-Zerbo

A un an de la fin de la troisième législature de la IVe République, le député Joseph Ki-Zerbo interrompt son mandat pour convenance personnelle. Conformément aux lois parlementaires, sa succession échoit au premier suppléant de la liste PDP/PS. Sur le départ de Ki-Zerbo de l’Assemblée et l’arrivée de son suppléant Etienne Traoré, les présidents des groupes parlementaires se prononcent.

M. Sidiki Bélem président du groupe parlementaire ADF/RDA, : « Je connais le Pr Ki-Zerbo pour l’avoir côtoyé très jeune pendant les luttes de la CFD, de la Conférence nationale souveraine, du Collectif des partis. C’est un intellectuel de haut niveau, un cadre plein, bien réfléchi. Il est né opposant et quitte la scène politique en demeurant opposant. Il a été plus ou moins égal à lui-même. Si les titres et diplômes faisaient d’un homme un président de la République, il serait devenu président du Faso. Il a été une référence pour sa génération.

Je suis venu à l’Assemblée nationale en remplacement du député Gilbert Noël Ouédraogo. De ce fait, je n’ai pas eu l’occasion d’y siéger avec lui. Ce fut, malheureusement, les moments où il s’absentait pour des raisons de santé. Dans les années 78, j’étais fasciné par ses propos sur la démocratie, sur la majorité avec des éminents hommes politiques, tels que Gérard Kango Ouédraogo. Nous nous sommes également côtoyés lors des grandes luttes politiques qu’a connu notre pays : Conférence nationale souveraine, CFD, G14, Collectif. Je garde de lui le souvenir d’un homme de grande valeur.
Quant à son suppléant, le Pr Etienne Traoré, c’est un cadre valable. Il tient des débats fructueux, surtout lorsqu’il est convaincu d’une idée.

Naboho Kanidoua, président du groupe parlementaire CDP : « J’ai appris le départ du Pr Ki-Zerbo à travers les différents organes de presse, avec comme raison essentiel, sont état de santé. On a remarqué qu’il était devenu rare à l’Assemblée.

Pendant les moments où nous avons eu à travailler ensemble, notamment au sein de la Commission des affaires générales et institutionnelles dont nous étions tous les deux membres, j’ai trouvé en lui quelqu’un qui a tout fait pour apporter sa contribution à l’élaboration des politiques régissant le pays à travers les lois qui sont discutées, adoptées ou rejetées à l’Assemblée nationale. Il est donc un homme qui s’est donné à son pays comme il devrait le faire.

Au niveau des débats à la plénière, c’est quelqu’un qui a toujours défendu la ligne de son parti au cours des débats ; bien sûr, nous avons aussi la nôtre. Lorsqu’il y a des débats au cours desquels nous avions la même position, généralement, nous allons dans le même sens. Donc, c’est également quelqu’un qui, pendant son passage à l’Assemblée, a eu à participer de manière constructive au fonctionnement de notre institution.

Je n’ai pas à apprécier l’arrivée de Etienne Traoré. C’est la loi qui le prévoit et lorsqu’un député s’en va, pour une raison ou pour une autre, il est remplacé par un suppléant. Les suppléants sont placés sur la liste selon un certain ordre.

Au départ d’un député d’une même formation, d’une même circonscription, d’une même liste, c’est celui qui est en tête de la liste des suppléants qui prend la place. Donc, c’est la loi qui le dit.

Toussaint Abel Coulibaly, président du Groupe parlementaire CFR, (Confédération des Forces Républicaines) : « Je ne peux apprécier le départ d’une personne de l’envergure du Professeur. Je préfère donc me garder d’une quelconque appréciation de son départ.

Ce que j’en sais, c’est que son départ est motivé. Le Professeur est un homme à qui il faut rendre hommage, pour tout ce qu’il représente pour le Burkina.
Je suis à ma première législature et le peu de temps que j’ai fait avec lui me permet d’affirmer que c’est un homme qui a toujours assumé ses choix, ses opinions. Aussi, il ne tergiverse pas et il ne revient jamais sur une décision qu’il a prise. Il est aussi un homme engagé qui va jusqu’au bout de ses opinions.

Pour tous ces faits, je peux affirmer que c’est un grand homme politique. Je ne garde pas un mauvais souvenir de lui, même si nous n’avons pas les mêmes opinions politiques. Il était de l’opposition et nous de la majorité. C’est ainsi que va la démocratie.
Je n’ai pas encore officiellement connaissance de l’arrivée du remplaçant Etienne Traoré. J’attends, selon les dispositions réglementaires, qu’il soit présenté au cours d’une séance plénière. Nous allons l’accueillir comme ses prédécesseurs ».

Djézouma Sanou, président du groupe parlementaire justice et démocratie : « Je crois que le départ du Pr Ki-Zerbo de l’Assemblée est une question tout à fait personnelle à lui et une question interne du PDP/PS en tant que parti.

En principe, je pense que le PDP/PS est véritablement libre de décider de ce qui peut arranger la suite de sa représentation au sein de l’Assemblée. Le Pr est homme à qui tous les Burkinabè doivent rendre un hommage pour toute la lutte qu’il a eu pour le Burkina Faso. Mais, il commençait à être un peu absent de l’hémicycle pour des raisons dites personnelles. On sait manifestement que le poids de l’âge commençait à avoir une empreinte sur sa capacité à venir soutenir les débats comme on l’aurait souhaité.

Mais il aurait pu ne même pas démissionner. Notre hémicycle connaît des cas d’absences prolongées de trois ou quatre ans et on en parle pas. En tant que jeune politique, j’ai beaucoup bénéficié de ses réflexions et de son expérience. J’ai plus bénéficié de sa présence en collaborant avec lui au sein du Collectif jusqu’à ce que par rapport aux élections municipales de 2000, nous ayons eu des points de vue divergents, notamment sur la participation ou non à ces élections.

Je connais un peu sa contribution à l’histoire du Burkina Faso. A ce niveau on doit lui rendre un hommage et souhaiter qu’il se rétablisse promptement afin de continuer à apporter sa pierre à l’édification de la démocratie au Burkina Faso. L’arrivée de Etienne Traoré est une chance pour le PDP/PS et aussi pour l’hémicycle. Ça veut dire que le débat en principe ne baisse pas de niveau.
C’est une contribution au moins équitable au débat. Il est souhaitable qu’à chaque fois qu’un député s’en va, celui qui le remplace soit encore percutant. Le débat a besoin d’être enrichi et l’opposition a besoin de gens qui réfléchissent et apportent des propositions concrètes qui améliorent la contribution des députés à l’approfondissement de la démocratie.

« Le départ du Pr Joseph Ki-Zerbo est essentiellement dû à un problème de santé. Je pense qu’à l’impossible, nul n’est tenu. Cela explique son départ.
Depuis 1970, il a pris part à toutes les élections libres dans ce pays et il a été toujours élu député à l’Assemblée nationale, à l’opposition bien sûr.

En tant qu’opposant, il a contribué énormément à l’avènement de la démocratie au niveau du pays et également du travail parlementaire. Si pour cette fois-ci, il a quitté l’Assemblée pour raison de santé, le Pr a toujours eu l’habitude de ne pas finir ses mandats. Depuis la IIe jusqu’à la IVè République, le Pr n’a jamais terminé un mandat à l’Assemblée. Il a toujours cédé la place à ses suppléants. Pour une fois que l’on croyait qu’il allait finir son mandat, voilà que la maladie intervient. Quant à son remplaçant, le Pr de philosophie à l’université, puisqu’il veut être député, et c’est un élu, il n’y a pas de raisons qu’il ne puisse pas être à la hauteur de son travail.

Pourquoi n’avoir pas céder plutôt son fauteuil, cela est une question personnelle à poser au Pr Ki-Zerbo, mais pas à moi, président du groupe. En effet, le mandat du député est personnel, impératif ; c’est individuel. Donc, on ne peut pas obliger un député à faire quoi que ce soit. Il en est de même à l’hémicycle pour le vote qui est une liberté du député. Le Parti peut faire des recommandations aux députés mais le député n’appartient pas en tant qu’élu au parti. Il a un mandat du peuple ».

Dramane KONE
Bouraïman ZONGO
(Stagiaires)


Le politique Joseph Ki-Zerbo

Plusieurs fois élu député à l’Assemblée nationale, Joseph Ki-Zerbo est reconnu comme un citoyen dont l’engagement allie enseignement, recherche et action politique.

Les prémisses de son engagement politique se situent dans son activisme au sein des associations. Le 16 juillet 1950, il crée l’Association des étudiants voltaïques en France (AEVF) avec d’autres camarades. Premier président de l’AEVF, il participe au congrès constitutif de la Fédération des étudiants d’Afrique noire de France (FEANF) du 29 au 30 décembre 1950. Installé à Dakar où il enseigne, il crée en 1958 avec d’autres camarades africains, le Sénégalais Cheick Amidou Kane, le Béninois Albert Tévoédrè notamment, son premier parti politique,

le Mouvement de libération nationale (MLN).
Son programme politique se résume alors à trois propositions : l’indépendance, la création des Etats-Unis d’Afrique, le socialisme. Le MLN bat campagne dans plusieurs pays d’Afrique occidentale. Par ailleurs en 1958, Ki-Zerbo fait partie de ces jeunes intellectuels africains patriotes qui, dans un élan de panafricanisme, ont apporté leur soutien à la Guinée de Sékou Touré, victime de représailles. Suite au « non » de la Guinée au référendum du général De Gaulle, la France a décidé de rapatrier tous ses cadres, en majorité des enseignants.

Alors, ces jeunes intellectuels révolutionnaires ont affirmé leur solidarité au Parti démocratique de Guinée, tout en affirmant leur orientation antiimpérialiste et leur détermination à œuvrer à l’indépendance réelle de l’Afrique. Considérés à tort ou à raison comme des contre-révolutionnaires, Ki-Zerbo et les autres regagnent leur pays respectifs. Retourné en Haute-Volta après les indépendances, Ki-Zerbo est actif dans le mouvement de contestation populaire qui fait chuter en 1966, Maurice Yaméogo, premier président de la Haute-Volta.

C’est sous la bannière du MLN qu’il fait son entrée à l’Assemblée nationale en 1970 lors des premières législatives multipartites. Il est candidat à la première élection présidentielle de l’histoire de la Haute-Volta, mais il est éliminé au 1er tour.

Contraint à l’exil en 1984 par le régime révolutionnaire du capitaine Thomas Sankara, il s’installe à Dakar avant de regagner son pays en 1991 avec le retour de l’Etat de droit. Il est élu député CNPP puis réactive, sa formation politique, cette fois sous l’appellation PDP, parti qui devient par la suite PDP/PS.

Il s’engage aussi dans la lutte contre l’impunité au sein du Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques, créé au lendemain de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en 1998.

Réélu député sur la liste nationale en 2002, le Pr Ki-Zerbo cède, tour à tour, la tête du parti à Ali Lankoandé en 2005 et son mandat à Etienne Traoré en 2006.
Au lendemain des élections de 2002, son parti perd la place du 1er parti de l’opposition avec 10 sièges au profit de l’ADF/RDA, 17 sièges. Sous le poids de l’âge et de la maladie, le Pr Ki-Zerbo lègue une action politique qui retrace son engagement intellectuel et scientifique.

D.K et B.Z

Sidwaya

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